
Le 24 février 1619, naissait Charles Le Brun. Son nom ne vous est sans doute pas inconnu, et vous devez l’associer aux Gobelins, Versailles ou encore Vaux-le-Vicomte. Peintre et décorateur, il est aussi une personne clef pour certaines institutions artistiques du XVIIe siècle. Aujourd’hui, pour célébrer ses 398 ans, rapprochons nous d’une de ses oeuvres de jeunesse…
Un destin écrit
Charles Le Brun est le fils du sculpteur Nicolas Le Brun et de Julienne Le Bé, fille d’une famille d’écrivains. Son avenir est tracé dans ce monde de l’Art. A l’âge de 14 ou 15 ans, il entre dans l’atelier du peintre François Perrier pour y être formé. Quelques temps plus tard, il quitte cet atelier pour rejoindre Simon Vouet.
En 1640, il commence sa carrière indépendante. Le 9 mai 1641, il reçoit son brevet de peintre et valet de chambre du roi. Cependant il part pour Rome avec Nicolas Poussin en 1642 sous les conseils de son protecteur, le chancelier Séguier.
Par la suite, sa carrière fut des plus admirables. Premier peintre du roi Louis XIV, directeur de la Manufacture des Gobelins, chargé de la décoration du château de Versailles, co-fondateur de l’Académie de France à Rome… Ce ne sont, entre autres, que des exemples de la vaste vie de Charles Le Brun.
Focus sur une oeuvre
Pour célébrer la naissance de l’artiste, focalisons-nous sur une de ses oeuvres de jeunesse qu’il aurait peinte vers 15 ans.
Le portrait de Nicolas Ier Le Brun est une huile sur toile réalisée entre 1633 et 1635 et qui est aujourd’hui conservée à la Residenzgalerie de Salzbourg.
Ce portrait a été réalisé lorsque Charles Le Brun était apprenti auprès de Simon Vouet, permettant ainsi de donner une datation plus précise au tableau. Nous ne nous attarderons pas sur les maladresses de jeunesse qui ponctuent l’oeuvre mais plutôt sur la mise en scène du père de l’artiste en tant que sculpteur et les attributs vestimentaires qui lui sont portés.
Nicolas Ier Le Brun est sculpteur de profession. N’étant pas spécialiste de ce domaine, j’ai cherché sur internet si ses oeuvres étaient répertoriées. Mais, après plus d’une heure de fouilles, impossible d’en trouver une. Aucune oeuvre de son père n’est entrée dans la postérité. Cependant, on le retrouve ici comme un grand artiste. De la main droite, il tient une petite sculpture qu’il pointe de la main gauche. Par sa posture, il semble présenter l’oeuvre, prêt à discuter pendant des heures. Cette statuette est une reproduction d’une statue antique représentant Hermès mais qui a longtemps été pensée comme un Antinoüs du Belvédère. Un plâtre de cette statue a été inventoriée après le décès de Le Brun. Le décor est à la fois sombre et sobre. Un fond noir avec des éléments de pierre au premier plan rappelant la profession du sujet, nous sommes dans une sorte d’intimité au sein d’un atelier d’artiste. Le personnage se livre et notre imaginaire peut presque entendre les conseils et secrets de la sculpture délivrés par un père soucieux de l’avenir de son fils.
Mais quelque chose tranche avec le côté travailleur voulu par l’artiste : la tenue vestimentaire. Ici, Nicolas Ier Le Brun est vêtu comme un gentilhomme. Il porte un chapeau à larges bords orné de plumes, un collet de dentelle, un baudrier, un pourpoint, une chemise et un manteau. L’ornement du chapeau composé de nombreuses plumes le rend des plus luxueux. En effet, d’autres chapeaux ornés de galons étaient à la mode pour les bourses moindres mais le peintre a choisi d’en représenter un bien fourni. Il en est de même pour le col de dentelle qui est un élément luxueux. Le fait que les manches n’en aient pas est peut-être dû à la loi somptuaire de 1633. Pour calmer les ardeurs dépensières, Louis XIII promulgue un édit qui réduit notamment le port de dentelle. Ainsi, Charles Le Brun a-t-il voulu représenter son père comme un gentilhomme suivant les derniers édits de la cour. La richesse du vêtement est aussi visible par les broderies du baudrier mais aussi la délicatesse des ouvertures qui laissent entrapercevoir la chemise. Quant au manteau rouge, il est porté à la Balagny, c’est-à-dire sur une seule épaule, mode présente à la cour au moment de la réalisation du tableau. Sa couleur rouge contraste avec le reste qui est très sobre et de ce fait attire le regard. Cette couleur est souvent associée au luxe car obtenir une teinture rouge qui puisse tenir dans le temps sans perdre de son éclat n’est pas facile.
Ce costume tranche donc avec ce que pouvait être celui porté par les artistes non reconnus et ayant peu de moyens. Plusieurs hypothèses peuvent alors être pensées. L’argent permettant une vie convenable provient de la famille de l’épouse du sculpteur, Julienne Le Bé. Sinon, Charles Le Brun a voulu donner à son père un portrait des plus nobles, suivant les dernières modes et édits somptuaires. Pour Bénédicte Gaby, Charles Le Brun traduit par ce portrait ses propres ambitions d’élévation sociale au lieu de représenter celles de son père. Par cette représentation, il conditionne son père de manière pérenne à un statut social plus élevé que ce qu’il ne devait être réellement.