Le déjeuner, François Boucher

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Le Déjeuner, par François Boucher, huile sur toile, datée de 1739, 81x65cm, conservée au musée du Louvre de Paris.

En peignant cette toile, c’est un vrai moment d’intimité familiale que nous propose de partager François Boucher, probablement au sein même de sa famille. Nous sommes invités à prendre un chocolat ou un café, à votre convenance, et d’échanger avec ces membres de la bourgeoisie du XVIIIe siècle. Allons à leur rencontre… 

François Boucher, peintre érotique, mais pas que…

Elève de François Lemoyne qui lui transmet le gout de la composition et des couleurs éclatantes, François Boucher remporte le grand prix de l’Académie de Peinture et de Sculpture en 1723 pour aller à Rome en 1728. Là-bas, il apprend à dessiner d’après l’antique et les maitres anciens. En 1734, il est reçu à l’Académie Royale dans le genre de la peinture d’histoire, le genre le plus noble.

François Boucher devient le peintre favori de Madame de Pompadour, puis Premier Peintre du Roi et Directeur de l’Académie de peinture et de sculpture en 1765. A partir de 1755, il dirige aussi la manufacture des Gobelins. Mais, même s’il est qualifié de « peintre de la grâce et de la légèreté« , qu’il bénéficie de commandes royales et qu’il jouit de la faveur des amateurs, certaines critiques sont très acerbes à son encontre dès le milieu du XVIIIe siècle, notamment de la part de Diderot et des encyclopédistes. On lui reproche des compositions « dénuées de sublime », de sérieux et d’ampleur.

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Portrait d’une femme, François Boucher, 1760-1770, musée de Portland
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La Toilette de Vénus, François Boucher, 1751, Metropolitan Museum of Art.

En effet, lorsqu’on vous parle de ce peintre, vous pensez de suite à de petits putti bien grassouillets, des fesses de demoiselles bien rebondies, des couleurs pastels… Le tout dans un cadre très romantico-érotique comme dans sa Toilette de Vénus, 1751. Mais Boucher ce n’est pas que ça. Cet artiste s’est fait connaitre surtout par ses portraits mondains de la bourgeoisie du XVIIIe siècle qu’il représente avec tout autant de grâce et de délicatesse que ses peintures d’histoire ainsi que par des scènes de pastorales.

Un modèle de la bourgeoisie du XVIIIè siècle

Il s’agit ici d’une des rares scènes d’intérieur du peintre (avec le portrait de la Marquise de Pompadour en 1754) qui s’essait à la peinture intimiste de genre entre 1739 et 1746, probablement sous l’influence de peintres nordiques du XVIIè siècle comme Jean-François de Troy. Nous nous trouvons ici dans un petit salon d’une demeure bourgeoise, aux lambris verdâtres et dorures, un miroir sur la cheminée qui élargit la pièce et le point de vue du spectateur ainsi qu’avec une large fenêtre sur la gauche, éclairant la scène. La petite famille est regroupée dans un des coins de ce salon et le cadrage resserré nous intègre directement à l’intérieur.

Le jeu des regards entre les personnages et le spectateur ainsi que les couleur chaudes et lumineuses participent de ce climat familial. On pense actuellement qu’il s’agirait de la famille du peintre, de sa femme, sa sœur et ses enfants. Il représente alors son cadre de vie, un parfait appartement bourgeois dans lequel il démontre ses talents de décorateur et d’ornemaniste. Le mobilier est typique de l’époque Louis XV avec l’horloge et la commode de style rocaille, la table volante (« volante » car on pouvait la déplacer où on le voulait), ainsi que la vaisselle. Boucher ne cherche pas à inventer ou à parfaire la réalité, il y ajoute simplement sa « grâce » et sa « légèreté » qui le caractérisent si bien.

Le reflet de changements

Sous ses airs innocents, ce tableau reflète les évolutions de ce monde. Ce petit-déjeuner est un moment de détente et de bien-être où l’on sert désormais du café ou du chocolat, boissons exotiques de luxe devenues à la mode. La mode du café avait été lancée à Paris par l’ambassadeur du grand Turc en 1669 et Louis XV, grand amateur, fit même planter des caféiers à Trianon. Produits d’un commerce en pleine expansion, café et chocolat changeront les habitudes bourgeoises et ce phénomène suscitera la production d’une vaisselle particulière adaptée. Cette mode s’inscrit dans le goût pour l’exotisme oriental et chinois qu’on développe à cette époque (vous pourrez d’ailleurs remarquer le petit Bouddha sur l’étagère, à côté du miroir…).

Au-delà de ces nouveautés culinaires, c’est toute la société qui évolue. Ce tableau permet de nous rendre compte de la nouvelle vision développée envers les enfants, aussi bien dans la peinture que dans la vie quotidienne. Ce ne sont plus des sortes de petites personnes, des adultes de petite taille, mais désormais de vrais bambins. Ils sont désormais peints comme tel, avec des traits plus justes. L’attention qu’on leur porte devient de plus en plus importante comme on peut le voir ici, avec les regards tournés vers les petites filles et les nouveaux jouets qu’on leur fabrique tout spécialement, tels le cheval en bois et la poupée au premier plan.

Représentatif de la bourgeoisie du XVIIIè siècle et de tous les changements qui l’affectent, ce tableau nous offre l’image de l’intimité et du bonheur familial à travers la proximité des personnages et la simplicité de leur relation. 


Sources :

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