
Si le nom du Bardo vous est familier, c’est qu’il vous renvoie très certainement au célèbre musée de Tunis. Or il existe également un autre Bardo, celui d’Alger, situé dans une villa du XVIIIe siècle abritant les collections ethnographiques et préhistoriques d’Algérie.
Un petit historique
Le nom « Bardo » est probablement une déformation du mot espagnol « Prado » et renverrait au palais que les Hafsides, dynastie berbère sous domination ottomane dès 1574, possédaient à partir du XVe siècle dans la banlieue de Tunis.
Le Bardo d’Alger, quant à lui, aurait été construit au XVIIIe siècle, par un noble tunisien exilé du nom de Mustapha Ben Omar ou Omar, mentionné par Henri Klein dans ses Feuillets d’El Djezaïr et apparaît dans un dessin de 1832 du capitaine Longuemare. C’est alors un djenane, une sorte de villa avec des jardins, propriété de notables et située dans la très proche périphérie d’Alger.
Acquis après 1830 par le général Exelmans, le Bardo est racheté en 1875 par Ali Bey Bouakaz qui le revend à un Français, Pierre Joret. C’est Ali Bey ou Joret qui va redécorer une grande partie de la villa, en y mettant des plantations et en aménageant des communs et des écuries tout en laissant intacts les bâtiments du XVIIIe siècle. M. Joret fait de sa résidence du Bardo un haut lieu culturel, où va notamment se produire le musicien Camille Saint-Saëns.
Après avoir été cédé par la famille Joret à l’Etat français en 1926, c’est en 1930 qu’il devient le musée d’ethnographie et de préhistoire d’Alger lors du centenaire de la colonisation française en Algérie, mais aussi sous l’impulsion du développement des sciences ethnologiques au Maghreb (à l’instar du travail de la récemment panthéonisée Germaine Tillion, qui a livré de nombreuses études sur les Aurès dans les années 1930). La villa d’origine abritait des collections ethnographiques comme des armes et des costumes tandis que les nouveaux bâtiments étaient dévolus à la préhistoire et aux résultats des fouilles archéologiques faites en Algérie. Dans les années 1940-1950, le musée fut adjoint d’une bibliothèque et d’un laboratoire d’ethnologie.
Ayant subi une rénovation importante, le musée est actuellement vidé de ses collections ethnographiques mais il est possible de visiter les très belles pièces, dont certaines sont meublées, les cours intérieures, les jardins et la partie consacrée à la préhistoire.
Situé en plein cœur d’Alger, à côté du parc de Galland, cette ancienne villa est composée de nombreuses salles, dont un hammam, des galeries, un jardin, qui s’organisent autour de cours en marbre.
Visite du Bardo
La cour principale
On accède à la villa par un escalier en faïence bleue qui amène au porche s’ouvrant sur une grande cour pavée de marbre où donnent de nombreuses pièces. S’y trouve également une galerie aux arcs outrepassés qui conduit à un pavillon aujourd’hui appelé « pavillon de la favorite ». Au centre, une vasque en marbre blanc et une fontaine. Et à l’opposé, une porte donnant sur le potager et les jardins.


Quand la villa était encore habitée, cette partie antérieure était accessible aux étrangers car elle donnait sur des salles basses qui n’étaient pas privées.
Ces salles possèdent toutes des fenêtres quadrangulaires avec des grilles en fer forgé, et un décor intérieur de mosaïques bleues et d’enduit blanc.
Certaines des pièces donnant sur cette cour principale ont été reconstituées de manière plus ou moins fantaisiste. On y avait notamment aménagé un café maure, empreint d’orientalisme, dont le décor n’existe plus aujourd’hui.

Concernant la galerie aux arcs outrepassés, elle possède également une fontaine et amène à un pavillon indépendant dit de la favorite qui vient d’être récemment rénové.


Les pièces intérieures
Depuis la cour, on pénètre à l’intérieur du bâtiment principal et on accède à une grande pièce centrale, parfois appelée salon ou patio, mais qui est plutôt à rapprocher d’un hall. Elle est surmontée d’une voûte portée par une série d’arcades en pierre et ses murs sont recouverts d’enduit blanc alternant avec des mosaïques qui constituent le décor le plus récurrent au Bardo. C’est à partir de cette salle que l’on pouvait accéder à différentes chambres qui présentaient les costumes ethnographiques quand les collections étaient en place.

La plus grande des chambres a conservé son mobilier, mis en place à l’ouverture du musée, ou peut-être déjà à l’époque de Joret. Son décor n’est pas sans rappeler le tableau d’Eugène Delacroix, Femmes d’Alger dans leur appartement, présenté au salon de 1834, et conservé au Louvre. Ce tableau a en effet longtemps été considéré comme la représentation exacte de la société algéroise dans les années 1830, une affirmation aujourd’hui largement remise en question car il témoigne également d’une influence orientaliste très forte ne serait-ce que dans la mise en scène des personnages et des objets décoratifs.
A partir de ce hall, on peut monter à l’étage où on retrouve d’autres appartements ainsi qu’un hammam dans une petite salle dont la coupole permet de conserver la chaleur.
La seconde cour
Enfin, depuis le bâtiment principal, on peut accéder à une deuxième cour, plus petite, également décorée d’un dallage en marbre et de faïence au mur, mais sans vasque ni fontaine.
Le décor du Bardo
L’architecture et le décor visible au Bardo regroupent de nombreuses caractéristiques des riches maisons algéroises, notamment dans le vocabulaire architectural mis en place : arcs outrepassés, loggias soutenues par corbeaux en bois apparents et peints que l’on retrouve aussi dans la Casbah, petites fenêtres quadrangulaires avec grilles en fer forgé et des mosaïques florales omniprésentes. C’est Ali Bey, un temps propriétaire du Bardo, qui aurait fait importer des carreaux de faïence pour constituer ce décor.
Le Bardo constitue ainsi un bon exemple de l’architecture d’une villa algéroise, et une agréable parenthèse dans la métropole effervescente qu’est Alger.
Pour le visiter :
Musée national du Bardo
3, rue Franklin Roosevelt
16 000 Sidi M’Hamed
Alger
Bibliographie
Le Bardo : musée d’ethnographie et de préhistoire d’Alger, par la direction de l’Intérieur et des Beaux-Arts du Gouvernement général de l’Algérie, préface H.V. Vallois, Alger : Imprimerie officielle, 1952