
Du 3 au 6 novembre avait lieu au Carrousel du Louvre le Salon international du Patrimoine culturel, organisé par les Ateliers d’Art de France. De nombreuses conférences étaient organisées pendant ces quatre jours et nous avons décidé de vous en présenter trois qui permettent d’évoquer la diversité des interventions proposées pendant le Salon. La première intervention que nous avons sélectionné est celle de Philippe Bélaval, organisée par le Centre des Monuments Nationaux, et qui avait pour intitulé « Patrimoine : nouveaux défis, nouveaux outils, nouvelles perspectives« . La deuxième intervention était organisée par la Sauvegarde de l’Art Français et posait la question « Comment impliquer la jeunesse au service du patrimoine ?« . Enfin, la troisième était celle d’Urgences Patrimoine « une utopie en action ». Ces trois interventions permettent d’avoir une vision large du patrimoine et de ce qui est fait pour sa protection, au travers de l’actualité de la restauration des grands monuments du CMN, de l’implication d’une certaine catégorie de jeunes pour le patrimoine mobilier, et des victoires patrimoniales d’une toute jeune association de sauvegarde du patrimoine.
Patrimoine : nouveaux défis, nouveaux outils, nouvelles perspectives
Philippe Bélaval, président du Centre des Monuments Nationaux (CMN), est intervenu pour expliquer la politique de conservation de cette institution. Héritier de la caisse nationale des Monuments Historiques (créée en 1914), le CMN gère près de 100 monuments répartis sur toute la France métropolitaine (pour les plus connus : la Sainte-Chapelle, le château de Vincennes, le Panthéon, la basilique Saint-Denis, le château de Pierrefonds, les remparts de Carcassonne, Cluny, le Mont Saint-Michel…). Depuis 2007 l’établissement s’est vu transférée la compétence de maîtrise d’ouvrage. C’est un tournant historique car auparavant, c’était la DRAC qui exerçait cette maîtrise d’ouvrage, avec les problèmes de coordination que cela impliquait. Grâce à la plénitude de compétence, l’établissement est pleinement responsable et ne dépend pas de la participation financière d’autres acteurs. L’État a ainsi récupéré une plus grande maîtrise de sa dépense en matière de patrimoine. Le CMN maître d’ouvrage est appelé à financer autour de 30 millions d’euros de chantiers par an, ce qui est relativement peu par rapport à l’ampleur des besoins. Des choix doivent être faits, et les monuments ne peuvent pas être intégralement restaurés (la restauration complète du Panthéon serait évaluée autour de 100 millions d’euros, pour le Mont-Saint-Michel ce serait encore plus).
Les opérations de restauration concourent à différents objectifs : la préservation de l’état sanitaire des monuments, l’amélioration de la connaissance du monument, des conditions d’accueil du public, de la mise en valeur du monument, et l’impact en termes d’attractivité touristique et de rayonnement du territoire sur lequel est implanté le monument (pour la Villa Cravois il y a eu plus de 110 000 visiteurs la première année, ce qui est bien supérieur à ce qui était prévu, ça a contribué à mettre en valeur la région).
Le dôme du Panthéon : Il s’agissait d’une urgence sanitaire puisque depuis les années 1930, les couvertures n’avaient pas été entretenues. Il aurait mieux fallu entretenir régulièrement le monument afin de réduire les coûts des grandes campagnes de restauration. Les infiltrations ont oxydé les tirants métalliques qui soutiennent la coupole, ce qui a compromis la stabilité du dôme. Les travaux ont coûté 19 millions d’euros: : il s’agissait de restabiliser la structure et remplacer les pierres défaillantes, grâce à un échafaudage qui ne touchait pas le monument. Aujourd’hui, la stabilité du dôme est entièrement rétablie. Cette restauration eut un impact culturel puisqu’elle a permis le rétablissement du circuit de visite des parties hautes avec l’accès à la grande colonnade du dôme. L’opération devrait être prolongée par le redressement du péristyle qui a tendance à pencher vers l’avant à cause des problèmes de stabilité du dôme. Il s’agirait d’une opération d’une douzaine de millions d’euros qui devrait être engagée en 2018. Puis s’en suivrait la restauration des façades et des décors intérieurs, mais Philippe Bélaval dit à ce propos qu’il ne sera certainement plus là pour voir ces réalisations.

Une autre opération majeure du CMN est la restauration du château d’Azay-le-Rideau, lancée il y a deux ans et toujours en cours. À son arrivée à la tête du CMN en 2012, Philippe Bélaval a été frappé par les chiffres de fréquentation du château : alors qu’Azay atteignait les 400 000 visiteurs par an face aux 300 000 visiteurs de Villandry, les chiffres se sont inversés en 2012, Azay passant à 300 000 visiteurs. Cette chute de la fréquentation était, pour lui, due à la déception que provoquait l’aspect extérieur du château : il fallait donc y remédier. Le parc a été remis en valeur, mais les travaux, à peine terminés, devront être recommencés à cause des inondations de ce début d’année. La réfection des façades et des toitures s’avérait nécessaire pour redonner de l’éclat au château. Ce chantier s’est accompagné de découvertes, notamment des traces de polychromie et de dorure sur les épis de faîtage, qui étaient jusqu’alors insoupçonnées. L’opération doit s’achever en juin 2017.

À l’intérieur a été lancée une campagne complète de remeublement du rez-de-chassée, en partenariat avec le Mobilier National, pour lui redonner son aspect XIXe siècle, et montrer la vision de la Renaissance telle que l’aristocratie du XIXe siècle pouvait l’avoir. Le mobilier néo-renaissance n’étant pas trop demandé dans les ministères (qui sont aussi meublés par le Mobilier National), les meubles étaient bien disponibles. Actuellement l’opération se poursuit avec le billard, la salle à manger et la bibliothèque. Ici, il s’agissait d’un objectif culturel et touristique plutôt que d’un impératif de conservation, pour faire revenir les visiteurs en « réenchantant le château ».
Une opération du même ordre a lieu sur le château de Voltaire à Ferney, dans la banlieue de Genève. Jusqu’à présent dans ce château, entre autres, la chambre de Voltaire n’était pas dans la bonne pièce et la bibliothèque était vide car elle avait été cédée à Catherine II de Russie à la mort du philosophe. La réouverture est prévue pour juin 2018, après la restauration des façades, de la toiture et le remeublement des intérieurs.

Enfin, le dernier projet présenté fut celui de l’hôtel de la Marine, place de la Concorde, siège du ministère de la Marine pendant 226 ans. Suite au déménagement du ministère dans le nouveau ministère de la Défense, porte de Versailles, il a été décidé de confier l’hôtel au CMN. Ces quelques années d’occupation par le ministère ont laissé des traces, et notamment la difficulté de l’ouvrir au public, aucun dispositif n’étant aux normes pour sa réception. Pour le mettre aux normes et restaurer ce qui doit l’être, la campagne de travaux est évaluée à 100 millions d’euros. Pour que cette opération ne pénalise pas d’autres monuments gérés par le Centre, le CMN a été autorisé à emprunter 80 millions d’euros. Les bureaux du ministère, qui occupent 2/3 du monument (8000 m² sur les 12 000) vont rester en place et être loués en tant que bureaux pour rembourser l’emprunt.
Dès le mois de décembre prochain, des échafaudages vont être installés pour restaurer les pavillons d’angle, les façades sur la rue Royale et les intérieurs (la colonnade a été restaurée par Bouygues il y a moins de dix ans). La visite de l’hôtel de la Marine réservera de nombreuses surprises, comme un buffet monte-plats estampillé Cressent, cachant une ouverture dans le sol, ce qui explique pourquoi il n’a jamais bougé, ou une table volante unique en France que l’Intendant du Garde-Meubles avait souhaité (et que Louis XV n’installera pas au Petit-Trianon faute de moyens) mais dont le mécanisme est malheureusement perdu. Il faudra remeubler l’hôtel avec le luxe qu’il avait au XVIIIe siècle, l’Intendant du Garde-Meubles ayant une place de choix dans la commande pour le roi et pour lui même. Une réflexion devra ainsi être menée sur la mise en valeur de ce mobilier (comment mettre en valeur la table-volante sans son mécanisme ?), mais aussi, et ce dernier point a été abordé lors de la session de questions à la fin de la présentation, de la mise en accessibilité ou non du bunker sous le monument, qui est par définition difficilement accessible au public.

Comment impliquer la jeunesse au service du patrimoine ?
Cette conférence est proposée par Olivier de Rohan-Chabot, fondateur de la Fondation du Patrimoine, président de la Sauvegarde de l’Art Français depuis 2009, et quatre étudiants de Sciences-Po impliqués dans le projet du Plus Grand Musée de France, qui a pour premier objectif de découvrir les trésors cachés dans les églises de petites communes et susciter des actions de mécénat.
Depuis 2013 et sa création en collaboration avec École du Louvre Junior Conseil (dont le partenariat a pris fin en 2015 pour être remplacé par Sciences-Po…), plus de 120 étudiants se sont engagés et 240 000€ ont été récoltés pour la restauration de 43 œuvres.

Olivier de Rohan-Chabot est le premier à s’exprimer : « Toutes ces belles choses que nous avons autour de nous, que nous pouvons voir en poussant des portes, vu qu’il s’agit du patrimoine mobilier, sont oubliées de tous. Même à Paris il y a des œuvres majeures que vous n’avez jamais vu. Énormément sont en passe de disparaître, si ça intéresse les jeunes, il faut qu’ils trouvent l’argent pour les restaurer. Et là les jeunes s’aperçoivent que ce n’est pas si simple, donc comme ce sont les futurs dirigeants de la France de demain, ils peuvent voir ce qui ne va pas en France ». On comprend mieux pourquoi la Sauvegarde de l’Art Français a préféré remplacer les étudiants de l’École du Louvre par ceux de Sciences-Po.
L’assemblée s’est ensuite lancée dans une curieuse démonstration pour prouver que les gens ne connaissent pas le patrimoine parisien : nous faire deviner où se situent la coupole du Val-de-Grâce ou les fresques de Delacroix à Saint-Sulpice (bon forcément, ce n’est pas le genre de chose à faire dans un Salon du Patrimoine, où par définition se trouvent principalement des professionnels du patrimoine).
Le projet est consacré au patrimoine mobilier, alors qu’en général quand on parle de patrimoine on ne pense qu’au bâti. Il n’y a pas de grande association en charge de la protection du mobilier.
L’initiative est née à l’Ecole du Louvre, « ils sont partis si vite qu’on a pas eu le temps de les suivre » : nous ne savons pas vraiment ce que M. de Rohan-Chabot voulait faire comprendre par cette phrase. Est-ce pour cette raison que le partenariat avec l’Ecole n’a pas été reconduit ? Ce dernier conclut son intervention en expliquant qu’il travaillait beaucoup avec des gens très âgés et donc que c’était réconfortant de voir des jeunes.
Les jeunes ont ensuite pris la parole pour exprimer leur ressenti : « Ce qui m’a plu c’est qu’on menait le projet de A à Z, on choisit l’oeuvre, on doit vraiment l’aider, la défendre, la présenter à la population, qu’on nous donne la possibilité de développer entièrement le projet ». « On est tous un peu sensible à l’art, on aime visiter les églises, les musées, on est tous sensible à cette cause », ce à quoi un autre étudiant a répliqué que, personnellement, il ne connaissait absolument rien au patrimoine : « Je sors de ce projet avec un bagage beaucoup plus grand, j’ai rencontré plein de professionnels en lien avec le patrimoine ». « Je me suis rendue compte que je ne connaissais pas ma ville. C’était comme une chasse au trésor« . « On s’implique énormément, l’œuvre devient comme notre bébé, ça prend beaucoup de temps et on a parfois dû mettre les cours de côté« . « Plus j’organise des rendez-vous avec les gens de la région, plus j’ai l’impression de construire quelque chose pour ceux qui viendront après« .

Les étudiants racontent que l’accueil est assez mitigé, ça a parfois été difficile d’entrer en contact avec les responsables, « souvent âgés ». Il y a parfois eu des relations compliquées, mais le projet permet de dépasser ces limites. Il y a aussi des difficultés avec les institutions qui prennent cette implication pour une critique de leur travail. Finalement le soutien de la presse, du public et de la SAF ont permis d’arranger les choses. « On se rend compte qu’il faut savoir jouer avec la susceptibilité des gens. On arrive dans un milieu qui a des codes, on dit « c’est formidable que les jeunes s’intéressent au patrimoine », mais en fait l’accueil est assez froid lorsqu’on se lance dans le projet, surtout de la part des institutionnels. Les maires par exemple n’ont strictement rien à faire des œuvres, d’autant plus que ça ne leur permettra pas d’être réélu aux prochaines élections« .
Le comité scientifique est dirigé par Guillaume Kientz, conservateur au Louvre, et par une équipe de conservateurs qui est là pour aider les étudiants. Ce soutien est essentiel car pour la plupart, les étudiants de Sciences-Po ne sont pas historiens de l’art, « on pouvait envoyer des photos à Guillaume Kientz lors de notre recherche d’œuvres et il pouvait tout de suite nous aiguiller en nous disant que c’est une croûte, une copie… » Beaucoup d’œuvres du XIXe siècle n’intéressent ni les institutions, ni même la SAF, mais les étudiants ont le choix des œuvres, ce qui permet d’éclairer des œuvres qui ne seraient pas mises en valeur.
Bref, la conférence ne portait pas réellement sur « comment impliquer la jeunesse », mais plutôt sur « comment impliquer les futurs dirigeants de la France de demain », comme Olivier de Rohan-Chabot l’expliquait lui-même. Le fait d’impliquer des jeunes de Sciences-Po et non plus de l’Ecole du Louvre paraît assez étonnant, mais il semble montrer la volonté de trouver de l’argent plus que de faire avancer la science. Il aurait été bien de songer à un partenariat entre des étudiants de Sciences-Po et des étudiants en histoire de l’art, mais malheureusement cela ne semble pas être à l’ordre du jour.
Urgences Patrimoine, une utopie en action
L’association est créée il y a un peu plus de 2 ans, presque par accident : à l’origine ce devait être une petite association locale, mais la création de la page Facebook a entraîné plein de professionnels du patrimoine et de locale, Urgences Patrimoine est devenue nationale. L’association est donc née sur les réseaux sociaux, ce qui a contribué à rendre populaire la cause de la sauvegarde du patrimoine, pas aussi élitiste que d’autres associations. Il y a de nombreux jeunes bénévoles, la plupart ont moins de 40 ans. Alexandra Sobczak, la présidente, décrit l’association comme une utopie populaire, car sans argent, Urgences Patrimoine a réussi à prouver qu’on peut quand même faire beaucoup de choses. Souvent il y a un manque de communication entre le porteur de projet et les municipalités, l’association a alors un rôle de médiateur.

La première intervention est celle de Sabine de Freitas, spécialiste de la peinture murale. Elle s’est dirigée vers cette association pour ce côté utopique, parce qu’après 20 ans d’expérience dans la restauration du patrimoine, il manquait cette envie de bouger dans beaucoup d’associations avec lesquelles elle collaborait auparavant.
Sabine de Freitas nous raconte alors comment elle a sauvé de petites fresques d’un hôtel à Aspremont, œuvres de Jean Boni, peintre italien présent notamment dans les collections du musée de Nice. Peintre de chevalet, il a eu l’occasion de réaliser les fresques du casino de Nice (détruit) et celles de la salle de réception de l’hôtel d’Aspremont.
C’est Violaine Malineau, docteure en histoire de l’art et archéologie et professeure à l’Ecole du Louvre, qui a contacté Urgences Patrimoine sur Facebook lorsqu’elle a appris que l’hôtel avait été acheté par un promoteur. Suite à la menace de démolition imminente, il a rapidement été décidé de sauver les fresques. Alexandra Sobczak, non sans difficultés, a réussi à obtenir les coordonnées du promoteur, qui a autorisé la dépose des fresques avant la destruction du bâtiment. Une campagne de levée de fonds a été lancée via la plate-forme Une Pierre Pour l’Histoire (UPPH). Elle a permis de financer l’achat du matériel et le transport des fresques vers le Conservatoire Muro dell’Arte. Mais cet été, alors que Sabine de Freitas était en vacances, le promoteur a décidé d’avancer la date des travaux : elle a trois jours pour sauver les fresques. Les travaux de dépose sont réalisés en urgence le 15 juillet. Sabine de Freitas, comme toute l’assemblée présente, est au bord des larmes.

Le mezzo fresco a permis de n’arracher que la couche picturale (alors que s’il s’agissait de fresques il aurait fallu arracher l’enduit avec). Sabine de Freitas a 8m² de toile pour effectuer la dépose. Pressée par le temps, elle détache les parties les plus importantes et les sèche au sèche-cheveux. L’encollage est réalisé sur une toile qui emprisonne le pigment. Tout n’a pas pu être sauvé, au grand regret de la restauratrice qui a apporté pour la conférence un petit élément déposé. Il y a une perte de matière mais l’essentiel a été sauvé. Aujourd’hui le bâtiment est détruit. Peu de temps après, des neveux de l’arrière petit-fils de Jean Boni, 86 ans, l’informent que les fresques ont été sauvées. Ce dernier contacte alors Sabine de Freitas pour racheter les fresques. Pour elle, il était bien sûr hors de question de revendre les fresques : elle partira prochainement en Angleterre (où il habite), pour reposer les fresques chez lui avec le Conservatoire. En échange, elle lui a proposé de faire un petit don à Urgences Patrimoine et lui a demandé si elle pouvait garder un petit morceau de fresque, en souvenir de cette incroyable aventure.
Gianluigi Bresciani est ambassadeur d’Urgences Patrimoine en Italie. Passionné de patrimoine, il est économiste de l’énergie et travaille auprès de l’autorité de la concurrence. Sa deuxième vie tourne depuis toujours autour du patrimoine culturel. Le 1er janvier 2015, il découvre la page Facebook d’Urgences Patrimoine. Il ne lui a fallu que 2-3 minutes pour comprendre qu’Alexandra n’était pas juste « une ménagère de moins de 50 ans » comme elle aime à se décrire. Intrigué, il lui envoya un message pour en savoir plus. Pour lui, la cause du patrimoine est ancienne mais aussi très moderne, il ne faut pas hésiter à innover. La page Facebook permet de lier plein de gens différents qui autrement n’auraient pas forcément songé à œuvrer ensemble pour le patrimoine. L’association est « populaire », dans le bon sens du terme, elle permet de mettre en lien une grande diversité de personnes. UP protège aussi le patrimoine immatériel, il est important de défendre des traditions menacées de disparition, les patois régionaux en Italie par exemple. Mais UP ne se contente pas du patrimoine régional, elle est bel et bien tournée vers l’international. C’est cette volonté de tous travailler ensemble qui a décidé Gianluigi à devenir ambassadeur UP pour l’Italie.
En Italie il est impensable de détruire des églises, mais l’Italie n’a pas de lois qui aident la sauvegarde du patrimoine. Les lois italiennes protègent le bâti avec une grande rigidité, mais la défiscalisation est quasiment inexistante à la différence de la France. Ça ne permet pas de restaurer les monuments, par conséquent les propriétaires ne font presque rien. Nous n’avons pas la prétention de faire mieux que tout le monde. « Italia Nostra et le FAI (Fondo Ambiente Italiano) font un très bon travail et nous aimerions beaucoup collaborer avec eux car nous sommes plus proches des citoyens et des associations locales. » Une deuxième délégation a été ouverte, en Toscane, par l’archéologue Lorenzo Bacci.
Pour Gianluigi, nous parlons presque toujours d’utopie pour des projets dont la réalisation est pourtant possible. Il a conclu son intervention avec cette citation de Théodore Monod : « L’utopie ne signifie pas l’irréalisable mais l’irréalisé« .
Alexandra a alors repris la parole pour évoquer l’existence, depuis peu de temps, d’un ambassadeur d’Urgences Patrimoine pour la Côte-d’Ivoire, Daouda Ouattara « avec un beau projet culturel : J’ai accepté de relever le défi de la Côte-d’Ivoire ! ». Son projet de restaurer une maison de Bondoukou datant du début du XIXe siècle permettra de former les habitants à la technique quasiment oubliée de la construction en briques sèches et en terre.
Wilfrid Pontoreau, assistant de développement du patrimoine et formateur en bâti ancien, commence son intervention en disant « ça fait 25 ans que je travaille sur des projets fous, sans argent, et avec UP on peut se projeter vers l’avenir« . Il veut, pour preuve, ses nombreux projets menés sans argent : autour d’une carrière de pierre en Vendée avec la valorisation des bâtiments d’exploitation et la formation de douze personnes sur la maçonnerie de moellons, qui a coûté seulement 400€ à la mairie ; ou encore un chantier Rempart au Château d’Ancenis qui a permis d’étudier le logis Renaissance du château.
Avec Urgences Patrimoine, il a mené le projet de sauvetage d’une église de Ligueuil (Charente-Maritime), qui devait être rasée. Le maire avait trois églises à sa charge et avait décidé d’en sacrifier une pour faire des économies. Alerté sur Facebook par François Hagnéré, Wilfrid a fait un diagnostic extérieur et intérieur et a trouvé un monument fin XIe-début XIIe en bon état. Il a pu redonner confiance à la population locale en prouvant que le bâtiment pouvait être sauvé, il n’y a pas de voûtes donc pas de risques d’effondrement à cause des poussées. L’église est finalement reconnue à son juste intérêt et la commune va s’en servir pour des activités culturelles. De petites actions de levée de fonds vont être menées par UP et Wilfrid va pouvoir y mener des chantiers. « Quelle que soit la situation, UP permet de mobiliser des énergies, en partant de rien et en redonnant vie au lieu. Collectivement on peut faire énormément de choses !«
Isabelle Guignard, propriétaire de la maison d’Alphonse Daudet à Draveil (Essonne) : « UP a un rôle important psychologiquement. Il y a 25 ans on est devenu propriétaire de la maison que Daudet a acheté et où il a vécu pendant les 11 dernières années de sa vie. Jusqu’à son décès en 1897 il y reçut de nombreux artistes et intellectuels de l’époque, dont Maupassant, Zola, Renoir, Rodin, Monet, Manet, Nadar… La maison a tout de suite été ouverte au public et est devenue une résidence d’artistes. La plupart des associations n’ont pas souhaité s’impliquer dans le sauvetage de la maison. Un jour, un jeune régisseur de théâtre qui intervenait dans la maison et qui connaissait un artisan menuisier et charpentier, Jean-Claude Sauzeat, l’a fait venir depuis le pays de Georges Sand. Jean-Claude Sauzeat a parlé avec une grande logique, il a débloqué des problèmes qui traînaient depuis 20 ans, il a sauvé les portes d’origine (que tout le monde voulait remplacer) et a parlé d’UP dont il est délégué pour l’Indre et le Cher. Pour moi ce sont des gens compétents, ils comprennent ce qu’il faut faire pour sauver la maison. Il n’a pas fallu déposer un dossier de 300 pages comme dans les autres associations, UP est arrivée à un moment où je commençais à me décourager, ça nous a redonné l’envie de persister dans le sauvetage de cette maison« . Ici, la communication va être très importante : il y a quelques temps, Alexandra avait en contact un peintre en décor qui s’est proposé d’intervenir bénévolement. Il va habiller certaines parties de l’intérieur de la maison pour lui redonner l’âme de Daudet. Dans un château de l’Ain, une entreprise s’est proposée de donner des pierres grâce à la visibilité médiatique de l’association.
Les intervenants étaient tous d’accord sur le fait qu’il n’y a pas de hiérarchie, l’humain est privilégié, c’est un rassemblement de plein de personnes autour d’une cause commune. Jean Oustry, dernier sableur de Paris vient d’être expulsé de son atelier. Le geste et le savoir-faire font partie du patrimoine. L’association a fait un grand travail d’alerte et de communication, c’est un des points forts de l’association. « Le patrimoine comme vecteur de lien social, moi j’y crois vraiment ».
Alexandra a conclu l’intervention en invitant toutes les personnes intéressées à rejoindre l’association : « Les gens qui veulent rentrer dans l’aventure sont les bienvenus, tout le monde peut apporter sa pierre à l’édifice !«