Exposition « Balthus, Derain, Giacometti. Une amitié artistique »

L’exposition du musée d’Art Moderne de la Ville de Paris porte sur trois artistes majeurs du XXe siècle : Balthus, Derain et Giacometti. Ces trois artistes sont essentiels pour l’approche de la peinture du XXe siècle (pour Balthus et Derain) mais également pour la sculpture puisque Giacometti est l’un des plus grands maîtres de sa génération, l’un des rares créateurs dont l’Oeuvre a largement dépassé l’artiste.

C’est une jolie exposition, au fur et à mesure on se demande, dans les premières salles, si des chefs d’oeuvre d’artistes seront à découvrir. Contrairement à d’autres expositions comme celle des frères Le Nain au Louvre Lens par exemple, ici les responsables de la muséographie ont choisi de garder les œuvres les plus connues pour la fin de l’exposition.

Pour autant, il y a des toiles appréciables, notamment de jeunesse, comme par exemple l’Autoportrait de Giacometti. On peut aussi apprécier quelques toiles des deux premières salles de l’exposition qui sont remarquables parmi les œuvres des trois amis, comme La fille à la chemise blanche de Balthus ou La montagne ainsi que L’échiquier de Giacometti.

Balthus - Jeune fille à la chemise blanche (1955)
Balthus – Jeune fille à la chemise blanche (1955

On comprend très bien le travail de Derain pour les œuvres scéniques grâce à des travaux sur les costumes et les décors d’œuvres comme Les Songes par exemple. Il a notamment travaillé pour les Ballets Russes à Montecarlo pour L’épreuve d’amour. Balthus n’est pas en reste avec de nombreux travaux de la seconde partie du siècle pour l’opéra et le théâtre d’Aix-en-Provence.

La deuxième partie de l’exposition s’intéresse tout particulièrement à Balthus, qui est tout de même moins célèbre que ses deux amis, dont les dates et les œuvres peuvent sembler moins accessibles pour le grand public. Une oeuvre a plu à nombreux visiteurs, du moins elle rassemblait une foule devant elle : il s’agit du Rêve II. Avec une perspective aplatie qui donne un côté surréaliste à l’oeuvre, on peut y voir une jeune femme allongée qui se plonge dans le sommeil. Au-dessus d’elle, soulevant ce qui semble être un petit oiseau (une espèce de canari), une deuxième jeune fille est prise dans son mouvement et se retient grâce à l’arrière du canapé. Cette oeuvre peut être interprétée comme une allégorie du rêve tombant sur le sommeil de la jeune endormie. Le rêve et le sommeil sont deux thèmes choisis régulièrement à cette époque mais, venant d’un peintre figuratif à une époque où l’abstraction est reine, ce tableau est comme coincé entre deux mesures. Il y a un côté très « Chagallien » dans les formes de ses personnages. L’artiste a été très influencé par la renaissance italienne notamment Pierro Della Francesca et Mantegna, cela n’étonne donc pas de voir en ce personnage de droite une référence à La déposition du Christ du peintre de la Pré-Renaissance, Giotto.

Tout comme Balthus et sa revisite des peintures italiennes, on découvre avec Derain une reprise du Massacre des innocents de Brueghel montrant une nouvelle facette du peintre, proche de celle de son ami.

Le chef d’oeuvre, le tableau de l’affiche de l’exposition est enfin là, il s’agit de Geneviève à la pomme de Derain qui est à côté du Peintre et sa famille, les tableaux qui peuvent sembler les plus représentatifs de l’oeuvre de Derain, peut être aussi avec la représentation de la Commedia Dell Arte commandée par Paul Guillaume (Arlequin et Pierrot, Musée de l’Orangerie).

On peut également apprécier les tableaux de Giacometti notamment ceux réalisés après la Seconde Guerre Mondiale comme le Portrait de Isaku Yanaihara réalisé en 1956 qui peut faire penser un peu à ces œuvres de jeunes artistes réalisées lors des grands procès. En y mêlant des touches de couleurs grises, beiges et blanches, l’artiste nous montre un fantôme. Une ambiance froide qui n’est pas sans rappeler le style de certaines œuvres d’Otto Dix, par exemple la partie gauche du polyptyque La Guerre.

L'homme qui chavire, Giacometti
Giacometti – L’homme qui chavire (1950).

Autre oeuvre de Giacometti, la statue de L’Homme qui chavire attire l’attention, comme sous l’effet de la houle avec ses membres allongés. Très reconnaissable de l’oeuvre sculpturale de l’artiste, L’Homme qui chavire est une représentation même de la perte de contrôle mais également une très belle allégorie de la tempête et de l’océan.

Après avoir vu l’Homme qui chavire, on pourrait penser avoir vu la plus connue des œuvres de l’exposition mais les commissaires nous réservent encore une surprise. Entrant dans la dernière salle composée en grande partie d’œuvres de Derain représentant des femmes bien en chair, on ne s’attend pas à voir la deuxième version de l’une des statues les plus célèbres du monde, L’homme qui marche. Imposant, gracieux, déformé, le personnage se tient devant nous le regard droit, tenu au sol par une plaque qui l’empêche de vaciller. C’est avec amusement que nous avons remarqué, seulement quelques minutes plus tard, la mouche qui se trouvait sur son épaule et qui semblait vouloir faire chavirer ce maigre géant.

La muséographie est intéressante même si assez classique dans sa formation, le peu d’œuvres en trois dimensions ne permettant pas d’occuper l’espace plus qu’il ne l’est déjà.

C’est une très bonne exposition, puisque d’une part elle est fort plaisante pour la jolie histoire d’amitié qu’elle raconte au travers des panneaux informatifs, mais elle est également très belle par la manière dont elle la laisse entendre aux visiteurs. On y voit des œuvres peu visibles, sorties pour certaines de collections privées.

L’exposition « Derain, Balthus, Giacometti » fermera ses portes le 29 Octobre. N’attendez pas pour aller la voir !

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