Une nocturne rose-bonbon à Orsay

Jeudi soir dernier avait lieu la fameuse nocturne du musée d’Orsay ! L’occasion de rencontrer des élèves de l’école du Louvre, médiateurs à Orsay le temps d’une soirée et d’assister à d’autres expressions artistiques autour du thème « Kitch ou pas kitch ? ».

Pour bien commencer, on peut se demander ce que c’est exactement, le kitch ? Si ça t’évoque à toi aussi un fond d’écran rose-bonbon rempli de petits chatons et de cœurs qui clignotent ou une scène affreusement pathétique ou surréaliste d’une rupture amoureuse, tu n’es pas si loin de la définition…

« Kitch : Caractère esthétique d’œuvres et d’objets, souvent à grande diffusion, dont les traits dominants sont l’inauthenticité, la surcharge, le cumul des matières ou des fonctions et souvent le mauvais goût ou la médiocrité. “

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Dès le début de la nocturne, il y a beaucoup de monde dans l’allée centrale du musée. On croise des sacs de l’école du Louvre qui indiquent qu’il y a plein de camarades présents, et les petites tâches roses réparties aux abords des salles, qui ne sont autres que les médiateurs de notre soirée, nous montrent où aller pour bien commencer.

En entrant à droite dans une des salles Luxembourg, celles des académistes, un grand groupe est déjà présent devant le gigantesque tableau d’Henri Regnault, Exécution sans jugement sous les rois maures de Grenade, exécuté en 1870. Comme nous l’explique notre médiatrice, l’abondance de dorures, de motifs orientaux dans le décor, l’imposante stature du personnage qui se place au-dessus de nous nous donnent une image merveilleuse d’un prince d’Orient comme en rêve les Européens de l’époque. Et puis elle parle du sujet sanglant de cette scène dans laquelle le peintre nous inclut aussi, comme une menace qui pèserait sur nous. En se hissant sur la pointe des pieds, on aperçoit soudainement derrière les têtes des curieux le bas du tableau : un homme et sa tête à côté de lui dont jaillit et dégouline le sang sur les marches dorées du somptueux palais… Cela donne encore plus un effet de « kitcherie », dans un décor abondant de luxure jaillit cette scène étonnante, ce qui donne un contraste saisissant ! On apprécie encore plus le tableau lorsque la médiatrice nous fait remarquer certaines traces de sang sur les marches, faites directement en faisant éclabousser le pinceau rouge de peinture. « Ça ne vous fait pas penser à du Jackson Pollock ? » Mais si ! 80 ans avant son contemporain, on dirait que Regnault avait déjà une âme d’avant-gardiste.

Alors, kitch ou pas kitch ? A vous de choisir !

On continue de se balader dans les salles où bon nous semble, même celles où il n’y a pas de médiateurs, on s’amuse à se demander nous même si ce qu’on voit est kitch ou non. On observe avec émerveillement certains copistes qui arrivent à redonner des coups de pinceaux semblables à ceux des grandes œuvres exposées devant eux.

Entre deux salles, on écoute les mini-concerts en trois actes de la Traviata. Simplicité du décor, mais avec l’orchestre, les personnages et la mise en scène, on se croirait à l’opéra. En tout cas, la masse de monde qui regarde a l’air d’apprécier. On ne trouve plus de place ni par terre, ni au balcon !

On s’enfonce dans le fond de l’ancienne gare et on monte les étages pour arriver dans la grande salle de bal, où des artistes contemporains ont revisité et se sont inspirés de certaines œuvres du musée d’Orsay. Pour le coup, la salle parée de milles lumières avec ses grands lustres, ses dorures de partout et ses miroirs qui donnent de la profondeur, ça fait vraiment kitch, mais alors, c’est magnifique ! La vue qui donne directement sur l’aile de Flore nous réjouit d’autant plus.

Les œuvres des artistes sont disposées dans des caisses en bois à même le sol, comme au commencement de la création d’une exposition. Certaines sont étonnantes et intriguent, et d’autres donnent envie de venir regarder directement. Le petit dépliant qui explique la démarche des artistes nous aide bien. Comme il n’y a pas le nom de l’œuvre écrite sur un cartel ou autre, on s’amuse à retrouver qui s’est inspiré de quoi.

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Nuit Réseautique, par Alain Vret

En redescendant, on se presse dans l’allée centrale pour écouter une médiatrice devant les statues. Celle qu’elle a choisi, c’est Eve après le péché, du sculpteur Eugène Delaplanche, qui date de 1868. Ayant reçu le premier prix de Rome et reconnu pour son talent, Delaplanche s’envole pour Rome en 1864 où il réalise le plâtre de cette statue, ensuite la taille dans le marbre et l’envoie à l’Etat français, pour montrer qu’il travaille à ses œuvres. Sur la sculpture, Eve a l’air rongé par la peur ou le désespoir, avec une pomme à ses pieds, qui n’est pourtant pas croquée…peut être qu’on ne la voit juste pas du bon côté ?

Assez critiqué pour les formes « trop larges » du personnage d’Eve, Delaplanche réalisera à la fin de sa vie, comme un intime devoir, Eve avant le péché, cette fois en 1890, elle aussi critiquée comme « rêveuse et provocante ».

Malgré tout ce qui a pu être dit, cette Eve qui a déjà commis le péché ne nous a pas paru kitch, mais plutôt touchante par la façon pudique dont elle se cache derrière son bras et dont ses yeux expriment bien des sentiments par rapport à ce qu’elle vient de faire. Mais peut-être qu’on peut aussi la trouver kitch ! En fin de compte, c’est un concept assez subjectif en fonction de notre vision des choses et de nos ressentis.

 Eve après le péché©photo musée d’Orsay / rmn  et Eve avant le péché ©photo musée d’Orsay / rmn

C’est déjà la fin de la nocturne, un agent de sécurité vient nous informer qu’il faut évacuer les lieux car le musée va fermer. On ressort avec pleins d’étoiles dans les yeux et de belles anecdotes dans la tête. Même si la Vénus de Cabanel imprimée sur l’affiche de la nocturne n’était pas présente car elle était déjà en place pour l’exposition sur le Second Empire qui commence dès cette semaine, on ressort avec la tête remplie d’anecdotes et bien content d’avoir appris ce que c’était ou pas, le kitch.

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