Chrétiens d’Orient. 2000 ans d’histoire à l’Institut du monde arabe

     Chrétiens d’Orient. 2000 ans d’histoire est une exposition qui se tient à l’IMA depuis le 26 septembre et jusqu’au 14 janvier 2018. Il ne vous reste donc que deux jours pour pouvoir découvrir l’histoire de ces populations du Proche et du Moyen Orient, au travers de nombreuses œuvres variées comme des mosaïques, des bas-reliefs, des objets de culte ou des photographies contemporaines.

Il s’agit d’une exposition dense car elle entend retracer l’histoire des populations chrétiennes de la région de leurs origines à aujourd’hui.

Si le parcours scénographique manque un peu de luminosité, il reste néanmoins particulièrement soigné. Les objets présentés sont très variés, et leur choix argumente le propos des cartels. Il n’est donc pas étonnant que l’exposition connaisse un grand succès, faisant qu’il est parfois difficile de circuler dans certaines petites salles ; je ne peux donc que vous conseiller de vous y rendre en début de matinée.

Les premiers siècles du Christianisme

Le premier cartel entend revenir sur la définition du terme imprécis qu’est celui de « Chrétiens d’Orient ». L’exposition portera donc uniquement sur l’évolution de la chrétienneté en Syrie, en Irak, en Egypte, en Jordanie, en Israël et en Palestine. 

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Situation actuelle, avec les foyers de chrétienté au Proche et Moyen Orient. Carte Le Monde, 2012

Ce premier espace concerne la naissance et les premiers siècles du christianisme du Ier au VIe siècles ap. J.-C. La religion chrétienne est particulièrement liée à la région puisque c’est à Antioche (Turquie) que le nom de chrétien est donné la première fois aux disciples du Christ.

Plusieurs manuscrits dont une bible en syriaque sont présentés, elle est datée de 464 environ. Le syriaque est dérivé de l’araméen, la langue du Christ et des Hébreux. Ici c’est du syriaque estrangelo, sa calligraphie particulière étant utilisée pour les livres liturgiques. L’évangélisation s’est également faite par le syriaque. Au travers d’autres manuscrits présentés on peut également voir l’usage du copte, la langue des chrétiens d’Egypte.

L’iconographie de la croix et du chrisme est également très présente dès les premiers siècles du christianisme, notamment au travers de divers objets présentés :

Le second espace montre le développement des églises dans la sphère publique. Ainsi on peut y voir des mosaïques montrant des églises, des chapiteaux décorés de croix, ou les plans du Saint Sépulcre.

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Mosaïques montrant deux églises

Par la même façon, la scénographie veut rappeler l’architecture d’une église, avec des traits de lumière symbolisant une coupole schématisée.

Les monastères et les pèlerinages

Il faut désormais monter des escaliers pour accéder à la suite de l’exposition. Ce troisième espace est consacré aux monastères et aux pèlerinages. On est accueilli par une photographie récente d’un monastère palestinien, celui de Mar Saba, fortifié comme on en retrouve beaucoup à la période byzantine.

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Le monastère de Mar Saba en Palestine

Le mode de vie monastique est quant à lui né dans le désert égyptien dès le IIIe siècle. Puis, dès le VIe siècle, se développent les lieux saints qui s’accompagnent de pèlerinages.

Pour évoquer la vie monastique, les commissaires d’exposition ont fait le choix de médias divers comme des films, de nombreux objets ou encore une tunique et son capuchon du VIIIe-Xe siècle porté par un moine de la région du Fayoum en Egypte.

Le développement des lieux saints est souvent marqué par des figures monastiques importantes comme Saint Siméon le Stylite, qui vivait sur une tour, attirant les pèlerins. Plusieurs ampoules à eulogie qui servaient à contenir eau ou huile bénite ayant été en contact avec les reliques, et étaient ramenées par les pèlerins, sont ainsi exposées.

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Ampoules à eulogie

Le quatrième espace va marquer une étape importante pour les chrétiens du Proche et du Moyen Orient avec :

La conquête arabe et les échanges artistiques

Les chrétiens deviennent alors des dhimmis, comme les juifs, et pour pouvoir pratiquer leur religion ils doivent s’acquitter d’un impôt ou subir des discriminations. Ils vont devenir minoritaires dès le XIIIe siècle.

Avec l’arrivée des Arabes, se développe toute une littérature chrétienne en langue arabe à partir du Xe siècle.  Se posent alors plusieurs questions sur la liturgie. Quelle langue adopter pour les célébrations et les livres saints ? Au travers de plusieurs manuscrits dans des langues différentes, l’exposition nous apprend ainsi que ce choix dépendra de la région. Ainsi certains feront le choix de l’arabe, de mélanges, ou garderont leur langue d’origine. A titre d’exemple, un très beau manuscrit arménien, dont les inscriptions sont en langue locale :

Evangile en arménien
Copié par Arakel Gronavor, enluminé par Sargis Pidzak, monastère de Lazare (Turquie), 1312, manuscrit tempera, or, encre sur papier. Conservé à Jérusalem, ms 1949, folio 10v-11r

Pour rappeler la liturgie, la scénographie fait le choix de mettre une ambiance musicale avec des hymnes, des poèmes et des chants, particulièrement bien choisis.

Cette proximité avec la nouvelle population arabe, et l’Islam qu’elle amène, va favoriser des interactions culturelles, qu’il est possible de voir au travers de ces deux exemples pris dans l’exposition :

  • Une bouteille en verre soufflé du milieu du XIIIe siècle, mêlant à la fois iconographie chrétienne avec des diacres sur le col et des scènes de la vie quotidienne monastique sur la panse, et des entrelacs proches des manuscrits et des bas-reliefs des arts de l’Islam.
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Bouteille en verre soufflé, décor émaillé et doré, milieu du XIIIe siècle, Vadus collection de la Furusiyya Art Foundation
  • Un pentateuque qui reprend le décor d’un Coran, en langue arabe,

La suite de l’exposition entend analyser les rapports avec les Croisés, qui auraient pu être fort intéressants notamment au travers des décors d’églises comme à Accra, puis la domination ottomane, mais elle est réduite à quelques vitrines.

Etre chrétien en Orient, aujourd’hui

L’exposition se termine par la situation aux XXe et XXIe siècles notamment au travers de séries de photographies contemporaines. Les destructions et les sévices encourus actuellement par la population chrétienne, notamment en Irak, sont présents mais l’exposition fait le choix de montrer majoritairement la vie quotidienne de ces chrétiens, leurs célébrations et la présence du culte dans la sphère publique.

-Katharine Cooper, Syrie, 2016-2017, série de neuf photographies, tirages aux sels d’argent sur papier baryté. On peut y voir le dôme et l’église grecque-orthodoxe d’Alep en avril-mai 2017.

Mais aussi la création chrétienne contemporaine de cette région,

A gauche, la traditionnelle icône chrétienne est ici reprise par un artiste contemporain égyptien. Ashraf Georges Fayek, L’Annonciation, Egypte, 2003, icône sur bois doré, peinture et métal, conservé au MuCEM.

Au centre et à droite, une image de la Vierge dans une rue au Liban et un autel de rue. On trouve également fréquemment des oratoires, mazar, dédiés à Marie, qui témoignent de la ferveur populaire pour le culte de la Vierge et des saints dans la région.

Conclusion et compléments

Il s’agit d’une exposition particulièrement riche, qui aborde de nombreux thèmes intéressants comme l’adoption de l’arabe comme langue par des chrétiens devenus minoritaires, mais aussi les échanges artistiques entre Arabes et Chrétiens. La dernière partie consacrée à la situation actuelle est également passionnante puisqu’elle apporte un éclairage sur la vie quotidienne des minorités chrétiennes.

L’exposition se poursuit ensuite au musée des Beaux-arts de Tourcoing du 22 février au 12 juin 2018.

Pour y aller : Institut du monde arabe, 1 rue des fossés Saint-Bernard, 75005 Paris

Pour compléter l’exposition, vous pouvez également aller regarder ces liens :

-La visite guidée de l’exposition par la commissaire (durée 7’46 mn) qui met l’accent sur quatre œuvres :

-Et pour mieux comprendre la situation actuelle, vous pouvez également revoir ce documentaire La fin des chrétiens d’orient, diffusé sur Arte et disponible gratuitement en replay jusqu’au 10/03/2018 (durée 87 mn) :

https://www.arte.tv/fr/videos/060824-000-A/la-fin-des-chretiens-d-orient/ (Réalisé par Didier Martiny en 2015)

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