
Dans la campagne proche de Rouen, à Martainville-Epreville, se trouve un château assez particulier. C’est dans ce village de Seine-Maritime que Jacques Lepelletier fit construire en 1495 un château de briques et pierres calcaires. Ce bâtiment traverse alors les siècles, change de temps en temps de famille et échappe plusieurs fois à la démolition. Aujourd’hui, il abrite la très riche collection du musée des Traditions et Arts Normands, la plus grande de ce domaine dans le département.
L’histoire du bâtiment
C’est en 1495 que le château voit le jour grâce à Jacques Lepelletier, riche armateur, qui le fait construire dans le style Renaissance. Après son décès en 1510, sa famille reprend la demeure et de nombreux travaux sont réalisés. En 1757, la famille des Lepelletier s’éteint. Quelques propriétaires se succèdent avant que le domaine ne soit repéré par l’Inspection des Monuments Historiques en 1895. En effet, étant très mal entretenu, il est prévu de le démolir et d’en faire une carrière. Il est alors classé puis racheté en 1906 par l’Etat. Cette action permit donc sa restauration et sa conservation. Confié au Conseil Général, il est d’abord question d’en faire un lycée agricole mais sa destinée s’oriente vers un musée des Traditions et Arts Normands et ce, en 1962.
Le domaine est composé d’un château-fort de style Renaissance entouré de jardins et d’une ferme comportant notamment un colombier et un pressoir à cidre. C’est donc un grand espace qui est à découvrir et ce, encore aujourd’hui. Le musée se situe au sein des pièces du château et il faudra compter au moins trois heures pour arpenter les différents étages et écouter l’audio-guide qui est très complet.
Une collection hors-normes

Si trois heures sont au moins nécessaires pour faire de fond en comble toutes les salles du musée, c’est parce que la collection est aussi riche que diverse. En effet, la visite commence par une exposition temporaire de deux salles puis se continue avec l’exposition permanente débutant avec la reconstitution d’une cuisine. Les meubles ne sont pas originaires du château mais d’origine normande pour la plupart. On peut cependant trouver des dépôts du feu musée parisien des Arts et Traditions Populaires. Le but est de faire découvrir l’ameublement et les outils utilisés aux époques antérieures. Chronologiquement, cela peut parfois sembler dissonant mais chaque objet important est expliqué et replacé dans son contexte. Il y a des focus sur tel ou tel artisanat et industrie. Par exemple, un focus sur la faïence où il est possible d’apprendre la différence entre celle du Havre, de Rouen, de Forges-les-Eaux ou d’Aumale.
Le premier étage comme le second comportent des reconstitutions d’intérieurs . Parmi elles, il y a des reconstitutions chronologiques à partir de la Renaissance, mais aussi des géographiques, c’est-à-dire les pays locaux qui composent la région. Ainsi, il est possible de comprendre les différences sociales dues à la richesse ou non des pays de Caux et de Bray. L’accent est mis sur l’armoire de mariage normande car elle représente un pan important des histoires familiales : lorsqu’une fille naissait, un chêne était abattu, coupé et laissé à sécher pendant quelques années avant d’être remisé. Lorsque la jeune fille se fiançait, et donc qu’un mariage se préparait, on ressortait ce bois et on demandait à l’ébéniste de confectionner une armoire. Le décor plus ou moins délicat et important montre la richesse des parents. En effet, l’objet fait partie de la dot et contiendra le trousseau de la jeune épouse. Selon le décor et la coupe de l’armoire, il est possible de savoir si elle provient de l’Eure, du littoral ou encore du Pays de Caux.
Le troisième étage présente une large collection d’instruments de musique et de textiles. L’industrie textile est prolifique dans la région avec la culture du lin mais aussi par l’importation du coton qui est aisée par les différents ports. Des costumes et coiffes locaux apparaissent, sorte d’identificateurs et de marqueurs des contrées. Depuis le XVIIIe siècle, il est possible de distinguer plusieurs coiffes fabriquées avec des matériaux plus ou moins précieux. En avoir le plus possible était une manière de montrer sa richesse car certaines étaient utilisées pour la vie de tous les jours et les plus luxueuses pour le dimanche. Dans le Pays de Caux, un meuble spécifique à leur conservation a été créé : la bonnetière. Ces coiffes prenaient place sur des têtes peintes et étaient soigneusement rangées mais aussi exposées.
Quelques oeuvres particulières
Par sa très riche collection, le musée abrite de nombreux trésors. Objets courants mais étonnants, pièces de très belle qualité ou outils inattendus, les expots présentés ne laissent jamais indifférent le visiteur.
Les verres d’amitié, production vers 1815. Ils portent des messages amoureux et ont été offerts par un fiancé à sa bien-aimée.
Une collection de bouquets de moisson, vers 1975. Il était coutume de tisser la paille d’avoine et ces productions récentes ont été réalisées via la technique ancienne qui était transmise de mère en fille. Il s’agissait d’offrandes et de décorations pour l’église lorsque la messe de la moisson était célébrée.
Plusieurs céciliums, un instrument à la fois à cordes et à vent, inventé à Eu en 1867. Arthur Quentin de Gromard l’a imaginé pour palier à un manque de musiciens dans l’ensemble qu’il souhaitait constituer pour la ville. Etant plus facile d’apprentissage que les instruments « classiques », il permettait aux personnes d’être formées rapidement à sa pratique.