
Le mardi 14 novembre, l’aumônerie de l’Ecole du Louvre organisait sa deuxième conférence de l’année. Était invitée Isabelle Morin Loutrel, conservatrice au musée d’Orsay et commissaire de l’exposition « Au delà des étoiles, le paysage mystique de Monet à Kandinsky » qui s’est tenue cette année en ce même musée. Durant une heure a été présentée une sélection de tableaux qui avaient pris part à l’événement et qui étaient représentatifs du symbolisme, thématique développée tout au long de l’exposition.
Le symbolisme se développe à la fin du XIXe siècle, moment où on se pose des questions sur l’Homme et sur Dieu. Il touche plusieurs domaines comme la psychanalyse, les arts plastiques, ou encore la littérature. La lumière est utilisée comme source de mysticisme. Le succès de l’exposition du musée d’Orsay tient des nombreux chefs d’œuvre qui ont été présentés, également par la réflexion qu’elle proposait autour de sujets intimes. Le public est très réceptif au divin dans la nature, la nuit, le cosmos ou la notion de bois sacré. Le sacré transcende beaucoup de choses et on essaye de ne pas le toucher ou on le fait en hésitant.
Cependant, le fil conducteur reste la lumière et comment elle peut interroger notre désir de transcendance. C’est un des éléments de l’idée de mysticisme qui est une notion vaste et complexe. Il n’est pas possible de voir ce qui est mystique, cela transporte l’Homme et le met à un autre niveau. Il y a donc une grande interrogation sur la place de l’Homme dans la création.

C’est la première fois que Lawren Harris était exposé en France. Le lumber, c’est-à-dire bois, est l’apanage des artistes du grand nord. Au Canada est constitué à Toronto le « groupe des sept » vers 1905-1910 et dont l’appellation date de 1920. Ce peintre en fait partie et il est transporté par son pays souvent enneigé et surtout boisé. Les forêts blanches l’inspiraient beaucoup. Ils se sont retrouvés à Toronto mais ils ont vu en 1913 une exposition à Buffalo où des peintres scandinaves étaient exposés, ils avaient les mêmes centres d’intérêt et de préoccupation.

Sur cette autre œuvre de Harris, les arbres sont lumineux, dorés, et montre sa liberté qui est son style propre avec des couleurs irréelles qui transportent tout de suite. C’est un choc dans l’exposition car ce sont des peintres que le public ne connaissait pas. Ce qui frappe est le silence happant le spectateur. Avec la lumière, se met en forme une méditation autant sur l’Homme au sein de la Création, l’immensité du paysage ou sur la nature. Ce sont pendant longtemps des questionnements chrétiens. Il faut noter qu’il n’y a jamais de figure humaine dans les tableaux de Harris. C’est un symbole identitaire car le Canada est une nation jeune et ce peintre va devenir un emblème par ses productions. On y retrouve le symbole de la pureté du monde originel. Même si Harris est issu d’une famille chrétienne protestante, il est intéressé par la théosophie qui est un mouvement remis à l’honneur en 1875 aux Etats-Unis par Helena Blavatsky qui crée la Société de Théosophie. Ses membres souhaitent trouver la Vérité universelle sur un ordre cosmique dépassant le visible en reliant tous les traits dominants des religions et croyances existants. On retrouve une influence japonisante car le Japon s’ouvre à l’Europe et aussi l’Asie en plus général avec l’importance des philosophies comme le bouddhisme. La religion chrétienne en déclin et d’autres intéressent les artistes qui témoignent de Dieu ou d’un dieu qui devait répondre à leurs questionnements.

Tom Thomson a probablement beaucoup influencé le « groupe des sept ». Les peintres nabis autour de Gauguin ont beaucoup de discussions sur leurspiritualité mais aussi sur la peinture avec le côté technique, les formes et le bouleversement des tâches de couleur. Ils ont aussi des dialogues et des échanges sur la spiritualité. Thomson avait l’habitude de prendre sa barque et d’aller se retirer sur les lacs du Canada. Il reprenait les peintures chez lui dans son atelier. L’eau est miroir par la lumière qui passe et elle transcende aussi les rochers qui ont des coloris diversifiés et violents.

Piet Mondrian a été éduqué dans le calvinisme, il aime représenter la nature pour trouver une sorte de transcendance. Il annonce son renversement vers l’art abstrait, c’est le debout de sa recherche mais à travers cet arbre, la couleur s’affranchit du sujet. L’arbre est vivement tracé et la couleur à grande touche éclabousse et éblouie. La lumière vient de la forme, une constellation de rayons, le tableau irradie. Il laisse voir la toile marron par des zones laissées libres.

Les moutons se suivent et se répètent, c’est donc l’allégorie de la vie qui passe. On voit l’ombre noire et le double de ces moutons dans l’eau qui est miroir. Ce jeu de la lumière très fort est donné par le divisionnisme qui est propre aux peintres italiens, par ces petites touches de couleurs, se fait une intensité lumineuse qu’est perçue par l’oeil. Il aimait aller dans les hauteurs pour avoir la lumière. Les moutons représentent l’humanité. Lors de l’homélie d’une messe, était expliqué que le mouton est aveugle et c’est pour cela qu’il se suit ses congénères de très près. Donc on ne se suit pas bêtement mais parce que l’on est aveugle.
Monet est athée mais il porte un intérêt pour les différents moments de la journée et la lumière. Kandinsky écrit un chapitre sur les meules dans Du spirituel dans l’art. Pour lui, la lumière irise l’ensemble du tableau et donne des couleurs nombreuses et nuancées. Au bout d’un moment, le sujet s’oublie menant alors une réflexion sur est-ce que le sujet est obligatoire. Il s’intéresse à la lumière et aux formes, qui aboutie à l’art abstrait avec de la lumière.

Ce tableau comporte un gros soleil rayonnant mais on peut aussi y voir une sorte d’auréole. Le semeur fertilise la terre qui reçoit plus ou moins bien ce que l’on sème. Ce tableau symbolise le Christ qui est en train de semer les graines et derrière l’arbre au traitement japonisant il y a le village et la vie. « Moi, j’ai vraiment un besoin de Dieu alors je sors la nuit, je vois le ciel étoilé et ça me fait du bien » dit Van Gogh dans une lettre à Théo. Il arrive à lier sa profonde inspiration d’homme chrétien et son génie de peintre car avec Gauguin il révolutionne l’aspect formel de la peinture.

Hilma af Klint s’intéresse à la théosophie et n’a jamais montré ce type d’œuvre de son vivant car elle ne le souhaitait pas. Dans son testament, elle voulait que ses œuvres ne soient pas dévoilées au public avant vingt ou trente ans. Donc, la première fois qu’elle a été exposée fut quarante après son décès, aux Etats-Unis puis en France. Group X, No. 3, Altarpiece est la partie centrale du triptyque d’un retable. C’est un soleil fort à dominance dorée qui vient éclairer ce pourquoi il était fait : un chœur d’église. Il n’a peut-être pas réellement été installé mais la peintre est dans un fort questionnement.

Elle est à la recherche d’un sens à travers la nature et s’est installée dans le Nouveau-Mexique où il y avait une colline. Le motif est existant et elle le transcendait à travers sa vision, ses outils et sa couleur. Le soleil irradie avec des collines presque sensuelles. Elle est connue pour ses photos sensuelles et touche beaucoup par sa compréhension de ce que peut évoquer le paysage et la nature à travers le soleil.
Munch a fait plusieurs petits tableaux carrés représentant la vie, de la naissance à la mort, et dans Dancing on a shore conservé à Prague, il représente un passage joyeux de danse. La lumière est donnée par la danse mais aussi par la lune qui se reflète dans l’eau. L’anxiété de Munch se retrouve par la femme en rouge qui symbolise la souffrance et la blessure quant aux deux personnages en noir c’est la mort. La vie n’est pas facile et elle offre des moments de bonheur parfois concomitants à ceux de douleur. Cette frise de la vie est juste car quand on est dans une démarche spirituelle on doit être confronté à la souffrance et à la mort. Cela a une touche heureuse même si Munch a une manière de faire très linéaire et tortueuse. Il se pose beaucoup de questions existentielles sans réponses.

Ce tableau est à mettre en lien avec la résurrection. C’est un être humain à la longue chevelure qui est pris dans un tournoiement et sa main jète des étoiles, semant la vie. Il est très symbolique et résume l’exposition sur la lumière de l’univers car on ne sait pas d’où elle vient. C’est la rencontre entre la science et ce qui traite de Dieu. Les artistes sont en relation avec Camille Flammarion qui est un vulgarisateur de son savoir et qui s’interrogeait beaucoup sur notre univers et d’où l’Homme vient.

Créé à la veille de la Première Guerre Mondiale, c’est un manifeste dans l’entre-deux guerre comme avec la chaine de verre où l’idée est d’essayer de donner de l’espoir au monde à travers le verre qui permet de laisser passer la lumière. Bruno Taut avait imaginé une maison tout en verre. Le peintre fait partie de la mouvance. De plus, vers 10 ans, il se prend de passion pour le cristal et a très vite et très tôt, il l’a collectionné comme le verre. Il en a fait une vitrine et s’en est inspiré pour son Oeuvre. Il donne l’impression de tomber mais on a une base qui est composée de cristaux. Le cristal est vivant et dans la nature il se modifie et grandie. On retrouve une notion de lumière intérieure qui traverse les éléments.

Black cross with stars and blue est un grand poster de quatre ou cinq mètres de haut. La première et seule réaction a été celle du libraire de la boutique de la RMN lors de l’accrochage qui se demandait ce que pouvait être cette croix et pourquoi les commissaires faisaient cela. La croix résume beaucoup de choses. C’est celle chrétienne et O’Keeffe qui a vécu dans le Nouveau-Mexique a été touchée par les croix noires posées par les autochtones. Ici c’est face à un paysage montrant la montagne. C’est le lieu où on trouve Dieu comme avec par exemple le buisson ardent. Au dessus il y a le ciel avec les petites touches blanches. C’est un ciel lumineux grâce à la lumière du Nouveau-Mexique. On y sent le silence du désert.