Le Musée d’Art Moderne et Contemporain d’Uppsala (Suède)

Au sommet de sa gloire, le roi Gustav Vasa débute en 1549 la construction du château d’Uppsala sur la colline la plus élevée de la ville. Cette forteresse d’un rose éclatant domine depuis lors l’ensemble de l’agglomération ; quel que soit le lieu où vous vous trouvez, vous pourrez observer au loin sa silhouette s’élever dans le ciel. Siège de nombreux évènements majeurs de la ville d’Uppsala et plus largement déterminants dans l’histoire de la Suède, le château accueille aujourd’hui trois différents musées : Fredens Hus (Maison de la Paix), Vasaborgen (Le vieux château), Uppsala Konstmuseum (Musée d’Art d’Uppsala).

(Attention, certaines œuvres peuvent heurter la sensibilité des plus jeunes)

Certainement pas de plus bel endroit pour le musée d’Art Moderne et Contemporain qui s’y installe en 1995. Administré par la municipalité de la ville, le musée répond à une exigence de renouvellement constant et présente une grande variété d’œuvres à une échelle tant locale, nationale, qu’internationale. Les trois étages du musée offrent aux spectateurs des histoires diverses, des voyages uniques, au travers de thèmes précis et de mises en scènes sciemment orchestrées. Chaque étage, chaque pièce, chaque pan de murs, réceptacles d’histoires dissemblables, sont l’occasion pour moi de vous présenter, ou de vous remémorer, les univers, les artistes, au travers des œuvres qui m’ont le plus marquée et de vous proposer en conséquence une vision toute personnelle du Musée d’Art Moderne et Contemporain de la ville suédoise d’Uppsala.

L’exposition Identity Bending, Katarzyna Kozyra

Exposée depuis le 27 janvier, l’artiste polonaise Katarzyna Kozyra, née en 1963, appartient à une génération d’artistes polonais qui s’exprime par la critique et questionne la société actuelle. Etudiante à l’Académie d’Art de Varsovie, elle obtient son diplôme en 1993. Très tôt, elle élabore un travail très personnel, ses projets mûrissent sur plusieurs années et impactent profondément la vie de l’artiste elle-même. Ses travaux se concentrent sur la nature des interactions entre les expériences corporelles, le genre qui nous est attribué, la manière dont se manifeste notre identité. Kozyra se détourne des attentes, des idéaux de la société.

Au-delà des critiques, elle propose des narrations nouvelles, divergentes aux mises en scène inventives. Ses premiers travaux sont essentiellement présentés au travers de médiums tels que la sculpture et la photographie ; elle commence à travailler sur des projets vidéos à la fin des années 1990. Le corps y est un élément central, toujours présent dans ses performances vidéos. Le corps idéal féminin est fréquemment représenté mais elle aborde également les différences « naturelles » acquises par la société entre les hommes et les femmes dans une vision « hétéro-centrée ». Le spectateur participe, il devient actif et se retrouve confronté lui-même à ses propres normes, ses propres frontières éthiques, morales.

L’exposition, intitulée Identity Bending, débute avec Men’s Bathhouse (installation de cinq téléviseurs avec son). Fascinée par l’environnement des thermes Gellért de Budapest, où vous pouvez vous baigner et vous promener nus tout en appréciant le superbe édifice de style Art Déco, elle réalise une première vidéo en 1997 où elle filme les femmes venues se relaxer. Men’s Bathhouse est réalisé en 1999 pour le pavillon polonais à la Biennale de Venise de la même année où elle est récompensée pour avoir montrée les différences entre les comportements des femmes et ceux des hommes.

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En 1996, alors sous chimiothérapie pour se soigner de la maladie de Hodgkin, elle réalise une série de photographies. Elle reprend notamment la pose de l’Olympia de Manet, oeuvre phare représentant une femme nue allongée. Provoquant, seuls de subtiles détails font deviner au spectateur qu’il s’agit d’une prostituée. En outre, l’artiste se représente de façon analogue, ne donnant que quelques indices sur sa maladie. Elle se filme également alors qu’elle reçoit son traitement par intraveineuse. Des mises en scène qui lui donnent l’impression de pouvoir contrôler la maladie et qui viennent rappeler au spectateur à la fois la prédisposition du « corps sain » comme norme et notre aversion pour notre propre mortalité.

 

 

 

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La performance II Castrato, de la série In Art Dreams Come True (2003-2008, 16 minutes), a été filmée au théâtre baroque Teatro di Villa Mazzacorati. La pièce jouée pose la question : le genre ne serait-il qu’un costume ? Elle met en scène des chanteurs d’opéra de l’époque baroque, les castrats, et a été présentée au festival gay Gender Bender à Bologne. Les castrats ont joué un rôle déterminant durant l’époque de l’Opéra baroque italien dû à leur impressionnante capacité vocale. L’interdiction de la pratique chirurgicale de la castration des chanteurs est promulguée au cours de l’année 1870.

 

Inspirée par la chanson What Are You Waiting For de Gwen Stefani, Kozyra explore les clichés qui entourent la masculinité et la féminité dans une vidéo intitulée Cheerleader, (2006).

 

 

A partir de l’année 2012, elle entreprend une série de voyages vers Israël dans le but de réaliser une série d’interviews sur les relations, variées et hétéroclites, qu’entretiennent un certain nombre de personnes avec le Messie, chacun ayant leur propre interprétation du croire. Elle y questionne les mécanismes de la spiritualité et de la foi. Looking for Jesus (2012-2018) permet à l’artiste d’explorer le corps d’un point de vue différent. Intercesseur, le corps agit tel un prisme par lequel les vies intérieures peuvent se refléter au travers de manifestations ponctuelles.

Katarzyna Kozyra est une artiste très engagée, passionnante, qui aborde des thèmes très actuels et dont le travail est très bien présentée par le musée. Une exposition à voir jusqu’au 4 avril http://katarzynakozyra.pl/.

L’exposition Grafik

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Idun Baltzersen, Don’t look now, 2014, gravure sur bois en contreplaqué

Dans un registre différent, le musée présente un ensemble d’œuvres sous le thème Grafik (graphique) qui laisse la place à des artistes plus locaux. L’exposition, débutée le 21 octobre, s’est terminée début mars. Parmi les œuvres se trouve celle d’Idun Baltzersen, Don’t look now. La jeune artiste, basée à Stockholm et Trondheim, explore les frontières entre l’artisanat et l’art, une artiste que je vous invite à suivre.

 http://www.idunbaltzersen.com/.

 

 

On découvre également des dessins de la ville d’Uppsala, des photographies, un ensemble de céramiques scandinaves de la manufacture Upsala-Ekeby (1886-1978). DSCN1068

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Des œuvres plus critiques sur la situation politique mondiale ou, plus particulièrement, celle de la Suède.

 

 

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Le peintre et graphiste suédois Sten Eklund dont vous pouvez admirer les constructions aux tracés précis, concis,  de ses cinquante-deux gravures colorées qui racontent l’histoire fictive d’un scientifique et les découvertes qu’il réalise au cours de l’année 1849.

 

 

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Toulouse Lautrec, Mademoiselle Marcelle Lender lithographie, 1895

Publiée pour la première fois dans la revue allemande d’art et de littérature Pan en 1895, on retrouve également le charmant buste de Mademoiselle Marcelle Lender (1862-1926) (lithographie), chanteuse et danseuse de renom, pour laquelle Toulouse-Lautrec vouait une admiration certaine.  Inspiré par les portraits des acteurs japonais de kabuki, il n’avait ainsi pas manqué de reproduire ce si beau visage qu’il aurait aperçu pour la première fois lors de sa performance pour Chilpéric. Captivé, il aurait été voir le spectacle une vingtaine de fois !

 

 

 

Né en 1859 à Lausanne et mort à Paris en 1923, le dessinateur, peintre, graveur, lithographe et sculpteur Théophile Alexandre Steilein est également présent. Arrivé à Paris en 1881 à l’âge de 21 ans, il s’installe au nord de la ville, à Montmartre, fief des artistes de l’époque. A la suite du vote de la loi sur la liberté de la presse en l’année 1881, les journaux, quotidiens et périodiques fleurissent, les posters et les affiches foisonnent et les milieux artistiques et littéraires s’épanouissent. La critique du capitalisme et des problèmes sociaux devient sujet de prédilection; un engouement nouveau auquel prendra part Steilein. Socialiste, défenseur de la classe ouvrière et des personnes marginalisées, il a régulièrement contribué au périodique littéraire et politique Gil Bras, dont nous retrouvons six affiches au musée d’Uppsala, au journal satirique Le Rire, au périodique marxiste Le Chambard Socialiste et de nombreux autres.

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Leur large publication redéfinie la réception usuelle de l’art et en conséquence change les traditionnelles hiérarchies artistiques jusqu’alors plébiscitées.  Son travail se présente comme un objet de résistance face à l’oppression. Il devient essentiellement connu à partir des années 1890. Il fréquente le cabaret Le Chat Noir où se mettent en scènes des artistes provocateurs aux chansons qui mettent en avant la classe ouvrière. Il rencontre au cabaret le chanteur et futur collaborateur et ami Aristide Bruant, qui aura un grand impact sur le travail de l’artiste, quelques années avant de réaliser en 1896 la fameuse affiche Tournée du Chat noir. Il représente à de nombreuses reprises l’animal, emblème du bohème par excellence. Montmartre est alors habité par de nombreux chats, libres de toute domestication bourgeoise, ils sont perçus comme une métaphore de ceux qui cherchent à s’écarter des normes bourgeoises de l’époque.

 

 

 

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Niki de Saint Phalle, My Love where shall we meet again ?, sérigraphie, 1969

 

On retrouve également une œuvre de l’artiste Niki de Saint Phalle (1930-2002), My Love Where shall we meet again ?  (sérigraphie) non loin de quelques œuvres américaines des années 1960. L’oeuvre est réalisée en 1969, quatre années après la création de sa première Nana.

 

 

 

Un pari réussi pour le charmant musée de la ville d’Uppsala qui propose aux spectateurs un ensemble d’œuvres aux thèmes et aux ères variées, des expositions constamment renouvelées pour le plaisir des spectateurs, sans oublier les nombreuses activités culturelles organisées par le musée qui viennent s’y adjoindre. Tack !
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Camille Janin


Pour plus d’informations : 

Musée d’Art d’Uppsala

Château d’Uppsala, Entrée E, 018-727 24 82

http://www.uppsalakonstmuseum.se

Mardi au Mercredi de 12h – 14h, Jeudi 12h – 20h, Vendredi – Dimanche 12h – 16h

18/06 – 12/08 ouvert tous les jours de 12h – 16h

Entrée gratuite

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