Madame Maurice Pascal et son chien Tiny par Léon Bonnat

Né en 1833, Léon Bonnat est un artiste originaire de Bayonne. Dès 1846, il part à Madrid où il étudie la peinture avec les frères Madrazo de l’Académie de Madrid. Après un séjour de sept ans en Espagne, il va, en 1854, à Paris pour étudier à l’Académie des Beaux-arts où il est l’élève de Léon Cogniet, portraitiste et lithographe appartenant aux courants néoclassiques et romantiques. Parmi l’oeuvre considérable de son maître, le Portrait de la veuve Clicquot et de sa petite fille datant d’entre 1860 et 1862, se rapproche des représentations féminines de Léon Bonnat.

Lazare Bonnat
La résurrection de Lazare 

L’artiste, ayant reçu la deuxième place au prix de Rome en 1857 grâce à sa toile La résurrection de Lazare (Musée de Bayonne), va en Italie en 1860. Il a ensuite visité la Grèce et le Moyen-Orient, changeant ses inspirations au fil de ses nombreux voyages.

 

 

 

En effet, après les grandes scènes historiques et religieuses, le peintre s’est tourné vers les scènes de genre. Il a ensuite privilégié les portraits, pour lesquels il est aujourd’hui connu. Il a notamment portraituré bon nombre de personnes célèbres comme Victor Hugo (château de Versailles) ou encore Alexandre Dumas fils, également exposé à Versailles.

Bonnat Dumas fils
Alexandre Dumas fils

Léon Bonnat était collectionneur d’objets d’art et il décida, en 1891, de léguer sa collection au musée Bonnat-Helleu de Bayonne. Grand peintre, il a été chef d’atelier de peinture à l’Académie des Beaux-arts de Paris avant d’en devenir le directeur en 1905. Il est décédé en 1922 à Monchy-Saint-Eloi.

Les portraits féminins de Bonnat

Léon Bonnat s’est également intéressé aux femmes. Ces portraits sont, certes, moins nombreux que ses figures masculines, mais n’en restent pas moins saisissants de réalisme. Bonnat a peint toutes les générations qu’il côtoyait : allant de la jeune fille comme Portrait de jeune fille, à la jeune femme comme la toile qui nous intéresse aujourd’hui, à savoir Madame Maurice Pascal et son chien Tiny, en passant par une Élégante de profil au nœud noir, ou par des personnes plus mûres comme Madame Bonnat, sa mère.

madame bonnat
Madame Bonnat

L’analyse du tableau de Madame Maurice Pascal

Léon Bonnat a représenté, dans sa toile, Madame Maurice Pascal, femme semblant appartenir à la haute société. Elle arbore une robe de la fin du XIXe siècle de couleur blanche, avec des fleurs au niveau du buste ainsi que sur les manches. Elle porte un chapeau à plumes accompagné d’une fleur sur sa tête. Enfin, ses mains, non gantées, prennent appui sur une ombrelle repliée. À ses pieds, son chien Tiny est présenté de trois-quarts, dévoilant seulement son museau et ses deux pattes avant, tandis que son arrière train et sa queue sont cachés par les plis de la robe de sa maîtresse. Tous ces détails sont visibles grâce à la taille du tableau à échelle quasi humaine. Par ailleurs, le visage de Madame Pascal, de couleur pâle, se rapprochant plus du rose que du blanc, ne montre aucune expression particulière, bien que cela ne soit pas une constante chez Léon Bonnat. En effet, le peintre a produit durant sa carrière de nombreuses toiles de personnes plus enclines à sourire. Concernant les couleurs du fond, qui favorisent la mise en avant du sujet représenté, l’artiste a opté pour des tons sombres, qui ne permettent que très difficilement de distinguer les formes bucoliques d’un jardin.

madame maurice pascal
Portrait de Madame Maurice Pascal

La singularité de ce tableau : le petit chien Tiny

Le dernier point que nous devons soulever reste la représentation du chien qui est unique dans l’oeuvre de Bonnat. Un courrier parlant du chien Tiny est aujourd’hui conservé dans les archives du musée des Beaux-arts de Pau. Ce dernier semble évoquer le fait que le chien avait une importance toute particulière pour Madame Maurice Pascal qui en parle dans ses lettres échangées avec le musée des Beaux-arts de Pau, avant de faire don de son portrait.

« Je vous remercie de votre si aimable lettre acceptant mon portrait dans votre beau musée, le chien […] avait été donnée par Madame la Duchesse de Cadaval cette petite bête (Tiny) était donc née à Pau. » 

Ainsi, nous pouvons supposer que l’animal était, certes, important aux yeux de sa propriétaire, mais également que l’artiste a peut-être voulu montrer un chien appartenant à une importante famille paloise.

Comment placer ce tableau dans le reste des représentations de Bonnat ?

Nous pouvons faire un rapprochement avec les représentations féminines de Bonnat, telle que l’Elégante de profil au noeud noir.

elegante de profil au noeud noir
Elégante de profil au noeud noir

Tout d’abord, il apporte un soin tout particulier au rendu des vêtements, surtout ceux que portent les femmes. Ils sont très réalistes et fournis, abondants de formes et d’accessoires comme les diverses fleurs de Madame Maurice Pascal et son chien Tiny ou les bijoux de l’Élégante de profil au nœud noir. Ensuite, lorsqu’il souhaite faire apparaître sur un visage une expression particulière, comme un air déterminé, il le fait. Les visages qu’il nous propose sont très proches de la réalité, qu’il s’agisse d’hommes ou de femmes, ou bien de visages juvéniles ou plus matures. Il offre à l’œil du spectateur des regards innocents de jeunes enfants comme le Portrait de jeune fille qui lève ses yeux vers le haut. Bonnat différencie aussi les jeunes adultes des personnes mûres par la présence de rides ou dans le style des vêtements.

Mais ce soin de l’habillage ou les expressions faciales ne sont pas des caractéristiques que l’on a toujours retrouvé chez l’artiste. En effet, sa technique a bien évolué au cours du temps, mais aussi en fonction de son sujet de prédilection. En ce qui concerne les vêtements, il n’y a pas vraiment de différences par rapport à Madame Maurice Pascal et son chien Tiny et des toiles comme La résurrection de Lazare. Les plis sont déjà présents pour donner du volume aux toges féminines et masculines. En revanche, on peut trouver un changement par rapport au faciès. Moins visible chez les hommes dont les traits sont proches de ceux de Maître Edouard Pascal ou de Victor Hugo, nous constatons une véritable métamorphose de la femme entre les débuts de Léon Bonnat et ses dernières toiles.

portrait jeune fille
Portrait de jeune fille

Peut-être plus caricaturales, les expressions des deux demoiselles accroupies aux côtés du Christ ne sont pas aussi touchantes que celle du Portrait de jeune fille, ni aussi strictes, mais non moins charmantes, que celles de Madame Maurice Pascal. Nous devinons une plus grande aisance de l’artiste dans la représentation des traits masculins, bien qu’un travail tout particulier ait été effectué afin de magnifier les visages féminins, plaçant ainsi Madame Maurice Pascal et son chien Tiny parmi les représentations féminines les plus abouties de la carrière de Léon Bonnat.

 

 

Image féminine : un sujet spécifique?

Nous avons démontré jusqu’à maintenant que le portrait de Madame Maurice Pascal et son chien Tiny représente un travail issu de plusieurs années d’évolution du portrait féminin sous le pinceau de Léon Bonnat. Que ce soit le dessin ou bien les couleurs, les deux se complètent pour donner naissance au tableau que nous pouvons observer aujourd’hui, laissant percevoir un fragment du passé tel que l’artiste a voulu le laisser. Mais ce travail est-il seulement l’oeuvre de Bonnat ou bien d’autres artistes s’y sont également intéressé ?

Pour tenter de répondre à cette question, nous analyserons un portrait féminin ainsi qu’une sculpture. Nous nous attacherons tout d’abord au Portrait de Mademoiselle Reclus, oeuvre d’Ernest Bordes appartenant à la collection du musée des Beaux-arts de Pau. Cette peinture de 1905, comme Madame Maurice Pascal et son chien Tiny, offre une belle jeune femme entourée par une nature luxuriante. En effet, Mademoiselle Reclus est vêtue de blanc, à l’instar de Madame Maurice Pascal, elle porte un chapeau entre ses mains ainsi qu’une fleur dans les cheveux et non sur la robe.

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Portrait de Mademoiselle Reclus par Ernest Bordes

En revanche, le fond est totalement différent. En effet, Bordes a opté pour un environnement coloré se mariant avec les vêtements et les chairs de la jeune femme, plutôt que de contraster avec le modèle. 

Pour terminer, nous allons confronter le portrait peint par Léon Bonnat à un autre médium, une sculpture de Lucien Tisné, Tout en fleur, oeuvre qui faisait autrefois partie des collections du musée des Beaux-arts avant d’être déplacée. Il reste toutefois une image du plâtre qui l’illustre parfaitement. Cette statue montre une jeune femme dont la robe ressemble beaucoup à celle de Madame Maurice Pascal, avec des plis amples au niveau des jambes et des amas de froufrous simulant des fleurs au niveau du buste.

tout en fleur lucien tisne
Tout en fleur de Lucien Tisné

Autre point qui permet de lier les deux œuvres, la ressemblance des chapeaux, élément, semble-t-il, indissociable du standing féminin des XIXe et XXe siècles. La jeune femme Tout en fleur tient un pan de sa robe dans une main qui pourrait être gantée, tandis que la seconde main garde ce qui pourrait être un parapluie, autre accessoire qui apparaît bel et bien sur le portrait de Léon Bonnat. Le visage de la statue de plâtre esquisse un sourire, un sentiment positif qui se ressent, contrairement à notre sévère, mais néanmoins séduisante, Madame Maurice Pascal et son chien Tiny.

Cette dernière comparaison nous amène à penser que la figure féminine est un sujet très prisé des artistes. Il requiert la maîtrise des codes vestimentaires, mais également une virtuosité dans la transcription des expressions sur les visages. Les techniques sont ainsi au centre d’une réflexion plus profonde, mettant en place tout un univers servant à magnifier la femme.

Nous avons mené une réflexion sur le portrait de Madame Maurice Pascal et son chien Tiny, en analysant sa mise en scène puis les différents procédés utilisés par Léon Bonnat pour mettre en valeur cette femme de bonne famille. Les jeux d’ombre, de couleur, la gestuelle, les expressions : tout a été pensé pour donner une image, une émotion au spectateur. Ce procédé a été perfectionné par le peintre durant toute sa carrière, évolution particulièrement notable à travers ses représentations féminines. Le portrait aujourd’hui étudié est le résultat de nombreuses recherches qui ont permis à Léon Bonnat de faire ressortir toute la noblesse de Madame Pascal. 

Article écrit par Andres Camps

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