Vulgar or not Vulgar? That is the question.

Jusqu’au 5 février, le Barbican Center de Londres accueille au sein de ses salles réservées à l’art une exposition de mode centrée autour de la notion de Vulgar. Notion large et pouvant bénéficier de nombreux sens, « The Vulgar, Fashion Redefined » porte bien son nom. Ces tentatives de définition sont expérimentées tout au long des salles, cherchant à savoir par quelles manières ce mot peut caractériser la mode.

L’ampleur de cette exposition est autant due à sa taille (vingt parties divisées sur deux étages) que par son cheminement intellectuel. Ici, il ne s’agit pas de scandales vestimentaires ni de vulgarité. Le terme vulgar peut être trompeur lorsqu’il est traduit. Il désigne plutôt l’ordinaire, c’est-à-dire la mode de tous les jours. L’inspiration provient de vêtements plus ou moins éloignés dans le temps mais aussi plus ou moins accessibles par la population. Parmi les nombreuses questions qui nous viennent à l’esprit, une peut servir de fil conducteur : Comment le vêtement porté par le « commun des mortels » peut inspirer les plus grands couturiers de notre temps ?

Une inspiration historique 

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Ensemble Raf Simons pour Dior, a-h 2014-2015 © Instagram @allylovessloths

Dans l’inspiration, le côté historique peut être mis en avant. Ainsi, après avoir observé de près des tenues féminines et masculines du XVIIIe siècle, la comparaison avec le manteau phare de la collection automne-hiver 2014-2015 de Raf Simons pour Dior se fait plus aisée pour l’oeil non habitué. Ce qui peut sembler pêle-mêle au premier abord est savamment orchestré. Traiter ce thème est difficile car les limites n’existent pas, autant dans l’esprit matériel que sociologique. C’est quelque chose qui est observable à Paris avec l’actuelle exposition « Tenue Correcte Exigée » qui se tient aux Arts Décoratifs. Un choix arbitraire d’éléments et de cas a dû être réalisé pour pouvoir rentrer dans l’espace d’exposition donné.

 

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Robes Karl Lagerfeld pour Chloé p-e 1984 © Instagram @gillybilly

Le visiteur est accueilli par des robes de Karl Lagerfeld pour Chloé du printemps-été 1984, directement inspirées des tenues antiques. C’est un retour aux sources pour la haute couture. C’est suivi par des éventails du XVIIIe siècle, préambule aux créations de Vivienne Westwood. Le choix chronologique se mêle ensuite au thématique.

Mais dans ces thématiques, il est possible de retrouver une certaine chronologie comme le montre la salle 17 dédiée à Christian Lacroix. Ce créateur français puise son inspiration dans les vêtements traditionnels et notamment ceux de sa région d’origine. Ainsi, dans une petite pièce, sont exposés d’un côté des costumes prêtés par le Museon Arlatan, en face les créations du couturier et en liaison ses cahiers remplis de découpages et de dessins. C’est donc un certain schéma narratif qui est exprimé, remettant en avant le côté rural mais aussi celui de l’héritage.

Une définition contemporaine ardue

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A droite : chapeau de Pam Hogg © Instagram @rosiehighamstainton

La définition du terme vulgar est recherchée tout au long du parcours. Plusieurs pistes de réflexion sont mises en évidence et notamment le fait de la traduction française. Beaucoup pensent que le terme vulgar signifie vulgaire et par extension le mauvais goût. En réalité, cela va beaucoup plus loin. Le mauvais goût est bien sûr exposé mais reste quelque chose de très personnel. Certaines personnes trouveront une collection réussie tandis que d’autres la jugeront comme catastrophique. C’est d’ailleurs quelque chose de visible sur le visage des visiteurs. Certains s’extasieront devant le chapeau composé de corneilles taxidermisées de la collection « Far from the Madding Crowd » de Pam Hogg, d’autres trouveront cela dégoûtant. Pour visiter une telle exposition, il faut mettre sa subjectivité de côté et regarder ce qui se présente d’un oeil neutre. En effet, si cette exposition est réalisée, c’est qu’elle va de paire avec les sujets de société actuels. Aujourd’hui, peu de recherches ont été menées sur la notion de commun mais aussi de

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Jeremy Scott pour Moschino a-h 2015-2015 © Instagram @dozza26

scandale. On regarde le vêtement de créateur comme quelque chose de magnifique, comme une oeuvre d’art, mais où se trouve désormais le côté originel de l’objet qui est pratique et couvrant ? On magnifie le vêtement en le mettant comme pièce de collection hors de prix. Quelques salles de l’exposition sont réservées à des créations utilisant des sources primaires communes, presque bas de gamme pourrait-on dire pour les mener à des objets de luxe. Tel est le cas de la collection automne-hiver 2014-2015 de Jeremy Scott Moschino ou bien de la collection automne-hiver 2013-2014 de Riccardo Tisci Givenchy. Ils utilisent des iconographies de produits de la vie courante ou de personnages de dessins-animés pour des réalisations haute couture. On donne un aspect cheap à ce qui ne l’est pas. Le cas du jean est bien sûr traité ainsi que celui du défilé Chanel par Karl Lagerfeld de l’automne-hiver 2014-2015 qui se déroulait dans un supermarché.

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Robes style Mondrian © Instagram @doitin_lodon

Il est difficile de faire une exposition sur des créateurs contemporains avec des vêtements sortis des dernières collections. Chacun puise son inspiration dans des sources diverses mais il y a toujours ce cheminement global qui crée une certaine unicité. De ce fait, il est possible de trouver des oeuvres qui se ressemblent ou qui sont dans une même mouvance mais dont les concepteurs sont différents. Cela pose alors la question du vulgar encore une fois, tant de traits communs peuvent-ils rendre un vêtement comme ordinaire même s’il s’agit de luxe ou du moins de haut de gamme ? Est alors mis en avant le célèbre cas de la robe Mondrian créée par Yves Saint Laurent en 1965. Une réédition de 1980 du modèle l’original est présentée, puis d’autres lui ressemblant trait pour trait mais qui sont soit une création aux accents artisanaux grâce à un patron publié dans un magazine, soit une créée par une entreprise de prêt-à-porter pour la vendre à moindre coût.

Ce petit article n’est donc qu’une ébauche et qu’un point de vue sur un sujet vaste qui ne demande qu’à être traité. Chaque historien, créateur ou simple Homme à sa propre définition du terme. Dans le cadre de cette exposition, des entretiens ont été réalisés avec des créateurs. La première question qui leur a été posée est des plus simples : « A quoi vous pensez lorsque l’on vous dit vulgar ? ». Chacun aura sa propre réponse. Pour Walter Van Beirendonck, au premier abord cela a une connotation négative mais en réalité c’est quelque chose de très intéressant à développer notamment dans le milieu de la mode. Pour Christian Lacroix, ce sera la source de tout ce qu’il fait.  Tandis qu’Hussein Chalayan associe cette notion à l’avidité. Chacun a sa propre expérience et donc des images différentes leur viennent en tête.

Le terme de Vulgar n’a donc pas fini de faire parler de lui et il faudra bien plus qu’une grande exposition pour le comprendre et l’utiliser à bon escient.

Nota : les photos étaient interdites. Cependant, certaines personnes ont contourné cette règle et les ont publiés sur les réseaux sociaux.

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