Musée Yves Saint Laurent Paris : un hommage à un génie du XXe siècle

Né à Oran en 1936, Yves Saint Laurent s’est éteint à Paris en 2008, après quarante années d’une carrière éblouissante qui a révolutionné le vestiaire féminin. Associé avec Pierre Bergé dès ses débuts en tant que directeur artistique de la maison Dior, la maison de couture qu’ils ont fondée en 1962 est aujourd’hui un nom incontournable de l’histoire de la mode et dans le panthéon des noms qui ont fait la renommée mondiale de la mode française. « J’ai mené le combat de l’élégance et de la beauté », a dit Yves Saint Laurent. Aujourd’hui, comme témoignage de ce combat et en reconnaissance du statut à part entière d’artiste d’Yves Saint Laurent, quoi de plus naturel que l’ouverture de ce musée au 5 avenue Marceau, dans le 16e arrondissement de Paris, là où, en juillet 1974, la maison Yves Saint Laurent, au fait de sa gloire, avait établi son studio parisien.

Mais d’abord un peu d’histoire ! C’est en 1962 qu’Yves Saint Laurent et Pierre Bergé ouvrent la maison de couture éponyme au 30bis rue Spontini à Paris. A partir de 1965, les collections à succès s’enchainent avec la célébrissime robe Mondrian, ou encore la « collection du scandale » du printemps-été 1971 s’inspirant des années 1940, qui choqua la presse et l’opinion de l’époque. Un engagement de la part d’Yves Saint Laurent ? Une prise de parti ? Le numéro du magazine Vogue de mars 1971 recueillit les propos du couturier alors âgé de trente-cinq ans : « Ce que je veux ? Choquer les gens, les forcer à réfléchir ». Comme ça c’est clair… La provocation mais toujours dans l’élégance fut une des armes d’Yves Saint Laurent pour faire bouger les lignes de la société. Autre exemple, lorsqu’il pose nu devant l’objectif de Jeanloup Sieff, la même année que sa collection scandale, pour la publicité de son parfum « Pour l’homme », à l’occasion de laquelle il déclara : « Je suis prêt à tout pour me vendre ». En ce début des années 1970, le monde est en pleine Guerre Froide et néanmoins la jeunesse aspire à plus d’autonomie et de liberté. A l’heure de Mai 68 et du festival de Woodstock, Yves Saint Laurent n’a-t-il pas dit : « 1971 est une grande date, car enfin, la mode descend dans la rue ». Dès 1966, le couturier malmène les bourgeoises, qu’il dénonce comme sans style et sans goût… Le pire des crimes. Le génie du couturier semble intarissable, les chefs-d’œuvre s’enchainent, et l’un des plus grands : la collection 1976 dite « Opéra – Ballets russes ». C’est un spectacle, un défilé de splendeurs et de faste où l’artiste nous dévoile une Russie fantasmée où se mêlent ses grandes références esthétiques : Degas, Rembrandt, Van Eyck, Vermeer, Ingres… Profondément connaisseur et amoureux de l’art, Yves Saint Laurent lui rend hommage. C’est en 2002 que le couturier met fin à sa carrière et ferme les portes de sa maison, en ayant marqué l’histoire de son art de ses trois initiales, devenues synonymes de beauté, d’élégance et de style dans la mémoire collective.

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C’est à cette carrière exceptionnelle et surtout à son héritage pour la mode et les femmes que rend hommage ce musée. Sa vocation est profondément patrimoniale. Dès 1964, Yves Saint Laurent exprime le souhait, au lendemain de chacun de ses défilés, de sélectionner certaines pièces devant être conservées. Et à partir de 1982, la mention « Musée » est apposée sur certaines de ces pièces destinées à intégrer de véritables réserves. L’idée est là, en germe depuis plus de trente ans. Le musée parisien est une concrétisation, celui du vœu du créateur lui-même : « J’ai essayé de montrer que la mode est un art. J’ai suivi en cela les conseils de mon maître Christian Dior, et la leçon impérissable de mademoiselle Chanel. J’ai créé pour mon époque et j’ai essayé de prévoir ce que sera demain ». Un musée pour un artiste visionnaire, en somme.

17-09-26_Musée YSL_©François GOIZE

Le parcours rétrospectif du musée, sur lequel ont collaboré la scénographe Nathalie Crinière et le décorateur Jacques Grange, permet d’aborder le génie de l’artiste mais aussi le processus de création d’une collection de haute couture Yves Saint Laurent. Il nous montre comment Saint Laurent a révolutionné la mode féminine par des pièces emblématiques devenues des incontournables de l’élégance : le caban, la blouse ou le smoking. En sortant de ce musée, ces pièces nous résument l’essence du style Saint Laurent qui prône l’efficacité de la ligne, sa simplicité pour un style élégant qui marque les esprits. Grand connaisseur des arts, un espace entier du musée est consacré aux tenues témoignant de l’apport des modes d’autrefois et de l’histoire de l’art sur la création d’Yves Saint Laurent. De l’Antiquité au années 1940, en passant par le Moyen-Âge et les années Folles, tout au long de sa carrière, le couturier s’est servi du passé pour construire la mode du présent car le style est éternel n’est-ce-pas ! L’apport de l’exotisme ou plutôt d’un exotisme rêvé et fantasmé à travers des lectures nombreuses a aussi toujours guidé la création d’Yves Saint Laurent comme le montre la salle « Exotismes » toute entière consacrée aux collections de la maison inspirées de la Russie, de la Chine ou encore de l’Afrique. Le musée nous permet aussi de pénétrer dans l’intimité de cette maison de l’avenue Marceau, lieu de vie et de travail d’Yves Saint Laurent avec comme point fort, la visite de l’ancien studio du couturier, qui fut son laboratoire de 1974 à sa dernière collection en 2002, présentée au Centre Pompidou.

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Mais l’un des grands apports de ce musée est aussi son aspect didactique qui vise à faire comprendre via plusieurs installations notamment audiovisuelles la conception d’une collection de haute couture du temps de la direction d’Yves Saint Laurent. Plusieurs vidéos présentent des témoignages des acteurs de cette création qui ont assisté le couturier, pour certains, depuis ses débuts. Nous comprenons ainsi davantage le processus de création du croquis de la main du maître, dont les grandes lignes résument l’essence d’une tenue, au défilé et à la vente en passant par la conception des accessoires et les relations avec la presse. Il nous est alors possible de mieux saisir l’importance fondamentale que revêt la dimension relationnelle et commerciale pour une maison de couture. Un court métrage de quinze minutes nous expose ainsi le rôle d’une autre figure majeure de la maison Yves Saint Laurent, Pierre Bergé qui a soutenu l’artiste dès ses débuts chez Dior. Son rôle de communiquant et de metteur en scène fut essentiel dans la réussite de la maison et la mise en lumière du génie d’Yves Saint Laurent, au point que ce dernier désignera sa maison comme « un aigle à deux têtes ».

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Cependant, ce musée n’est que la partie immergée de l’iceberg que constitue la Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent. Dans son but de sauvegarder et transmettre ce patrimoine unique qu’est l’œuvre d’Yves Saint Laurent, la fondation a également fondé un autre musée extra européen, celui de Marrakech, terre d’élection du couple Bergé-Saint Laurent, consistant en un immense bâtiment de 4000 m² implanté au cœur du jardin Majorelle. En outre, la fondation continue d’organiser des expositions sur l’œuvre du couturier dans le monde entier comme récemment de mai à août 2017, avec « Yves Saint Laurent : The perfection of style » au Virginia Museum of Fine Arts. Cette fondation œuvre aussi pour le futur via une politique de mécénat active, avec, par exemple, le soutien du Palais de Tokyo ou de l’Institut français de la mode. En somme, l’œuvre de Saint Laurent irrigue encore aujourd’hui la création artistique et n’a pas fini de fasciner et d’inspirer. Croyez en celui qui a dû renoncer à faire les quatre heures de queue nécessaires pour visiter le musée le jour de son ouverture…

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