Au seuil du succès, Edmond se casse le nez !

« Edmond » est le titre de la nouvelle pièce d’Alexis Michalik qui se joue jusqu’en juin au théâtre du Palais Royal. L’auteur des pièces à succès Le Cercle des illusionnistes et le Porteur d’Histoire revient cette fois-ci avec une œuvre à caractère biographique. Il met en scène la vie d’Edmond Rostand au moment de la création de son chef-d’œuvre Cyrano de Bergerac. C’estEdmond-TPR-100x150-WEB.jpg un Edmond perdu, incompris et vieillot, ancré dans la fin du XIXe siècle que nous présente Michalik. Incapable d’être audacieux dans la vie, il l’est à travers ses œuvres… La réalité et la fiction s’entremêlent. Il tombe amoureux d’une jeune costumière absolument admirative de son travail. Le souci, c’est que cette jeune femme est amoureuse de la beauté de son jeune camarade. Cette histoire personnelle, il la transforme dans ses écrits à travers le triangle amoureux de Roxane, Cyrano et Christian. C’est un tableau bien sombre de la fin de siècle qui nous est dressé, les grands artistes ne savent plus quoi inventer pour avoir du succès… Les prostituées incultes se confondent avec les actrices… Le monde de l’art est vérolé par les hommes d’affaire verreux plutôt louches qui sont les seuls à le financer… Les institutions d’art sont conservatrices et n’encouragent pas la création. Seul Feydeau avec ses comédies parvient à vivre de son art… Il est présenté comme piètre auteur, opportuniste et snob…

Cette pièce a été saluée presque unanimement par le public et la critique. Pourtant, on ne peut s’empêcher de remarquer de nombreux défauts ne serait-ce qu’à la lumière de ce bref résumé…

En premier lieu, la pièce est assez réductrice. En effet, la pièce se nomme « Edmond » en référence à Edmond Rostand ; pourtant seul Cyrano est développé, les personnages ne citent rapidement que deux autres pièces dont «  L’Aiglon »… Pourquoi ne pas avoir appelé la pièce « Edmond de Bergerac » ou «  Edmond 1897 » ? C’est assez réducteur pour le dramaturge de la fin du XIXe siècle de le résumer à Cyrano. Et cet aspect réducteur est visible également dans le traitement du contexte historique. Certes c’est une interprétation, mais résumer Feydeau à un snob dénué de talent ou présenter l’art de la fin du XIXe comme une espèce de décadence puis sauvé in extremis par un Rostand faible qui a subitement un coup de génie… Cela reste très discutable. Enfin, le processus de création d’une des plus grandes pièces françaises est mis en scène de façon très simpliste. Le parallèle entre la vie de l’écrivain Edmond et la vie de son personnage paraît souvent grossier et artificiel. Tout cela exacerbe les lacunes de cette œuvre.

De plus, l’autre énorme problème de cette pièce, assez logiquement, est l’omniprésence du texte de Rostand. Effectivement, le texte de Cyrano de Bergerac compose au moins un tiers de la pièce et Michalik se repose beaucoup dessus… Si bien que le texte contemporain paraît bien fade comparé aux superbes vers du dramaturge de la Belle Epoque. Ce texte qui a traversé le temps est malheureusement mal porté par les acteurs qui, s’ils sont drôles et touchants quand ils jouent les personnages de 1897, sont très fades voire faux dans l’interprétation de Cyrano… Et Guillaume Sentou, connu aussi comme humoriste, présente un jeu très uniforme comme à son habitude…

Enfin, le dernier défaut (et pas des moindres) est le prix exagéré de la place qui rend peut-être davantage exigeant. Payer 40€ pour être placé à l’arrière sur un balcon sur le côté droit, ça reste un peu en travers de la gorge. En effet, si le théâtre à l’italienne a son charme, il n’est pas du tout pratique et très petit. La scène l’est d’ailleurs aussi, ce qui n’aide pas beaucoup les acteurs à développer un jeu complexe… Le lot des théâtres privés sans doute, mais c’est bien dommage !

Si cette critique peut paraître sévère, elle équilibre un peu le paysage journalistique concernant cette pièce qui semble intouchable. Si Michalik est un bon dramaturge, il ne signe pas là son chef-d’œuvre… Et même si l’on passe un bon moment on est loin de la verve et du panache d’Edmond !

3 commentaires

  1. Peut-etre avez-vous été déçu par le placement dans le théatre, et n’avez pas réussi à apprécier la représentation en conséquence
    J’étais ressorti globalement satisfait de ce « Edmond ».
    Que cela ne vous prive pas de revoir le chef d’oeuvre qu’est Cyrano de Bergerac. Denys Podalydès en propose une autre mouture à la Comédie-Française (et en live dans les cinémas Gaumont Pathé)

    Aimé par 1 personne

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