
Peint par Jacques-Louis David (Paris, 1748 – Bruxelles, 1825) en 1784, Le Serment des Horaces est une oeuvre monumentale de 330 sur 425cm. Le tableau a appartenu à la collection de Louis XVI, et est aujourd’hui conservé au Musée du Louvre.

Le tableau s’organise en trois parties, marquées par la présence des arcades en fond. La partie gauche est occupée par les trois Horaces, qui quasiment dans un même geste jurent de remporter le combat ou de mourir, en levant le bras droit vers les trois épées tendues par leur père, au centre de la composition. Par jeu d’opposition, la partie droite est occupée par les femmes, éplorées par le combat à venir.
Une iconographie romaine
Si les femmes de ce tableau sont attristées, ce n’est pas seulement par crainte de perdre les Horaces, dont elles sont respectivement la femme (Sabine), la sœur (Camille) et la mère (au fond, avec les petits-enfants). Les Horaces et leurs ennemis les Curiaces sont en effet liés par plusieurs mariages. Camille est ainsi la fiancée de l’un des Curiaces, tandis que Sabine est la sœur de l’un d’eux. Malgré ces liens, les deux fratries sont amenées à se battre à cause de la guerre entre Rome et Albe, au VIIe s av J.C. Afin de mettre fin aux batailles, chaque ville désigne ses champions, qui sont les frères Horaces pour Rome, et les trois frères Curiaces pour Albe. On voit ici le moment qui précède le combat, lorsque les Horaces jurent à leur père, et indirectement à la patrie, de vaincre à tout prix.
Une peinture morale
Ce sujet tiré de l’histoire de Rome et des pièces classiques, comme l’Horace de Corneille (1640), permet d’exalter la vertu, le don de soi et le patriotisme, autant de qualités qui seront défendues par les révolutionnaires. Cette idéologie se rapproche de celle des philosophes des Lumières, comme Diderot, qui prônait une peinture morale et cherchait dans l’Antiquité le modèle d’une société nouvelle.
Le manifeste du néoclassicisme
Ce tableau est le premier chef-d’oeuvre du néoclassicisme, un style qui naît dans la seconde moitié du XVIIIe s, en rupture avec le style rocaille, jugé excessif et frivole. Le néoclassicisme se prolonge jusque dans les années 1830, moment de l’essor du romantisme. Winckelmann (1717-1768), le principal théoricien du néoclassicisme, affirme la nécessité d’imiter l’antique pour atteindre la perfection. Ne s’appliquant pas uniquement à l’esthétique, le néoclassicisme engage les artistes à avoir un engagement citoyen et à proposer des sujets édifiants dans leurs œuvres.
Conformément aux préceptes néoclassiques, David recherche une grande lisibilité, sensible notamment dans la composition large et simple, structurée par les lignes de fuite du dallage, qui convergent au niveau des épées, et par les colonnes qui stabilisent la composition. Les personnages sont peu nombreux, et sont disposés en frise au premier plan, ce qui évoque les sarcophages antiques tout en accentuant l’effet de mise en scène. Cet effet est accentué par l’éclairage vif et oblique hérité du Caravage, qui théâtralise encore plus la scène. David ajoute à cela un fort jeu d’opposition entre le groupe des hommes, organisé par des lignes droites et des couleurs vives, et celui des femmes, alanguies et dans des tons pastels, afin d’exprimer la différence totale de leurs états d’esprit.
Pour réaliser ce tableau, David va jusqu’à retourner à Rome afin de s’inspirer de l’art antique. C’est là qu’il peint cette oeuvre, qu’il présente en 1785 dans son atelier romain, avant de l’exposer à Paris. Il étudie également des manuels d’archéologie, notamment pour le mobilier. Le XVIIIe s est en effet marqué par de grandes découvertes archéologiques, comme Herculanum en 1738 et Pompéi en 1748, qui relancent l’intérêt pour l’Antiquité et ajoutent à celui déjà présent pour Rome, passage obligé du « Grand tour » (voyage de formation des jeunes aristocrates, notamment anglais, dans toute l’Europe).
David, peintre néoclassique
Parent du peintre rococo François Boucher, artiste favori de Madame de Pompadour, David est formé à l’Académie royale de peinture et de sculpture par Joseph-Marie Vien, peintre précurseur du retour à l’antique qui introduit des éléments archéologiques dans sa peinture. Après avoir échoué à trois reprises au concours de Grand Prix de Rome, qui permet d’achever la formation académique par un séjour en Italie, David est accepté et part à Rome. Il y crée un nouvel idéal de rigueur classique, inspiré des chefs-d’oeuvre antiques et des maîtres italiens.
Ce tableau est la première commande royale de David, il marque le début de sa carrière publique, qu’il veut commencer par une oeuvre très novatrice.