
L’exposition « L’art du pastel, de Degas à Redon » est la plus grande exposition de pastel qu’a connu le Petit Palais. C’est une mise en valeur de la collection exceptionnelle de pastels de cette institution qui n’a jamais eu l’occasion d’être exposée. La plupart des œuvres présentées le sont donc pour la première fois depuis leur acquisition. L’exposition durera du 15 septembre 2017 au 8 avril 2018. Gaëlle Rio, conservatrice au Petit Palais, chargée des collections d’Arts graphiques des XVIIIe, XIXe et XXe siècles en assure le commissariat.
L’exposition commence par une révision de l’art du pastel classique avec des artistes comme Vigée Le Brun ou le sculpteur Carpeaux qui se représentent avec le pastel comme une ébauche avec de nombreuses couleurs irréelles. On y découvre également des œuvres d’artistes néo-classiques beaucoup moins intéressants qui montrent une technique et une réalisation manquant cruellement d’originalité pour des œuvres du XIXe siècle.
La volonté de retranscription d’une forme de réel, proche de celle des impressionnistes, mènent les artistes comme Bouchor ou Notal à montrer la réalité sous un jour différent avec l’utilisation du pastel qui n’est pas encombrant et qui n’a pas de temps de sèche. Le pastel amène également une ambiance impressionniste, comme dans la représentation d’un instant pris sur la volée. Mais on peut apprécier les œuvres de Iwill par exemple Le soir, Paris sous la neige et La grande côte à Royan qui sont parmi les œuvres les plus intéressantes de cette exposition, nous permettant d’apprendre à connaître cet artiste peu cité. Pour comprendre cette ambiance, on peut prendre comme exemple La sortie des midinettes réalisée par Steinlen avant 1907 au fusain et pastel.


Dans la salle des représentations mondaines, on peut s’arrêter devant deux tableaux de James Tissot Berthe et Le Journal qui sont très bien réalisés, Tissot a parfaitement assimilé les techniques du pastel. Il est, dans les 1880-1890, l‘une des références de l’art du pastel français reconnu autant par la critique que par les amateurs. Dans cette salle, on peut également apprécier le portrait de Marie Blanche Vasnier par Jacques Émile Blanche qui arrive à faire ressortir l’arrogance et la puissance de la jeune danseuse, maîtresse du compositeur Debussy, sa perfection dans le réalisme égale sa manière de montrer le personnage et son attitude.
Les œuvres de Victor Prouvé sont très intéressantes, elles sont rehaussées par la phrase de Judith Gautier :
« Le pastel, cette matière si souple et si fragile, qui tient du pollen des fleurs et de la cendre brillante qui poudre les ailes des papillons, convient surtout pour reproduire la suavité des chairs féminines et les chiffonnements soyeux des belles étoffes ».
Les grands pans de la robe de chambre de la jeune femme semblent flotter, révélant tout le désir et la sensualité qui émane de l’oeuvre. L’artiste ne donne que très peu de détails de cette robe et les ombres sont réduites au stricte minimum. Il ne s’attache à détailler la robe que pour les manches, peut être dans l’idée de contraster la peau claire et lisse de la jeune femme et les manches retournées et froissées de la robe.

Entrant dans la salle des symbolistes, on tombe tout de suite sur les œuvres d’Odilon Redon que je connaissais essentiellement pour son portrait de Gauguin sur lequel j’avais entendu une émission de France Culture (un numéro de « les Regardeurs »). En étant l’un des leaders des symbolistes, le travail de Redon sur la couleur est absolument incroyable et on comprend mieux la fascination qu’il eut pour les œuvres de Gauguin et sa relation avec la religion qui est retranscrite dans son oeuvre. On ne peut se résoudre a en choisir un en particulier tant ils rivalisent par leur expressivité et leur beauté.
La salle suivante est essentiellement composée du tableau affiche, du porte-drapeau de l’exposition, une oeuvre de Charles Léandre nommée Sur champ d’or qui est le portrait d’une femme que l’on comprend assise devant une fenêtre devant laquelle tombe un rideau. Ce champs d’or se trouve certainement derrière cette fenêtre, il illumine le tableau et lui donne une ambiance très particulière. On est comme dans un rêve, c’est très représentatif de la recherche esthétique des symbolistes. La couleur dorée vient caresser la peau de la jeune femme qui porte son regard sur la droite du spectateur comme si elle était gênée de cette attention qu’on lui porte. Sa main gauche vient délicatement rehaussé le noir en soulevant discrètement sa robe.

Il s’agit d’une très belle exposition, vraiment bien pensée en terme de muséographie. Il est difficile d’assimiler le fait que la plupart de ces œuvres n’aient jamais été exposées au public. La seule chose qui pourrait lui être reprochée est l’éclairage qui, étant additionné à des couleurs parfois assez sombres et qui avalent la lumière, ne permet pas de profiter pleinement de certaines œuvres, nous faisant passer à côté de certains détails.