L’exil dans l’art : La Chorégraphie Déplacement dansée par Mithkal Alzghair

L’exil dans l’art est un thème bien actuel. Cette situation prend forme dans de multiples périodes historiques et se décline aujourd’hui dans le monde entier. Revenons sur un des spectacles donnés par Mithkal Alzghair, chorégraphe et danseur syrien qui crée en 2016 Déplacement, un solo et un trio de danse rythmé et énergique abordant la question de l’exil.

Cet artiste qui est un chorégraphe et danseur syrien est né en 1981. Il étudie entre l’Orient et l’Occident en débutant ses études à l’Institut supérieur d’art dramatique de Damas, se spécialisant en danse classique et moderne. Il quitte la Syrie en 2010 où il dit : « la danse est peu développée et il est difficile de s’exprimer en tant qu’artiste chorégraphe. ».  Puis il s’installe à Montpellier où il réalise le master d’études chorégraphiques « ex.er.ce » au Centre chorégraphique National. Interprète pour différents chorégraphes, comme Marie Brolin-Tani, Xavier Le Roy et Christophe Wavelet, il a notamment collaboré avec la compagnie de théâtre italienne IN -Occcula pour le projet européen CRACK.

Cette œuvre chorégraphique, questionne la transmission et l’héritage dans ce contexte actuel d’exil.

Riche de force et de poésie, ce solo et ce trio nous transportent durant une heure, nous déposent devant les changements que subit l’exilé : le migrant syrien dans sa quête perpétuelle de stabilité. Un brassage de danses traditionnelles vient nourrir l’œuvre de ce chorégraphe. L’artiste, de cette manière, tente de comprendre leur processus de création par le biais des influences sociales et politiques.

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Ce titre de Déplacement, vient créer le contact avec le spectateur. Il l’interroge, le questionne face à l’actualité quelque peu cruelle et l’emmène faire l’expérience du terrain dans un souci d’authenticité et de beauté. Le Syrien surmonte les embûches et laisse-traîner des traces invisibles, abstraites, ses empreintes en une nuée d’ondes corporelles.

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Le corps syrien est en action dans l’espace qui l’entoure. Le changement de situation et le fait de quitter ses habitudes l’amène à se déplacer, vers de nouveaux territoires, des routes ou des chemins, des maisons ou des ponts. Il affronte physiquement, intellectuellement et émotionnellement la situation. Il épouse les courbes sinueuses de l’exil et repousse son sort. Les pas du danseur, d’une cadence infernale mais mesurée entraînent le spectateur dans un cheminement dynamique qui est la conséquence du danger, de l’incertitude, de l’urgence, de la fuite et de l’errance.

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Cette foulée rappelle une danse traditionnelle syrienne, nommée Depke, qui est réalisée avec les pieds.  Le corps, meurtrit par la guerre, se blesse et risque la mort. Pourtant, cette représentation montre un homme ou plusieurs hommes solidaires, qui s’animent ou s’immobilisent face aux circonstances qui peuvent affaiblir leurs états. La force leur vient de l’envie de survivre. L’espoir est le moteur de cette quête incertaine.

Le corps du Syrien gesticule et arpente la pièce, il tombe et se relève, résiste, avance et recule. Peu à peu, il retire ses vêtements, il renonce à toutes substances matérielles pour revenir à l’homme. A mi-chemin dans ce périple, l’accumulation se fait sentir, les mouvements deviennent plus effrénés et soudain le corps tombe comme une masse organique.

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L’éveil est lent mais il constitue dans ces quelques respirations frénétiques l’espoir d’un avenir radieux. Les bras se lèvent légèrement au-dessus de la tête, jusqu’à devenir des bâtons raides, où les mains se détachent en orbite au-dessus du corps. Les mains, qui ici viennent caresser le vide, invitent le spectateur à venir et font barrage à la violence. On arpente un univers empli de joies, d’expériences, qui retrace une identité, celle du migrant Syrien.

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Le rythme soutenu par les foulées et les sauts vient d’une recherche sur le patrimoine de la culture syrienne, ses traditions, son rapport avec le physique, sa transe, ses dynamiques et sa fréquence parfois frénétique. Le corps, ici objet d’expérimentations, est le récepteur d’un héritage reçu, vécu et grandi au travers des influences politiques, sociales et économiques. L’artiste décompose et recompose les empreintes d’une terre d’origine marquée par la déchirure.

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Premier prix du Concours Danse Elargie remporté en 2016, ce spectacle a été organisé par le Théâtre de la Ville à Paris et le Musée de la danse / CCN de Rennes et de Bretagne.

Actuellement en tournée en France, les dates se succèdent. Vous pourrez les retrouver :

Le 15 et 16 mars 2018 au Théâtre de Lorient, le 24 mars au TAP de Poitiers, le 6 avril au théâtre de Marcoussis et du 12 au 14 avril au Pôle Sud à Strasbourg.

 

Article écrit par Laëtitia Raawan. 

 

 

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