
Mercredi 17 Mai se tenait une conférence dans l’auditorium du Grand Palais autour de la question du jardin comme oeuvre d’art, en écho à l’exposition Jardins (jusqu’au 24 Juillet). Elle fut donnée par Michael Jakob, professeur de théorie et histoire du paysage à la Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture (Hepia) à Genève, professeur de littérature comparée à l’université de Grenoble et chargé de cours à l’École polytechnique fédérale de Lausanne.

Nous allons aujourd’hui parler de la possibilité de thématiser le jardin comme un lieu polysémique, riche, intéressant et qui parle toujours à tous aujourd’hui. Le jardin peut prendre beaucoup de définition ; étymologiquement, hortus signifie lieu fermé. Le jardin prend donc le sens d’un lieu fermé, hortus conclusus. Il se distingue en cela de la nature sauvage et de la nature travaillée par son altérité. Le jardin peut prendre des formes différentes : véritables œuvres, poussé jusque dans les extrêmes… Jusqu’où va-t-on avec le retour à la nature ? Chacun aura sa propre opinion, peu importe sa spécialité ou son domaine.
Au Japon, une personnalité a considérablement marqué l’histoire des jardins : Isamu Nogushi (?). Selon lui, il est possible d’innover dans l’art du jardin, bien que ce soit une discipline très codifiée, comme une grammaire très formalisée.

Les jardins contemporains sont-ils des œuvres d’art ? Leurs artistes créateurs n’en sont pas forcément convaincus. Michael Jakob veut ici poser la question du jardin en lui-même en s’intéressant à la définition actuelle du jardin d’aujourd’hui. Le sens qu’il portait dans le passé était garanti mais a-t-il changé de nos jours ? Si oui, comment ? Seul le jardin de la Villa Noailles à Hyères fait figure d’exception totale mais ce type de jardin n’est jamais devenu un style en lui-même. Alors est-ce que le jardin a trouvé sa modernité, à l’instar des autres médiums artistiques comme la peinture et la sculpture dans le courant du XXe siècle ? Le jardin moderne peut-il tout simplement exister ?

A partir de la Renaissance, les jardins étaient conçus comme quelque chose de très sérieux, autour d’un programme écrit et formulé très clairement : ils sont programmatiques. Peintres, artistes, jardiniers, poètes travaillaient ensemble à son élaboration. Au-delà de la simple création d’atmosphères plaisantes et agréables, ces programmes devaient instruire les visiteurs : c’étaient également des jardins pédagogiques. Dans les jardins de la Villa Lante par exemple, dans le Latium italien, le parcours commençait avec la Fontaine du Déluge pour suivre une déambulation didactique et aboutir à la Fontaine de la Lumière. Les jardins formels géométriques ont toujours un programme : pour la plupart, il s’agit d’un dialogue avec le temps et ses problèmes. Tout doit être défini, jusqu’à la variété des plantes, le type de fontaines, les statues, etc… afin de signifier quelque chose en plus : ils sont donc sémiologiques. Ces jardins se caractérisaient également par une grande démesure, coûtaient extrêmement chers pour les commanditaires mais rien n’était trop beau pour éblouir les visiteurs. Aujourd’hui, les jardins ne présentent pas de tels programmes et il n’y a que peu de philologie du jardin. Le programme s’est perdu dans le temps : lorsqu’on chemine désormais dans un jardin, on est totalement aveugles.
A Vaux-le-Vicomte, les jardins vont tenter une autre chose assez poussée : le jardin devient philosophique. Le programme était aussi dans les jardins anglais, malgré leur aspect très naturel, ils étaient en réalité travaillés à la perfection. Humphry Repton (1752-1818) se faisait appeler landscape partner au lieu de simple gardener : il vendait des projets concrets à ses clients en les obligeant notamment à dessiner et à faire des aquarelles de leur propre domaine dans les fameux Red Books. Ainsi, il pouvait mieux les comprendre et leur proposer des projets cohérents avec leur perception du domaine et donc à travers ça, de leur personnalité. Il veut cultiver son client au-delà du fait d’être payé puisque pour lui, le jardin était une affaire sérieuse. Ses jardins étaient plein de folies, des architectures artificielles antiquisantes et tout avait un sens dans ses jardins. Encore aujourd’hui, on peut encore visiter ses jardins en Angleterre.

Michael Jakob va nous parler de 3 jardins pour problématiser l’oeuvre d’art jardin. Comment 3 auteurs différents sont-ils arrivés à créer, à la fin du XXe siècle, des œuvres qui nous parlent encore ?
Little Sparta, Ian Hamilton Finlay
Ian Hamilton Finlay, poète de la philosophie mouvante et graphiste, va réaliser dans les années 1970 un jardin qui va devenir de plus en plus complexe au cours du temps, avec l’aide de sa femme dans le sud de l’Ecosse. Façonné pendant plus de 25 ans, il reste encore aujourd’hui une oeuvre majeure et complexe. Finlay était assez célèbre à la fin de sa vie, connu aussi comme artiste contemporain. Son jardin est une œuvre d’art totale puisqu’il regroupe tous les arts autour d’un même programme, comme dans les jardins du XVIIIe siècle, définissant le cœur de son esthétisme. Le conférencier fit ici référence à un passage d’un roman d’Edgar Allan Poe où un de ses personnages qui souhaitait faire une oeuvre d’art totale, décida de réaliser un jardin.
Finlay fit fabriquer pour son jardin plus de 400 objets « sur mesure ». Pour cela, il a travaillé avec beaucoup de professionnels : maçon, charpentier etc… La région, assez collineuse, est caractéristique par la présence du limes romain qui la traverse. Le retour à Rome et à l’Antiquité est fondamental au XVIIIe siècle et dans ce jardin aussi, la temporalité est très présente. Des vestiges rappellent l’Antiquité mais aussi la Révolution Française et d’autres moments clés du XXe siècle. Ce lieu s’appelait auparavant Stonypath mais son nom a été changé en Little Sparta à la suite d’une petite anecdote. Dans le jardin se trouvait un corps de ferme que Finlay désignait comme Temple d’Apollon. Il y vendait des objets de sa conception ainsi que quelques livrets. Lorsque le fisc venait, l’artiste expliquait que ceci n’avait rien d’un commerce puisqu’il était dans un temple. Mais un jour, les huissiers sont venus sévir et ont été accueillis par l’artiste à coup de pistolet à eau…. En signe de protestation contre l’oppression des services d’Édimbourg, Finlay fit fermer le jardin pendant 2 ans et décida de renommer son jardin en Little Sparta, contre la grande Édimbourg-Athènes. Le jardin se visite encore aujourd’hui.
Le jardin regroupe beaucoup de stèles, d’objets divers, de sculptures etc… dans un lieu de caractère transformé par et pour l’homme. D’emblée, l’artiste s’y fait beaucoup photographier, laissant une grande documentation. Il écrit beaucoup, le plus souvent de courtes phrases aux connotations philosophiques, qui vont régulièrement se retrouver sur des photographies poétiques.
Il y a différents jardins dans les jardins : le jardin romain, le jardin sauvage… Ils sont tous ponctués de surprises qui appellent des pensées sur la violence par exemple, comme une tête du dieu Apollon avec mentionné dessus « Apollon terroriste ». Apollon pouvait en effet être violent lui-même, mais la citation peut aussi faire référence à la beauté terrorisante des dieux… Ces objets de jardin sont souvent très complexes et demandent au visiteur d’être cultivé, de penser, de réfléchir… d’avoir une déambulation intelligente, chose qui ne va pas de soi lorsqu’on visite un jardin aujourd’hui. De nos jours, les choses à comprendre sont expliquées mais pas dans ce type de jardin développé par les artistes, ni même dans les jardins du XVIIIe siècle. Un pont rouge installé sur un petit ruisseau possède l’inscription « CLAVDI », en référence au peintre Claude Lorrain (même graphie que la signature sur ses tableaux). Il y a toute une volonté de faire des tableaux dans le jardin lui-même mais également de créer des situations où on peut reconnaître un tableau vivant. C’est la tradition du tableau vivant, très vivace à l’Epoque Moderne, qu’on retrouve ici dans le jardin de Finlay. Il y a aussi un sous-marin, des vestiges de la Seconde Guerre Mondiale… Ce sont des objets qui peuvent paraître surprenants aux côtés de scènes idylliques. Tous sont des créations uniques destinées à ce jardin seul.
Prospect Cottage, Derek Jarman
En Angleterre se trouve le jardin de Derek Jarman, homme de théâtre et acteur de cinéma qui est tombé malade du SIDA à la fin des années 1980. A 30 minutes de Douvres dans le Kent, il a construit un jardin terminal puisque, jusqu’à la fin de sa vie, il est venu vivre ici. C’était un lieu de réconfort, thérapeutique, et surtout son œuvre d’art. On y trouve des choses « bizarres » comme une poutre de bois verticale et un pieu dans la terre, comme une référence à notre monde contemporain et industriel. Le pieu est en rapport avec le pays : pango en latin signifie « acte d’enfoncer un pieu dans la terre ». L’axe vertical peut être est tout : colonne, gratte-ciel, architecture en général, dimension mythique etc… Cette traverse en bois a donc plusieurs sens.
L’endroit est très beau et sauvage, au bord de la mer, lui donnant une dimension très poétique. Mais à cause/grâce à la maison de l’artiste, le jardin est assez désertifié, fréquenté seulement de quelques touristes aventureux. Certains endroits du jardin sont marqués par des galets enfoncés verticalement dans la terre : l’acteur s’est amusé à mettre ensemble des éléments qui ne poussent pas ensemble, concept qu’il explicite dans son ouvrage Modern nature, très intéressant pour les passionnés de jardins. Il prend donc des objets insolites et incohérents et les assemble pour donner à leur ensemble un sens nouveau.
Le nom de sa propriété, Prospect Cottage, fait référence aux romans gothiques. En effet, les voyageurs du XVIIIe siècle, comme ceux effectuant Le Grand Tour jusqu’en Italie, devaient avoir des prospects, des vues d’ensemble recherchées qui permettaient de voir un large panorama et de prendre du recul sur le monde et le paysage. Quant au cottage, il s’agissait à la Renaissance d’une architecture minable, possédée par des gens sans intention. Mais dans la 2ème moitié du XVIIIe siècle, cette demeure devint trendy, à la mode, et donc objet de désir de la bonne société. A l’origine simple maison de pécheurs, la maison de Jarman est très simple, malgré l’inscription qui court sur son flanc. Devant elle se trouve un anti-jardin, un parterre sans en être un, une sorte de version ironique du jardin classique puisqu’il s’agit d’un carré de plantes vagabondes avec des objets trouvés.
Derek Jarman se promenait souvent au bord de la plage, récupérait des objets et en faisait quelque chose dans son jardin. La beauté du lieu provient aussi de ces assemblages et rencontres entre des contradictions, des oxymores visuels créés de toute pièce. Ça reste néanmoins très poétique, avec une esthétique de la ruine qui allait bien avec la fin de sa vie, reprenant un peu l’idée du ready-made. Le climat au bord de la mer est caractérisé par la mutabilité : il est en constant mouvement et changement. Il a même fait un petit train qui circulait tout autour de sa propriété et permettait d’apprécier les changements au cours des saisons et des endroits du jardin. Jarman habitait néanmoins à 2,5km d’une centrale nucléaire mais ça ne le dérangeait pas, prétextant que ce type de structure fait désormais partie de notre monde.
Le Jardin de la Spéculation Cosmique, Charles Jenks
Retour en Ecosse avec un jardin qui se veut être une œuvre d’art, et qui en est réellement une (néanmoins, chacun est libre de les apprécier à sa façon). Il s’agit ici de celui de Charles Jenks, architecte et philosophe américain. Avec sa femme, ils ont transformé le jardin d’une de ses grandes propriétés, un important manoir, pour en faire le Jardin de la Spéculation Cosmique. Charles Jenks est considéré comme le père du post-modernisme, un courant artistique qu’il théorise avec l’idée que, après avoir épuisé les négations modernes, il ne reste que le pastiche.
Dans son domaine, il veut utiliser le jardin pour exprimer les choses les plus complexes des théories physiques actuelles. Il veut s’occuper des fractales, des trous noirs (Black Hole Oval) etc… Il a notamment construit un monticule extraordinaire, faisant référence au Mont Fuji représenté systématiquement dans les jardins japonais et aux fausses montagnes récurrentes dans les jardins du XVIIIe siècle.
Ce jardin demande un investissement intellectuel très grand puisque ce sont les sciences qui vont dicter les formes de ces jardins. Les théories permettent aussi de créer des objets comme des ponts ou des fabriques. Il y a aussi un jardin des 5 sens où il explique l’importance de notre code génétique, d’où l’on vient etc… Un autre monticule est constitué tournant vers la gauche, en référence au débat du XVIIe siècle : nous vivons dans un monde anthropique, comme la Spiral Jetty de Robert Smithson. Il a aussi demandé la construction d’une anti-maison où s’inscrivent des citations de Baudelaire.
Pourquoi ces jardins sont-ils des œuvres d’art ?
Pour le savoir, il faut aller sur place afin de se faire sa propre expérience. 4 critères se retrouvent dans les trois jardins et en font des jardins contemporains exceptionnels.
Le texte
Les jardins, dans le passé, fonctionnaient de façon verbale. A Ermenonville, il y avait énormément d’inscriptions puisque le Marquis de Girardin les appréciait beaucoup mais elles ont quasiment toutes disparu aujourd’hui. Ces textes étaient des citations, des indications de lectures, et dans les 3 jardins on retrouve cet élément verbal. Le jardin, dans sa totalité, est organisé comme un ensemble qui nous parle et qu’il faut déchiffrer. L’esthétique est liée à sa forme mais également à son sens. Ces citations peuvent même parfois s’expérimenter comme la citation « Long horizon », opérant une fusion entre nous et ce que l’on voit. Elles font réfléchir de façon simple mais font réfléchir quand même. Chez Jarman, l’inscription de la maison doit être lue pour comprendre l’esprit du lieu. Au jardin Little Sparta, on peut voir gravé sur une colonne rompue « Arcadia, n. a royaume dans le voisinage de Sparte », inscription tout en poésie. S’y trouve aussi une harpe éolienne, comme dans les jardins du XVIIIe siècle : elles étaient très appréciées puisque c’étaient des objets créés par l’homme mais joués par le vent.
Dans le passé, le texte servait aussi à guider les gens mais cette tradition s’est perdue, sauf dans le jardin de Charles Jenks. Il permettait de donner des clés de lecture du jardin.
La poétique de la citation
L’intertextualité est transposée comme poétique de la citation dans les jardins. Par exemple, à Little Sparta se trouve la hutte de Laugier. Près d’un cours d’eau, cette simple petite cahute évoque la première architecture humaine décrite dans l’Essai sur l’Architecture de Marc-Antoine Laugier, reprise aussi dans le frontispice de son traité. Il introduit aussi une philosophie de la discontinuité et de l’histoire avec une citation de Saint Just : « The present order is the disorder of the future » (l’ordre du présent est le désordre du futur). Chez Jarman, la citation passe par l’Histoire de l’Art avec ce principe de choisir des éléments usés pour refaire des œuvres ou des objets, comme chez Jean Tinguely… C’était donc un artiste très cultivé qui savait parfaitement ce qu’il faisait. La rouille est très importante pour lui puisqu’elle symbolise le retour de la nature qui bat ce qui est humain, source de mélancolie. Avec l’île Rousseau du jardin de Finlay, on a une imitation de l’île des cygnes d’Ermenonville (dite île des peupliers). Le pont CLAVDI rappelle les Claude glasses, des petits objets qui permettaient de bien voir le paysage d’un seul angle et qui servait au peintre pour peindre ses paysages.
La polysémie
Les mots n’ont pas qu’un seul sens, de même que les formes. Les vagues, par exemple, se manifestent chez Jenks par un mur ondulatoire, renvoyant à la théorie des vagues et des ondes, à tous les mouvements spiralés du monde, de même qu’à l’histoire même des jardins en rappelant la forme des Buttes Chaumont ou la Ligne de Beauté de Hogarth. Il y a toujours dans son jardin un va et vient entre style très formel (Le Notre, Forestier…) et les formes libres allant à des formes totales.
Finlay prend le mot vague en le disséminant dans plusieurs langues : est-ce la topographie qui est ondulée ? Le terme lui même qui est vague ? Cette oeuvre est très complexe, demandant une attention, une réflexion : est-ce que la traduction et le sens est le même selon les langues ? Chez Jarman, l’onde correspond au mouvement de la mer sur la plage, comme l’ont si bien retranscrit ses films. Dans chacun des cas, leurs auteurs n’ont pas la volonté de fixer ce sens de l’onde mais nous incite à y prêter attention.
Ces jardins sont des lieux d’expression de soi, d’expérience…. Au XVIIIe siècle, les théoriciens du jardins pensaient qu’aller dans un jardin devait changer le sens de la vie. Influencés par la philosophie empirique et par le concept d’association des idées, on a alors créé des jardins où on invitait les personnes à aller méditer seul, penser, réciter des poèmes… On les concevait donc comme des œuvres d’art mais leur effet était immédiat. C’est ce sens qui est repris dans ces 3 exemples : ce sont des lieux à explorer, à comprendre…. Toutes les citations peuvent nous aider à les comprendre comme Tatline chez Jenks…
La provocation
Ces œuvres peuvent choquer. Des grenades placées sur des pylônes de Little Sparta nous font penser que, même dans ce lieu idyllique, il ne faut pas s’éloigner de notre monde actuel. Ça n’a pas pour vocation d’exalter les horreurs du monde mais simplement rappeler qu’elles existent et qu’il ne faut pas les oublier. Il faut également faire attention au sens qu’on donne aux choses : tout peut être interprété différemment. Provocation aussi avec l’anti-maison où on entre sans y rentrer : maison ? bâtiment ? l’architecture actuelle semble-t-elle vraiment fonctionner ?
Cette provocation se retrouve aussi dans le jardin des 5 sens où il faut être acteur : regarder, écouter, toucher, expérimenter etc… Chez Finlay, sur une dalle est inscrit « See Poussin, Hear Lorrain » (regarde comme un poussin mais écoute comme un Lorrain) : c’est une invitation à utiliser les sens de la vie qui nous donnent une grande perception du monde, donnée par le regard et l’ouïe. Selon notre culture, le regard est le plus important mais dans d’autres, l’ouïe va primer sur le reste. Cette perception va donc changer en fonction de la société.
Conclusion
Ce sont donc tous les trois des jardins œuvres d’art qui ont la densité et la complexité d’un texte littéraire ou bien de la grande peinture. Ils ont également chacun contribué au leurre, à replacer dans la tendance de l’esthétique de l’atmosphère. Pendant des siècles, le paradigme de l’esthétique était l’objet, l’oeuvre d’art elle-même. A partir de la 2ème moitié du XXe siècle, les objets sont encore importants mais le visiteur devient aussi de plus en plus important. Le moment historique qui permet d’apprécier ce moment de bascule est l’exposition d’Olafur Eliasson à la Tate Modern en 2003. Avec son installation, on voyait que les spectateurs étaient absolument nécessaires pour créer l’atmosphère de l’oeuvre d’art. Nous ne sommes plus les spectateurs dociles et téléguidés par une machine culturelle mais quand on va dans ces lieux, nous contribuons par notre être à la qualité esthétique. Par ailleurs, l’esthétique de l’atmosphère est désormais partout : tout doit être atmosphérique dans notre société et avoir un certain lifestyle.