
Cet article a pour but de présenter succinctement la conférence donnée par monsieur Zeidan Kafafi, professeur à l’université de Yarmouk à Irbid en Jordanie, le 18 octobre à l’auditorium du Louvre, en se concentrant principalement sur le site de Tell Deir Alla.
La vallée du Jourdain, un endroit propice aux peuplements
Au niveau géographique la Jordanie se divise en trois grandes zones : la vallée du Jourdain, le plateau, et la zone désertique.
La vallée du Jourdain qui s’étend le long de la frontière occidentale est l’élément caractéristique du pays, la partie nord du rift jordanien est d’ailleurs la région la plus fertile du pays.
Une partie à l’Est du Jourdain est appelée Ghor Abu Ubaydah, c’est dans cette zone de la vallée que se trouve le site de Tell Deir Alla. Elle est traversée par l’oued az-Zarka qui rejoint le Jourdain et rend l’irrigation possible, cela en fait une des zones les plus cultivées du pays.
De plus les températures restent douces en hiver et sont donc favorables aux pâturages avec des précipitations variables.
Ces conditions géographiques favorables expliquent que, durant les Âges du Bronze (entre 2700 et 1200 avant J.-C.) et l’Âge du Fer (entre 1000 et 300 avant J.-C.), de nombreux petits sites se sont développés dans cette vallée.
Au niveau archéologique, cette région est intéressante car, dans la Bible, Josué traversa le Jourdain avec son peuple, les Israélites, pour gagner la Palestine (Livre de Josué, chapitre 3). Cette zone aurait donc pu être traversée par les Israélites avant qu’ils ne se fixent plus à l’ouest.
Le site de Tell Deir Alla
Ce site fut occupé de 1700 à environ 350 avant J.-C., néanmoins, cette conférence avait pour but d’expliquer les résultats des recherches récentes menées sur la culture matérielle du lieu, en se concentrant sur l’Âge du Fer, en parallèle d’autres sites de la région, tel que Tell Himmeh et Tell Damiya.
En effet, par le passé, de diverses fouilles avaient été menées sur l’Âge du Bronze moyen (vers 2000 à 1600 avant J.-C.) et l’Âge du Bronze récent (vers 1600 à 1200 avant J.-C.).
Les fouilles menées ces dernières années avaient donc pour but de comprendre comment s’est déroulé le passage de l’Âge du Bronze récent à l’Âge du Fer sur ce site, ainsi que les incidences d’un tel passage, en se concentrant sur la culture matérielle qui en découle.
Auparavant, les archéologues pensaient que les habitants du début de l’Âge du Fer étaient des semi-nomades, la mise au jour de restes architecturaux datant de cette période lors des dernières recherches a remis cette théorie en cause. En effet, des restes de grands bâtiments domestiques, des entrepôts, des ateliers et un temple (détruit par un tremblement de terre et un incendie), de la fin du Bronze récent et du début de l’Âge du Fer ont été découverts.
La présence d’ateliers met en évidence le fait que les habitants pratiquaient des activités industrielles comme la métallurgie, car trois fours à métal ont été mis au jour, tout comme à Tell Himmeh.
Ils pratiquaient également l’élevage et l’agriculture et la mise au jour d’une pièce de stockage contenant 14 grandes jarres remplies de liquides et d’aliments ainsi que de fours à pain montrent que ces habitants connaissaient une certaine prospérité.
Ils ont également dû pratiquer le commerce à plus ou moins longue distance, comme l’atteste la découverte de tessons d’un vase en faïence portant le nom de la reine égyptienne Taousert, qui a régné vers 1205 avant J.-C., tout en montrant les liens forts que la région entretenait avec l’Egypte.
De plus, la découverte de tablettes inscrites du début de l’Âge du Fer renforce l’idée d’une population sédentaire possédant sa propre écriture, qui montre des similitudes frappantes avec le linéaire B (écriture de la civilisation Mycénienne, influente en Grèce et en mer Egée entre 1600 et 1100 avant J.-C.) et l’ammonite (écriture du royaume d’Ammon situé au Levant, contemporain de ces occupations), et sont des témoins plus ou moins directs de ces échanges.
Pour conclure, le professeur Kafafi nous a montré à travers cette conférence, que durant les Âges du Fer, les habitants de Tell Deir Alla étaient prospères et possédaient une culture propre avec un système d’écriture caractéristique. La ville était également ouverte aux échanges avec ses voisins et devait se situer au sein d’un vaste réseau d’échanges entre les mondes syro-levantins, égyptiens et mésopotamiens. De nombreuses autres campagnes de fouilles sont néanmoins nécessaires pour mieux appréhender ce site. Cette conclusion peut également s’appliquer à d’autres sites voisins tels que Tell Himmeh et Tell Damiya.