
Né en 1928 en Chine près de Shanghai, ayant déménagé tôt en Europe (à l’âge de 18 ans) puis aux Etats Unis, Walasse Ting est un artiste pluriel. Son nom donne déjà une idée de son cosmopolitisme : en arrivant en Europe, le jeune artiste a changé son prénom pour un autre, sonnant plus occidental, montrant à lui seul le mélange de ces deux influences. L’exposition « Walasse Ting ou Le voleur de fleurs » au musée Cernuschi du 7 octobre 2016 au 26 février 2017, propose une retrospective assez complète (permise par le don de l’artiste au musée de 70 œuvres), et permet ainsi de répondre à la question suivante : qui était l’artiste Walasse Ting ?
Un parcours chronologique
L’exposition commence par un poème sur les âges de la vie, une ligne équivalente à une année. Cette première partie symbolise les débuts de Walasse Ting, et accompagne ses premiers tableaux de sa phase européenne. L’exposition, aux salles grandes, claires et bien éclairées, avance ainsi par phases de la vie de Walasse Ting, afin de bien comprendre les œuvres de l’artiste, mais aussi l’artiste lui-même au fur et à mesure de l’exposition. Après ses influences abstraites, on passe ainsi aux travaux de groupe accomplis en Europe et en Amérique, pour passer à une phase s’approchant plus du pop art, et finir l’exposition sur les découvertes d’encre sur papier qu’il a partagé sur la fin de sa vie ; et sur ses derniers tableaux contenant des références à des œuvres antérieures.
Ses inspirations, à la fois chinoises et européennes ou américaines
L’exposition, dans sa volonté de montrer le plus grand nombre d’aspects possibles de la vie de Walasse Ting et ses inspirations diverses, nous permet de mieux comprendre les différentes facettes de son œuvre. Ainsi, dès son enfance il a baigné dans un milieu à la fois rural et citadin, car il vivait non loin de la grande ville de Shanghai. De même, son prénom choisi en arrivant en Europe illustre la dualité de l’artiste : il détourne le prénom de sa jeunesse, Huailaixi.
Dans son œuvre en tant qu’artiste, Walasse Ting joue aussi bien sur les époques différentes que sur les influences culturelles : ainsi, ses travaux collectifs sont inspirés des peintres lettrés chinois des environs du premier millénaire de notre ère, et ses diverses encres sur papier reflètent des scènes a priori traditionnelles. De même, la calligraphie a une certaine place dans son œuvre de peintre expressionniste, au sens où un signe peut être déformé au maximum.
Ces influences chinoises croisent celles européennes et américaines : quand Walasse Ting travaille sur la femme, il s’agit plus de reprendre le thème de la femme américaine dans le Pop art et d’y ajouter sa touche propre, imprégnée de références culturelles chinoises, que de travailler sur la femme ‘habituelle’ dans le Pop art. Les thèmes abstraits, parfois pleins de couleurs très vives des peintures américaines et occidentales (notamment de Matisse qui a fortement influencé Walasse Ting) sont ainsi mélangés à des influences a priori chinoises, à ceci près que même celles semblant les plus traditionnelles rompent avec les codes en posant des aplats d’encre, ce qui n’est pas un code classique.
Une œuvre à l’encontre des tabous imposés par la société chinoise
De même, le thème sexuel est très présent dans les tableaux de Walasse Ting, ce qui va quelque peu à l’encontre des tabous posés par la société chinoise. Ainsi, même ses tableaux représentant des femmes les plus traditionnelles possible montrent des poitrines dénudées, une simple promenade en barque se fait au milieu de montagnes ressemblant fortement à des seins, et une femme allongée nue est très sexualisée. Et pour cause, pour entretenir cet esprit, l’artiste avait chez lui une pièce aux murs couverts de photographies érotiques, d’où il puisait son inspiration.
De même, son surnom de voleur de fleurs qu’il s’approprie assez vite, est une allusion au personnage du voleur de fleur dans les romans ou au théâtre, et peut être assimilé à un sous-entendu.
Walasse Ting tel que montré dans cette exposition est donc un artiste pluriel, ayant su tout au long de sa vie manier ses influences, pour mieux les mélanger et créer un style très personnel.