
Jusqu’au 27 février, l’exposition-dossier « Delacroix orientaliste. Le voyage au Maroc » est à voir au Musée des Beaux-Arts de Tours. Organisée en pendant à l’opéra Lakmé de Léo Delibes, présenté à l’Opéra municipal, l’exposition s’appuie sur les propres collections du musée. Sophie Join-Lambert, conservatrice en chef et directrice du musée, est l’organisatrice de cette exposition. En 1999, elle avait collaboré à la publication chez Gallimard des « Souvenirs d’un voyage dans le Maroc » de Delacroix, grâce à son identification d’un manuscrit inédit de l’artiste chez un collectionneur privé.
Delacroix a une formation classique, il étudie à l’École des Beaux-Arts et il réalise à partir de 1822 des tableaux qui lui vaudront d’être reconnu comme le représentant de l’école romantique après la mort de Géricault (La Barque de Dante, Les Scènes des Massacres de Scio, La Liberté guidant le peuple...).

En janvier 1832, le comte de Mornay est envoyé en mission diplomatique au Maroc par Louis-Philippe, il propose à Delacroix de l’accompagner. Au cours du voyage, Delacroix écrit de nombreuses lettres, qui nous permettent de bien connaître son déroulement. Il pense qu’il va découvrir des choses dont il ne pourra pas se servir pour nourrir son œuvre. Or, jusqu’à sa mort il n’aura de cesse de se servir de ses dessins réalisés pendant ses six mois au Maroc.

En 1841 il obtient un succès considérable au Salon avec sa Noce juive au Maroc (conservée au Louvre). Le magasin pittoresque lui demande de raconter son voyage. Il commence la rédaction, aidé de ses nombreuses notes et de ses croquis pris sur place, mais il ne termine pas. Il est débordé, il reçoit de nombreuses commandes, et notamment de Thiers, dont il est très proche politiquement. Il peint alors le Salon du roi et la bibliothèque du Palais-Bourbon, puis le plafond central de la Galerie d’Apollon au Louvre et la chapelle des Saint-Anges à l’église Saint-Sulpice.
Lors de son voyage il avait réalisé plusieurs croquis dont il s’inspirera seize ans plus tard, en 1848, pour son tableau Comédiens ou bouffons arabes. Dans son étude, dessinée au crayon graphite, à la pierre noire et à la sanguine, il représente à trois reprises le profil d’un jeune garçon, ce qui laisse penser qu’il lui a demandé de poser pour lui. Sur un deuxième croquis également conservé par le musée, il indique des couleurs qu’il n’utilisera pas dans son huile sur toile définitive.


Comédiens ou bouffons arabes est présenté au Salon de 1848, et est acheté et envoyé la même année au Musée des Beaux-Arts de Tours par l’État. Il reçoit un accueil mitigé, surtout en ce qui concerne les tons verts utilisés pour l’arrière plan, qui ne correspondaient pas à l’image qu’on se faisait du Maghreb. Pour cette œuvre, Delacroix rappelle ses souvenirs, ses croquis, son journal, afin de pouvoir au mieux retranscrire l’ambiance locale, avec une volonté réaliste quasi ethnographique, et rappeler cet Orient qui l’a tant marqué et qu’il ne revit pas avant de mourir.
