
Louis Phélipeaux de la Vrillière (1599-1681) est conseiller de Louis XIII, secrétaire d’État et maître des cérémonies de l’Ordre du Saint-Esprit. Il est l’un des principaux représentants de la catégorie des amateurs ou curieux du XVIIe siècle, dont l’expression la plus impressionnante est la collection de peintures et de sculptures qu’il constitue en son hôtel de la Vrillière, à Paris. Son mausolée en marbre, sculpté par Domenico Guidi, est visible dans l’église de Châteauneuf-sur-Loire (Loiret) dont il était le seigneur.

L’hôtel de Louis Phélipeaux est construit par François Mansart entre 1635 et 1650. À l’origine son jardin était accolé à celui du Palais-Cardinal. L’hôtel est bâti entre cour et jardin, mais l’irrégularité de la parcelle fait qu’il n’y a pas d’axe central du portail au jardin. L’année du lancement des travaux, La Vrillière épouse Marie Particelli, fille de Michel Particelli d’Emery, surintendant des finances de Louis XIII. Elle apporte à son mari une dot considérable qui lui permet d’engager les travaux de leur hôtel parisien. La mort du beau-père en 1650 permet à La Vrillière de récupérer, en plus de l’héritage monétaire, le château de Tanlay, en Bourgogne, qu’il avait fait restaurer par Pierre le Muet.

En plus des grands appartements, l’hôtel de la Vrillière est agrémenté d’une galerie peinte par François Perrier en 1646 (il meurt en 1650). Elle précède de vingt ans la Galerie d’Apollon du Louvre par Le Brun, qui fut d’ailleurs élève de Perrier. Le marché passé entre La Vrillière et Perrier montre la confiance totale du commanditaire : le peintre promet de réaliser les décors « suivant les desseings qu’il trouvera plus à propos et pour le mieux », à huile ou à fresque, et dispose d’une chambre dans l’hôtel « pour dresser ses desseins et cartons et autres choses ».

La galerie de l’hôtel devait abriter les chefs d’œuvres de la collection personnelle de Louis Phélipeaux. Selon la tradition, l’œuvre à l’origine de la galerie est L’Enlèvement d’Hélène de Guido Reni, achetée en 1634 (avant la construction de l’hôtel). Neuf autres tableaux de mêmes dimensions seront ensuite commandés aux plus grands artistes de l’époque pour s’intégrer au décor de la galerie. Ces dix tableaux sont restés en place jusqu’à la Révolution, puis ont été envoyés dans différents musées (dont la moitié au Louvre) et remplacés par des copies au XIXe siècle. Voici les œuvres qui prenaient place dans la galerie (plus de 200 tableaux étaient également présents dans les nombreuses autres pièces de l’hôtel) :










Dès 1705 les héritiers de Louis Phélipeaux mettent l’hôtel en vente. En 1713, le comte de Toulouse, fils légitimé de Louis XIV et Mme de Montespan, achète l’hôtel de la Vrillière (qui devient donc hôtel de Toulouse). Il fait restaurer l’hôtel par Robert de Cotte, qui réalise plusieurs plans montrant l’hôtel avant et après les travaux (voir ci-dessous). Il conserve la voûte peinte et les tableaux de la galerie mais il demande à Antoine-François Vassé, qui a participé au décor de la chapelle royale de Versailles, de recréer le décor en 1718-1719.

Jean-Aimar Piganiol de la Force a écrit une description de la galerie qui nous est utile pour mettre en relation son état et l’interprétation de son décor après les travaux de 1719 et son état actuel : « Cinq grandes fenêtres cintrées, qui répondent à autant d’arcades remplies de glaces de miroir, règlent l’ordonnance de l’Architecture. Tous les ornements de sculpture sont de Vassé et d’un fini merveilleux. Ce sont des sujets pris de la marine ou de la chasse, c’est-à-dire de ce qui faisoit l’occupation sérieuse du Prince, ou de ce qui lui servoit d’amusement. Cette galerie est voûtée d’un berceau à plein cintre, que François Perrier peignit en 1645, au retour de son second voyage d’Italie. Il partagea cet espace en cinq grands tableaux.

Apollon ou le soleil est peint dans le tableau du milieu de la voûte, et les éléments sont les sujets des quatre autres. Apollon est ici représenté d’une jeunesse, d’un éclat, et d’une majesté dignes du dieu de la lumière : il est précédé par l’aurore, et par de petits zéphirs occupés à verser la rosée du matin et est accompagné de son cortège ordinaire. La nuit est dans un coin du tableau et se réveille à mesure qu’elle sent l’approche du soleil… »

Le fils du comte de Toulouse, le duc de Penthièvre, fait exécuter d’importants travaux en son hôtel (qui devient alors hôtel de Penthièvre). À la Révolution, son petit-fils le duc de Chartres, futur roi Louis-Philippe, quitte la France. En 1793, à la mort de Penthièvre, ses biens sont donc déclarés Propriété Nationale par application des lois contre les émigrés. L’hôtel devient Imprimerie Nationale, les œuvres sont envoyées au Muséum central des Arts nouvellement créé et la galerie devient magasin à papier. En 1808 la Banque de France s’installe dans l’hôtel, et l’Imprimerie Impériale investit l’hôtel de Rohan rue Vieille-du-Temple. En janvier 1812 a lieu la première assemblée générale des Actionnaires dans la galerie de l’hôtel de la Vrillière.
Dans les années 1850 l’hôtel est dans un état de délabrement extrême, c’est à cette période que l’on prend conscience de sa valeur patrimoniale. Questel est chargé de sa restauration : pour lui aucune restauration n’est possible et la galerie doit être reconstruite en entier. La démolition de la galerie est commencée en février 1870, après une étude précise des peintures (copie peinte sur toile par les frères Balze en 1868-1869) et une dépose de tous les ornements sculptés. C’est à l’occasion de cette restauration que les dix tableaux originels sont copiés pour être placés dans la galerie reconstruite. La réception des derniers travaux de décoration a lieu le 25 novembre 1875. À l’extérieur, sur les trumeaux entre les fenêtres de la galerie, sont placés des bustes retrouvés dans les fondations du bâtiment. Les têtes, toutes antiques, étaient associées à des bustes modernes et prenaient place dans les jardins de l’hôtel.

Le bâtiment en lui-même ne possède aucune protection au titre des Monuments Historiques. Seules les boiseries de la galerie sont inscrites depuis le 22 février 1926, sans doute parce que l’hôtel a été trop restauré et réaménagé pour être considéré comme un véritable monument historique. L’inscription reste cependant une protection minime, d’autant plus que l’ensemble du décor n’est pas protégé. Il faut très certainement voir ici un refus encore vivace de nos jours de considérer les restaurations du XIXe siècle comme dignes d’intérêt pour le patrimoine. Fort heureusement, la Banque de France prend soin de la galerie, qui a été l’objet d’une campagne de restauration en 2014-2015.

La Banque de France ouvre ses portes lors des Journées du Patrimoine : Certes, pour cette année c’est raté, mais il est toujours possible de visiter la galerie avec un guide conférencier (sur réservation auprès de l’association Paris Historique, uniquement le samedi matin).
Bibliographie :
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Georges Bonnefons, Les hôtels historiques de Paris : histoire, architecture, V. Lecou, Paris, 1852.
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Léon Chazal, Notice sur l’état ancien et nouveau de la galerie de l’hôtel de Toulouse, Banque de France, Paris, 1903.
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Jacques Thuillier, Les dernières années de François Perrier (1646-1649), Revue de l’Art, 1993, Volume 99, pp. 9-28.
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Antoine Schnapper, Curieux du Grand Siècle, Flammarion, Paris, 1994.
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Jean-Marie Pérouse de Montclos, L’Art de France – De la Renaissance au siècle des Lumière, Éditions Mengès, 2004.
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Banque de France. L’hôtel de la Vrillière et ses collections, Dossier de l’Art Thématique n°5, septembre 2013.