Nous et les autres : L’exposition du siècle

« Le processus de racialisation consiste à assimiler l’individu à un groupe homogène dont les caractéristiques sont figées, uniformisées et dévalorisées. Dans certains contextes historiques spécifiques, un groupe dominant, souvent dans une volonté de domination économique et/ou politique, active certaines catégories, dans le but de les rejeter hors de la communauté en utilisant les moyens dont il dispose : la force mais aussi la législation, l’éducation et les institutions. » Carole Reynaud-Paligot, commissaire de l’exposition

Le Musée de l’Homme nous présente l’exposition Nous et les Autres depuis le 30 mars 2017 jusqu’au 8 janvier 2018. Cette exposition anthropologique démonte en trois phases les préjugés quotidiens.

Un propos fort et argumenté

Dès l’entrée, le spectateur est plongé au cœur d’un espace cylindrique. Sur des écrans, 20 personnes sont présentées avec, en fond, une voix. Le visiteur observe les visages, des silhouettes de femmes et d’hommes qu’il rencontre au quotidien dans la rue sans les remarquer et sans leur prêter attention. Ces vingt personnages sont successivement catégorisés en fonction de quatre critères de différenciation : physique (sexe, couleur de peau) – social (revenus, style vestimentaire) – religieux (croyances, pratiques), et classe. L’objectif est de montrer le phénomène de catégorisation. Ce sas d’entrée est en fait l’introduction à la première partie « Moi et les autres » qui développe nos différentes définitions de l’altérité. Cette partie est hautement participative, le visiteur peut faire des tests de psychologie sociale et se rendre compte par lui même des clichés qu’il applique au quotidien et de ce racisme ordinaire inconscient.

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Nous et les autres – De la catégorisation à l’essentialisation, by © MNHN – JC Domenech

L’exposition se poursuit par une deuxième partie sur l’élaboration de la notion de race humaine et le racisme pseudo-scientifique lié au colonialisme et au nazisme pour ne citer que les plus grands exemples. L’eugénisme, l’ethnocentrisme sont les mots clés.

Enfin une dernière partie est nommée « État des lieux » aborde la question du racisme d’un point de vue scientifique en démontant les stéréotypes de croyances à travers à la fois les sciences de la nature (la biologie, la génétique) et les sciences humaines, notamment la sociologie. Elle s’achève sur des idées, un espoir de vivre ensemble.

Une scénographique hors du commun

Comme nous l’avons évoqué plus haut concernant le sas d’entrée, la scénographie est hautement participative et le spectateur devient acteur de l’exposition. Des bornes, des tableaux blancs, des casques audios, des tests, des tablettes sont en libre accès et permettent d’appréhender le propos par de multiples biais. La scénographie est mise au service du propos et le complète de façon magistrale et cohérente mais aussi esthétique et originale. La reconstitution d’un salon par exemple, dans la troisième partie, dans lequel la télévision diffuse des journaux télévisés accompagnés par la projection de sociologues commentant et démontant les clichés que ces derniers véhiculent. Autre exemple, les cubes présentant les dérives de la politique eugéniste et raciste du XXe siècle, avec chaque fois un objet représentatif des massacres ou des luttes, rendent le propos limpide. Ce n’est que citer quelques exemples parmi les multiples astuces mises en œuvre par l’atelier de scénographie Cofino : un cas d’école pour qui veut se prétendre médiateur ou scénographe.

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Nous et les autres – Décryptages, by © MNHN – JC Domenech

Une exposition engagée

Bien sûr le propos est engagé mais l’exposition et le musée ont développé une démarche d’accessibilité qui vise à diffuser le plus possible ce propos essentiel pour vivre ensemble. Le site de l’exposition, tout d’abord, excellemment bien fait, retranscrivant les propos, fournissant des images, des données et des événements mais aussi toute une démarche autour des écoles et une gratuité pour le public mineur. Le prix du billet reste cependant cher pour le chaland (10 pour le tarif réduit) mais cela est sans doute imputable au manque de financement public pour une exposition d’une telle envergure.

Elle deviendra itinérante à partir de janvier prochain et sera notamment dévoilée en Alsace au Centre européen des résistants déportés (Struthof, Alsace du 25 juin 2017 au 20 juin 2018) et Domaine départemental de Pierresvives-Montpellier (de mars 2018 à juillet 2018) dans le cadre d’un partenariat avec le Conseil départemental de l’Hérault. Une exposition à ne manquer sous aucun prétexte : la plus grande exposition anthropologique des 10 dernières années !

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