Alex Vizorek : interview avec une œuvre d’Art

Humoriste belge d’une trentaine d’année, Alex Vizorek a débarqué depuis quelques années dans le milieu humoristique parisien. Ingénieur et journaliste d’études, il a été diplômé du Cours Florent à Paris et s’est fait connaître depuis par des interventions à la radio et à la télé de plus en plus fréquentes, ainsi que son spectacle sur l’histoire de l’Art « Alex Vizorek est une œuvre d’Art ».

Cette année, son deuxième recueil de chroniques, « L’échappée belge » vient de sortir. Il écrit pour les Inrockuptibles, co-anime l’émission « Par Jupiter !» sur France Inter à 17h et a également une chronique hebdomadaire chez « Salut les terriens ! » et dans la Matinale de France Inter.

Ariane : Si je ne me trompe pas, tu en es à un spectacle, deux livres, un certain nombre d’apparitions télés et des chroniques radios innombrables, et après ?

Alex : J’aimerais écrire une pièce de théâtre, j’ai l’idée, j’ai le plan, mais je n’ai pas le temps. Je vais essayer de m’y coller trois semaines cet été. Je constate que j’arrive à écrire correctement 4/5 minutes ou une durée de sketch, mais sur ce qui est quelque chose de plus long, j’aimerais essayer.

C’est dans le pipeline, donc ça sortira, mais pas avant deux ans : j’aimerais écrire un scénario de bande-dessinée. Petit à petit, je vais essayer d’aller vers quelque chose de plus long, mais c’est déjà compliqué comme ça d’écrire quatre minutes qui tiennent la route. C’est juste pour changer d’exercice, non pas que j’estime que ce soit mieux ou moins bien, c’est pour varier les plaisirs. Effectivement, ça fait six ou sept ans que je fais des chroniques radios, quelque chose de plus long serait une suite assez logique.

Et enfin un deuxième spectacle, ça j’aimerais bien. A priori je devrai commencer à écrire cet été et peaufiner l’été d’après, donc ce serait pour 2020.

Quand tu as commencé le théâtre, tu te voyais déjà dans l’humour ?

Non, j’étais venu à Paris pour faire comédien. Enfin, je ne sais pas, potentiellement j’aimais déjà bien ce qui était drôle, mais je ne me voyais pas écrire moi-même. Pendant deux ans, ça me semblait normal donc j’ai continué à jouer, à n’être pas toujours très bon. Il y a des rôles où ça allait et d’autres où je voyais bien que ce n’était pas instinctif.

Ma dernière année au cours Florent, il y a eu cours de One-man-show. Je suis assez curieux comme garçon, je crois qu’il y aurait eu cours de danse claquettes j’y serais allé, mais j’étais tout de même content. On était obligé d’écrire et je me rendais compte que quand j’écrivais ça se passait plutôt bien. J’ai écrit un premier sketch que je suis allé jouer en scène ouverte. C’était sur la littérature japonaise. Puis j’ai commencé à écrire sur l’Art, la culture…

Avec trois sketches, je suis retourné voir la professeure, je lui ai dit que je voudrais bien qu’elle me mette en scène. Elle m’a répondu qu’il n’y avait que trois sketches et que si j’écrivais un spectacle complet elle accepterait. J’ai passé l’été à écrire, je suis revenu la voir à la rentrée et elle a dit oui.

On te demande souvent comment tu en es arrivé au théâtre, mais surtout, comment est-ce que tu en es arrivé au sujet de ton spectacle ?

C’est un petit peu parce que je menais la vie d’étudiant en culture. J’étais à Paris, on n’a pas beaucoup d’heures de cours, donc j’allais dans les musées, aux spectacles, au cinéma, dans le quartier latin… C’est un peu le monde qui m’entourait.

Un jour je suis allé voir Fabrice Lucchini en spectacle. C’était complet et j’ai constaté que les gens étaient vraiment prêts à rigoler avec des sujets plus pointus. Je me suis dit que je n’avais pas du tout l’art oratoire de Lucchini pour pouvoir parler de ces sujets, mais si je faisais un spectacle comique… De toute façon, quand les gens vont voir un nouveau comique, ils ne savent pas trop bien ce qu’il va raconter donc ils vont peut-être venir me voir moi et ils seront surpris que le sujet soit un peu différent. Il fallait que ce soit drôle par contre. Je ne pouvais pas moi-même avoir la prétention d’expliquer aux gens des choses alors que j’étais personne, Lucchini lui peut le faire.

Je suis aussi allé voir Thomas VDB qui avait un spectacle complet sur le rock’n’roll. C’était intéressant, parce que je me suis dit qu’on pouvait parler d’autre chose que son nombril. Lui, vraiment, il racontait le rock’n’roll, un peu comme je le fais avec l’Art d’ailleurs. Je me suis donc dit qu’on pouvait écrire dans ce sens-là.

Aujourd’hui, est-ce que tu as encore le temps d’aller voir des expos, des spectacles, des films etc. ?

Je le fais un peu avec une vision sur comment je vais le rentabiliser – ce que je me reproche d’ailleurs. C’est-à-dire, je suis allé voir l’exposition César parce que je savais que j’allais faire une chronique dessus et je suis allé voir la FIAC aussi pour la même raison. Quand je vais au spectacle, je le fais parce que l’invité vient dans l’émission [Par Jupiter ! sur France Inter]. Donc je consomme quand même encore beaucoup de culture. Je me suis forcé à aller voir The Square au cinéma, mais c’est l’un des seuls films que je suis allé voir pour rien. Je ne fais quasiment plus rien pour rien, mais bon c’est déjà pas mal. Je fais à peu près un à deux spectacles par semaine, un film, je survole quelques bouquins de temps en temps. Les expos, j’en fais trop peu.

Dans quelles conditions écris-tu ? Suis-tu un processus particulier ?

Ça dépend pour quoi. Par exemple les Inrocks, j’écris tout seul et je trouve ça important parce que quand tu dois défendre un propos écrit, il faut qu’il y ait un début et une fin et que tout soit de toi.

A la radio, pour tout ce qui est brèves et tout ça, je me fais aider. J’ai des gens avec qui je bosse qui m’envoient des idées. Après c’est moi qui fait le mélange final. J’aime bien prendre la comparaison du cuisinier, j’estime que j’ai plein de commis qui vont acheter les produits, qui préparent, qui coupent, après j’estime que c’est moi qui fait la recette, qui fait les plats… Et j’ai aussi des ingrédients à moi !

Pareil pour Ardisson [chez Salut les Terriens !], on bosse à plusieurs, on a des thématiques que je choisis. Eux bossent un peu de leur côté et c’est moi qui remet tout en place la veille.

Cette démarche prend combien de temps à peu près ?

Ça dépend quel sujet. L’émission, je dirais 3/4h. A moi seul, je veux dire. Les Inrocks, je le fais dans le train quand je dois voyager, donc peut-être 1h30/2h, plutôt 2h d’ailleurs. Chez Ardisson c’est peut-être 5/6h de travail, à moi seul, sans compter que tous mes auteurs font ça.

Est-ce que tu arriverais à décrire comment c’est d’être sur scène ?

C’est pour moi le moment le plus agréable. C’est chouette quand mes petits copains rient autour de la table à la radio ou que je reçois un tweet disant que ma blague était bonne, ou encore quand ma chronique est reprise par un journal. Tout ça c’est plaisant, mais rien ne remplace la scène quand cent personnes viennent te voir et qu’ils rient, quand tu comprends dans les cinq premières minutes que la soirée va être bonne – parce que normalement tu le sais. Même fatigué, il y a un truc, il y a une énergie partagée. Ça m’arrive moi le jeudi, j’ai Ardisson la journée, la radio, le soir on joue en région parisienne, je monte dans le taxi, parfois je dors une demi-heure, et arrivé là-bas, tout se passe super bien.

C’est un peu comme demander à Zidane ce que ça fait de marquer un but, tu peux imaginer un peu, mais il n’y a que lui qui sait. Attention je me compare pas à Zidane, mais c’est le genre d’émotion, si tu ne l’as pas vécue, tu la fantasmes un peu mais tu ne peux pas savoir. Et je souhaite à chacun de la vivre.

Il y a des fois où, à l’inverse, dans les cinq premières minutes, tu t’es dit que ça n’allait pas le faire avec ton public ?

Maintenant oui, enfin je ne me dis pas que ça ne va pas le faire. Je me dis qu’ils sont difficiles, mais avant c’était un problème. Quand tu commences et que tu vois que ça ne marche pas, l’instinct c’est d’accélérer. Là c’est la connerie monumentale, quand t’accélères, les gens n’ont plus le temps de rire, ils ont l’impression que tu veux vite te casser donc ils rient de moins en moins, toi t’accélères de plus en plus. T’es dans un cycle où tout le monde passe une mauvaise soirée. Ça ne m’est pas arrivé mille fois mais c’est hyper frustrant parce qu’eux ne sont pas venus pour passer une mauvaise soirée, toi tu n’es pas venu pour souffrir, comme dit la madame. Donc personne n’a réussi son coup. Ça fait partie de l’apprentissage.

Je le sais maintenant, quand le public n’est pas en forme, pour peu que je le sois, je peux les récupérer, je peux prendre le temps, je peux aller les chercher, je peux m’adresser à eux sans les vexer. Parce que quand tu débutes tu fais parfois la connerie de parler au public en disant « ben pourquoi vous ne rigolez pas ? » ou phrases du même style. Et en fait, s’ils ne rigolent pas, c’est parce qu’ils trouvent que c’est pas drôle et tu n’as pas à les engueuler, c’est de ta faute. Maintenant ça va, ça fait un bout de temps que je n’ai plus le souvenir d’une extrêmement mauvaise date.

Tu joues ton spectacle depuis combien de temps maintenant ?

Mis bout à bout, huit ans, mais parce que le titre n’a pas changé, il y a des ajouts. Maintenant en province il dure presque 2h, je raconte n’importe quoi, je discute avec les gens. A Paris, j’essaie de limiter à 1h40 parce que les parisiens ont tendance à décrocher après 1h10. Mais bon je crois que j’arrive à les tenir et je crois qu’ils passent un bon moment. De toute façon je ne vais plus les embêter longtemps puisqu’il ne reste plus qu’un dimanche à Paris.

C’est fini définitivement sur Paris ou juste pour le moment ?

C’est fini pour cette saison. Je pense qu’on va faire encore une ou deux dates d’adieux.

Du coup, est-ce qu’on en vient à se lasser de jouer après huit ans ?

Je crois que ça vaudra la peine qu’on me pose la question en mai, parce que je vais avoir trois gros mois, avec quasiment entre douze et quinze dates par mois, jusqu’en mai, donc quasiment un jour sur deux. Là ça fera peut-être beaucoup. En même temps, les salles sont complètes ou presque, ça fait toujours super plaisir de voir que les gens ont pris leur soirée et payé pour venir te voir. A priori, je ne crois pas que ça va me lasser.

Enfin, plagiat totalement assumé de ton émission Si tu écoutes j’annule tout ! sur France Inter, la question qu’on ne t’a jamais posé et que tu aurais voulu qu’on te pose ?

Je n’ai pas l’impression d’avoir très envie qu’on me pose certaines questions, en général les journalistes sont créatifs. Non en fait, la question qu’on ne m’a jamais posée et que je n’ai pas envie qu’on me pose, c’est sur ma vie privée. J’avoue, on ne me l’a jamais demandé et ça m‘arrange bien parce que j’aurais botté en touche. Je suis content parce que ça veut dire que mon travail est suffisamment prépondérant pour qu’on n’ait pas besoin de regarder ailleurs. Quand on interviewe un mec de la télé-réalité, tu n’as pas grand-chose à lui dire sur son travail donc c’est assez bien d’aller vite sur autre chose. Moi ce n’est pas le cas.

Propos recueillis par Ariane Da Cunha
Photo: copyright Mathieu Buyse

 

 

 

1 commentaire

  1. Je suis allé voir son spectacle et je tiens à le féliciter, il était très bon et surtout, ce n’était pas seulement un plaisir de rigolade, mais un plaisir de culture ! ce qui est très rare.
    Un merci à Alex et bravo pour ton interview.

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