
Le monde entier connaît leur profil si caractéristique. Depuis 4500 ans, les trois pyramides de Giza fascinent et inspirent. Brillants vestiges d’une civilisation éternelle, elles ont parfois servi de support aux théories les plus originales, entourées de leur aura de mystère. Alors qu’on croyait tous leurs secrets dévoilés, les scientifiques nous offrent de nouvelles pistes. Le 2 novembre dernier, des chercheurs de la mission ScanPyramids ont annoncé la découverte d’une cavité dans la première des sept merveilles du monde antique. Mais cette découverte révolutionnaire en est-elle vraiment une ? La polémique secoue les esprits au sein de la communauté scientifique internationale. L’Archéoclub, en collaboration avec Florilèges, revient avec vous sur cette nouvelle explosive.
Le 2 novembre, le magazine américain Nature publiait sur son site l’info qui allait ébranler le monde archéologique : une nouvelle cavité découverte dans la pyramide de Khéops ! Cette cavité, longue d’environ 30 mètres a été découverte grâce aux rayons cosmiques muons comme l’indique le titre de l’article. Pour ce faire, la mission ScanPyramids, composée de deux équipes japonaises de l’université de Nagoya et de l’organisme nippon KEK (spécialisé dans la physique des particules), ainsi que d’une équipe française du Commissariat à l’Energie Atomique et aux énergies alternatives (CEA), a utilisé la muographie.
Un muon est une particule élémentaire issue du rayonnement cosmique. A chaque instant, notre planète est bombardée par des rayons de particules de très haute énergie en provenance de l’espace. Provenant majoritairement de notre Soleil, ces rayons entrent en collision avec les noyaux d’atomes de l’atmosphère, se scindant alors en une multitude de particules. Seules les particules les plus lourdes et les plus chargées en énergie atteignent le sol de la Terre. Les particules cosmiques traversent toute matière qu’elles rencontrent. Cependant, en traversant les corps solides, elles perdent peu à peu de leur énergie au passage. Quand elles n’ont plus aucune énergie, elles sont absorbées par la matière. Contrairement à beaucoup d’autres particules, ces muons sont très chargés, ils peuvent donc traverser une grande quantité de matière avant d’être arrêtés. La muographie permet donc de déterminer la densité d’un objet en détectant, grâce à un télescope à muons, la quantité de ces particules. A l’aide de détecteurs gazeux à l’argon, le télescope intercepte le flux de muons provenant de différentes directions. Puis, en observant les variations de ce flux, les scientifiques en déduisent les variations de densité de l’objet traversé par ces muons. Moins il y a de muons détectés, plus la matière est dense, et inversement.
C’est donc ce procédé, la muographie qui a permis aux scientifiques de ScanPyramids de découvrir une cavité dans la pyramide, au-dessus de la grande galerie menant à la chambre funéraire du roi Khéops. Les scientifiques du CEA et des deux équipes nippones ont estimé que ce « big void » mesurait 30 mètres de longueur. Mehdi Tayoubi, co-directeur du projet ScanPyramids a déclaré que la cavité mesurait la taille d’un « avion de 200 places en plein cœur de la pyramide ». Pour en apprendre plus, beaucoup seront sans doute volontaires pour plonger dans les entrailles de la pyramide, mais toute la difficulté consiste maintenant à trouver une technique non invasive pour explorer cette énigmatique cavité. La réponse résiderait-elle dans le petit couloir de la face nord découvert par les mêmes scientifiques de ScanPyramids il y a un maintenant plus d’un an ?

Cette découverte, largement relayée dans les médias, a rapidement fait l’objet d’une vive polémique. Zahi Hawass, égyptologue et ancien ministre des Antiquités égyptiennes a évoqué le fait que cette découverte si spectaculaire n’en était peut-être pas une et ne constituait au fond qu’une (re-)découverte. Il a précédemment déclaré : « Nous les avions informés qu’il ne s’agissait pas d’une découverte ». « La pyramide est pleine de cavités mais cela ne veut pas dire qu’elles abritent des chambres secrètes ou qu’il s’agit d’une nouvelle découverte ». Il aurait également émis l’hypothèse d’un simple éboulement, hypothèse immédiatement démentie par Sébastien Procureur, responsable scientifique au CEA. « S’il s’agissait d’un chaos de gravats, les mesures muographiques indiqueraient une faible sous-densité un peu partout. Or là, nous avons une forte sous-densité locale. », a-t-il déclaré.
Choisissant la voie de la prudence, Moustafa Waziri, secrétaire général du comité gouvernemental des Antiquités a déclaré dans un communiqué officiel vendredi 3 novembre : « l’équipe scientifique n’aurait pas dû se précipiter […] et utiliser des termes promotionnels comme ‘découverte’ ou ‘cavité de la taille d’un avion’ ». « Le travail doit se poursuivre selon les étapes de la recherche scientifique et doit être discuté avant toute publication ».
Alors que faut-il en conclure ? Battage médiatique ou fantastique découverte ? Nous ne le saurons peut-être jamais. Ce fameux « big void » a provoqué un séisme au sein de la communauté égyptologique internationale. Mais il a aussi ravivé les rumeurs millénaires de salles cachées et autres labyrinthes de pierre enfouis sous ces mystérieuses et fascinantes sépultures, qui se trouvent maintenant potentiellement fondées. Et même si les siècles ont conservé la mémoire de salles inconnues dans la pyramide, la localisation de celles-ci restent une grande découverte pour l’archéologie égyptienne. Aujourd’hui, le plus important est peut-être de garder la tête froide et d’observer cette fabuleuse découverte avec le maximum d’objectivité.
Tiphaine – Archéoclub de l’Ecole du Louvre
Et pour en savoir plus :
Vidéo sur la découverte de la cavité, par ScanPyramids: (ici)
Le site de la mission ScanPyramids: (ici)
Document du CEA sur la muographie: (ici)
Pour de plus amples explications sur les muons et les particules cosmiques: (ici)
Et si vous êtes plutôt vidéo, interviews des membres de la mission par Estelle Lemaitre: (ici)
Image à la Une: © ScanPyramids