Quelle promotion de la culture ? Une tentative de définition libérale

« La culture n’est pas une affaire d’État » E. Ionesco

Palmyre, ville au carrefour de la Grèce, de l’Italie, du Proche-Orient et de l’Égypte, ville du troisième siècle avant notre ère, ville classée au patrimoine mondial, a été saccagée par Daesh. Peu de temps après, l’Unesco, organisation inter-gouvernementale, se rend sur place afin de constater la gravité des dégâts. En France plus particulièrement, de André Malraux à Jack Lang, on sait que la culture est devenue une affaire d’Etat ; cette action culturelle, vraie « religion de la modernité », est à coup sûr une exception française.

L’évolution de la société dans les pays occidentaux a permis à la population de se consacrer aux loisirs, ce à quoi le sport et la télévision ont répondu. Or, la télévision, comme l’éducation sont sous le contrôle de l’Etat.

La culture tient une place particulière dans les choix politiques de l’Etat car elle dispose d’un ministère qui lui est propre alors qu’elle est étroitement liée avec la télévision, puisque que ce ministère est le « ministère de la Culture et de la Communication ».

L’élan culturel amorcé en 1959 par Malraux et amplifié depuis 1981 est donc un élan éminemment politique

L’État ne doit pas défendre le patrimoine, des acteurs privés doivent s’en charger

Le mécénat est apparu notamment avec Mahaut d’Artois ou Isabeau de Bavière. Aujourd’hui, de grands investisseurs s’inventent mécènes comme Ariane de Rothschild, Alain-Dominique Perrin, Bernard Arnault.

D’un point de vue libéral, il paraît intolérable que l’État se mêle de la politique culturelle qui doit émaner d’initiatives privées.

Dans son livre, Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, en 1776, Adam Smith théorise les pouvoirs régaliens car les souverains abusent de leur pouvoir en partant trop souvent à la guerre, engendrant des dettes souveraines élevées. Ainsi, l’État doit rester dans son champ d’action, comme la monnaie, la justice, la sécurité. Il n’appartient en aucun cas à l’État de  défendre le patrimoine.

La culture, au service d’un dirigisme étatique voire d’une propagande

Il faut savoir que la promotion de la culture s’est faite sous le Front-Populaire, avec les congés payés, et sous le régime vichyste. Or, à ces époques, l’État libéral (par opposition à l’État socialiste) n’était pas en vigueur. Au contraire, ce sont des époques marquées par une augmentation du pouvoir de l’État. Les congés payés avaient pour but d’introduire les loisirs de masse qui répondraient à cette nécessité de combler ce temps libéré. Concernant Vichy, il est pertinent de rappeler que le dirigisme culturel de ce gouvernement était l’exact contraire du libéralisme, notamment avec l’introduction du scoutisme et du patronage catholique.

Marc Fumaroli parle de « constructivisme culturel », porté par une propagande, démultiplié par les nombreux rouages de la décentralisation.  Il considère que l’État culturel est socialiste, car il n’est pas libéral. La culture est alors « le rouage d’un moteur », elle est donc un autre nom plus noble de la propagande d’Etat. Le but de cet endoctrinement n’était pas de d’imposer une pensée unique mais d’éduquer des jeunes pour qu’ils prônent le message désiré par l’Etat dans une volonté individuelle. A titre d’exemple, l’école fut prise pour responsable de la défaite française contre l’Allemagne nazie.

La politique culturelle, une entrave aux minorités et à la spontanéité individuelle

Pour John Rawls, trois principes interdisent à l’Etat de répondre aux revendications des minorités culturelles :

  • principe de neutralité étatique envers les conceptions particulières du bien empêche l’attribution de droits collectifs culturels. Pour rester neutre, l’Etat doit se désengager du domaine de la culture.
  • le principe de l’individualisme moral. L’Etat ne peut promulguer aucune valeur, tant d’ordre culturel que moral. Seul l’individu, par son projet de vie, peut être la source de choix axiologique, l’Etat ne saurait donc le décharger de cette responsabilité.
  • le principe d’équité défend toute attribution de droits collectifs culturels. L’institution étatique doit un égal respect à ses membres : accéder aux requêtes d’une minorité serait ainsi toujours aux dépens des autres citoyens. Bref, toute intervention de l’Etat conduirait à transformer, selon J. Rawls, l’Etat-libéral en Etat interventionniste, voire paternaliste.

Cependant, il faut bien avouer que la position de J. Rawls ne permet pas d’assurer aux individus une sécurité culturelle. La culture relève de choix individuels, elle est laissée au « marché libre des cultures et des idées ». La culture est certes protégée de l’oppression, mais sans garantie de survie puisque la demande d’une culture peut être inexistante, l’offre d’une culture ne produit nullement sa propre demande : la théorie rawlsienne admettrait ainsi la possibilité pour une culture minoritaire de disparaître.

Finalement, la promotion de la culture n’est jamais neutre, on choisit de promouvoir telle culture, au détriment d’une autre. Il y a une réelle sélectivité. Les libéraux comme Rawls pensent qu’il faut laisser initiatives à des individus ou à des représentants qui sauront mettre en valeur une culture. Sur ce point-là, l’auteur Eugène Ionesco rejoignait les libéraux : « La culture n’est pas une affaire d’État ».

Pour aller plus loin : FUMAROLI Marc, L’État culturel, 1991

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