Les yokai et les mythes au travers des anime et des manga

Le mot yokai signifie couramment esprits, ces derniers peuplent les récits folkloriques du Japon. Ils apparaissent également dans les productions picturales, des estampes pour la plupart, qui remontent à des temps passés mais restent encore présentes dans les mémoires collectives par le biais de nouveaux média tels que les jeux vidéos, la bande dessinée japonaise ou encore par les multiples festivals traditionnels les mettant à l’honneur.

Ces créatures ne sont pas à confondre avec d’autres êtres fantastiques du folklore japonais comme les yurei, les fantômes asiatiques qui envahissent les films et les jeux vidéos comme Ju-on ou encore Ringu connus en Occident par les remakes américains The Grudge et The Ring. Ils ne sont pas non plus des Kami, les divinités japonaises que nous pouvons retrouver sur plusieurs estampes ou bien encore au travers des manga et jeux vidéos comme dans Okami qui est un parfait exemple d’un subtil mélange de mythologie écrite et de l’art pictural asiatique interagissant au sein d’un même média vidéo-ludique.

 

Histoire du yokai

Les monstres japonais appelés yokai remontent à des temps immémoriaux. Les premières traces de textes nous faisant mention de telles créatures nous viennent de Chine, dans un livre écrit durant le Ier siècle après J.-C. selon lequel un esprit hanterait la Cour impériale. Des mentions éparses se retrouvent aussi dans les textes en japonais ancien comme dans le Shoku Nihongi de 772 qui lui aussi nous parle des problèmes que les yokai ont causé à la Cour impériale japonaise, cette fois-ci durant un certain temps.

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Nouvelle édition du Shoku Nihongi

Ces écrits anciens sont relativement rares et leur langage les rend parfois difficiles à traduire de nos jours. Il faut toutefois remarquer qu’un synonyme à yokai, le terme mononoke est apparu dans des écrits du Moyen-Âge japonais.

Durant la période Edo, au XVIIIe siècle, un regard nouveau a commencé à être porté sur les yokai qui représentaient jusque là les maux que subissaient la population japonaise. En effet, ces créatures qui n’avaient jusqu’alors aucune vertu, se sont vues attribuer de nouvelles caractéristiques modifiant partiellement voire totalement la vision que l’on pouvait se faire de tels êtres chimériques. C’est par le biais de nouveaux contes ainsi que de réinterprétations de textes et légendes préexistantes que ces transformations se sont opérées. Elles sont venues compléter des travaux philosophiques qui, dès 1788, questionnaient l’essence même des yokai qui n’étaient alors que la manifestation de la peur de l’inconnu.

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Un Kasabake

De nombreux esprits ont été créés durant cette période comme le Kasabake, un parapluie possédant un œil et pouvant se déplacer à l’aide d’une jambe unique. Un autre élément qui amène au changement de mentalité concernant les esprits réside dans leur représentation par de nombreux artistes de ukiyo-e, un type d’estampe japonaise. De célèbres artistes tels qu’Hokusai ont permis de découvrir le visage de ces créatures parfois aux traits caricaturaux. Par ce biais, il est même arrivé que des yokai soient considéré comme des divinités à l’instar du kitsune qui s’est vu associé à la divinité shinto Inari.

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Un Kitsune et Inari

Dès la restauration de Meiji en 1868, un déclin dans la croyance des yokai s’observe dans les différentes sphères de la société japonaise. La culture classique a été dévalorisée au profit des nouveautés occidentales et de nombreux contes, chants et écrits relatant les faits légendaires de créatures chimériques ont été perdus. Au même moment, un nouveau mouvement de création d’êtres spirituels et de divinités s’est enclenché par l’intermédiaire de l’occidentalisation du Japon avec par exemple l’arrivée des shinigami, divinités de la mort qui ont été inspirées du livre des frères Grimm Godfather Death.Depuis, ils font partie à part entière des croyances japonaises qui ont été sauvegardées grâce au travail de nombreux folkloristes.

 

Le yokai reste encore de nos jours un élément important de la culture japonaise qui est de plus en plus véhiculé par lintermédiaire des nouveaux médias. Ces créatures de légendes qui étaient alors seulement visibles au sein du Japon commencent peu à peu à nous être familiers par le marché asiatique télévisuel, les manga et vidéo-ludique ainsi que par les arts picturaux comme la photographie avec par exemple le travail de Charles Fréger.

L’importance des médias

À l’instar des Grecs et des Romains qui nous ont laissé leurs mythes et histoires sur des écrits que nous pouvons encore, de nos jours, retrouver retranscrits en librairie ou au cinéma sous forme de films, les Japonais ont également pérennisé leur culture par la littérature et le multimédia.

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La princesse Fuji dans Harukanaru Toki no Naka de

Pour les plus âgés, de nombreux romans s’inspirent de yokai et autres créatures peuplant des mondes oniriques réunissant le sacré et le spirituel. Des personnages tels que la Tamayorihime que nous pouvons écrire sous la forme de princesse Tamayori, est une légende narrant les aventures de cette jeune femmedestinée à sauver le monde des êtres des ténèbres en sacrifiant sa vie. D’autres personnages comme la Fujihime, la princesse Fuji qui combat les yokai et autres créatures avec pour compagnons d’arme huit chiens possédant chacun une vertu différente. La dernière princesse que nous pouvons citer du folklore littéraire est la Kaguyahime, une jeune fille qui va vivre mille épreuves pour aller vivre sur la Lune. Toutes ces femmes mythologiques ont côtoyé durant leur voyage différents yokai parfoispacifistes parfoisbelliqueux qui accomplissent des exploits.

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Kaguya dans Le Conte de la princesse Kaguya

Les plus jeunes quant à eux peuvent certes retrouver de telles légendes à partir des livres qui content de mille et une manières ces aventures mythiques du passé mais ils sont aussi l’audience majeure des films narrant de tels récits. En effet, les yokai font partie intégrante de nombreuses œuvres qui sont parvenues en Europe et dans le reste du monde par l’intérêt croissant qui est porté à cet art télévisuel. Il n’est pas étonnant de nos jours que les jeunes français puissent parfois conter les péripéties de héros côtoyant des créatures étranges partiellement ou totalement inspirées des yokai japonais.

 

Les films du studio Ghibli comme Princesse Mononoke, Pompoko, Le Voyage de Chihiro ou Le Conte de la Princesse Kaguya abordent la thématique des esprits tout en la rendant suffisamment compréhensible pour que même les néophytes en folklore japonais puissent en comprendre les bases et profiter du film. Mais bien d’autres studios en ont fait de même par la télévision. Il n’est pas rare de trouver des yokai dans les animés produits au Japon. Une partie nous parvient facilement via les éditeurs tels que Kazé, Viz Média ou par le passé avec le groupe AB qui a collaboré avec de nombreuses chaînes télé françaises comme TF1 pour créer des programmes tels que Le Club Dorothée. Ces animés de plus en plus sollicités par les audiences sont un moyen simple mais efficace de montrer des récits anciens remis au goût du jour en modifiantquelques aspects de la légendeou bien en créant de toutes pièces de nouvelles histoires faisant intervenir les yokai.

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Tamaki alias la Tamayorihime dans Hiiro no Kakera

Pour citer quelques exemples, les aventures de Tamaki dans Hiiro no Kakera est une réadaptation de la légende de la Tamayorihime pour un public jeune à majorité féminin, tandis que les œuvres Hakkenden ou Haruka naru toki no naka de dit en français Haruka : La légende des huit gardiens ont crée de nouveaux personnages tout en évoquant de ci de là des références à la Fujihime et à ses gardiens chiens. En effet, la référence dans le premier est visible par les divers personnages qui possèdent le symbole inu dans leur nom, mot japonais signifiant « chien ». Ces canidés sont bien plus abstraits dans le deuxième exemple puisque les gardiens qui apparaissent dans l’œuvre sont au nombre de huit, tout comme les animaux de la princesse Fuji qui est aussi présente dans Haruka comme une aide de la protagoniste. Il en va de même pour les manga, les bandes dessinées japonaises, qui recèlent de multiples hommages aux yokai comme Nura : Le Seigneur des Yokai,Le Pacte des Yokai ou bien encore The Demon prince and Mochichi qui nous entraîne au cœur même de péripéties vécues par ces créatures qui ne sont plus aussi hostiles que par le passé mais bien des protecteurs voire lesprotagonistes de l’aventure. Mais restés dans une optique plus traditionnelle, il n’est pas rare que des éléments ou bien des personnes les craignent et veulent les conjurer.

 

Dans le monde des jeux vidéos, les yokai pullulent aussi comme au travers du célèbre Yokai Watch qui fait fureur auprès des jeunes en ce moment et qui apporte un bestiairetrès étoffé, bien qu’il ne soit pas le seul à aborder les thèmes du folklore japonais. L’un des plus récents qui réussit à mélanger des mentalités occidentales et orientales dans un environnement du Japon médiéval est Ni-oh mais celui qui nous apporte le plus la sensation de dépaysement et de contemplation reste Okami. Premièrement, il nous montre un environnement évolutif avec des traits à l’encre de Chine qui permet la mise en place d’un gameplay style estampe qui reste unique ou presque. Deuxièmement, nous sommes transposés dans un temps incertain où les yokai demeurent le point central de l’intrigue. La thématique de la purification qui est presque indissociable des manga et autres médias sur les créatures mythiques est très présente et nous amène à notre dernière partie, la sacralité et la religion.

 

Les yokai et le sacré

Comme nous l’avons déjà constaté, les yokai ne sont pas des divinités mais bien des créatures spirituelles qui se trouveraient dans notre monde mais que nous ne pourrions percevoir. C’est en effet ainsi que de nombreux textes et médias nous les véhiculent de nos jours et seules certaines personnes auraient la possibilité de ressentir leur présence ou encore les voir.

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Les gardiens, l’héroïne et l’antagoniste principal de Harukanaru toki no naka de

Les esprits étaient par le passé clairement maléfiques et tout ce qui paraissait étrange devait être éliminé, les maux étant uniquement causés par les yokai. C’est cette mentalité qui resurgit beaucoup dans les aventures de Harukanaru toki no naka de avec tout le monde qui réagit violemment à l’arrivée des protagonistes venant d’un autre monde et qui possède une couleur de cheveux et de pupille différentes. Ils sont tout de suite appelés oni l’un des multiples yokai qui hantent les contrées japonaises. Un comportement presque identique, une forte hostilité des humains vis à vis de ce qui est différent des leurs dans l’animé Tokyo Raven qui se nous apporte l’une des solutions les plus pratiquées à l’encontre des êtres spirituels, à savoir la purification. En effet, les termes en lien avec la conjuration des âmes sont monnaie courante lorsqu’il s’agit pour l’homme de renvoyer les yokai dans le néant pour certains tandis que d’autres pensent qu’il existe un monde qui n’appartient qu’à ces créatures. Ces différentes visions peuvent nous être montrées dans Inuyasha pour la première tandis que dans XXXholic la deuxième option est de mise. Il est tout à fait normal pour les humains de vouloir faire disparaître ces créatures qui hantent les estampes d’Hiroshige ou d’Hokusai qui illustrent très bien des cas de possessions ou d’attaques des yokai.

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Inuyasha et Kagome

De nombreux hommes de foi, en lien avec la religion bouddhique peuvent être chargés de repousser « le mal », l’essence même des yokai pour certains. Mais la religion majeure des japonais reste le shintoïsme qui dérive des préceptes bouddhiques étant arrivés avec le thé et ses cérémonies de Chine durant le VIIIe siècle. Les shinto peuvent se servir des onmiyoji, que nous pouvons traduire par exorciseurs, pour annihiler les yokai. Ces derniers se servent de mantra et de symboles religieux tels que les talismans ou encore les chapelets pour combattre les esprits. Mais il existe d’autres personnes pouvant jouir de la possibilité de se défendre et de purifier, à savoir les prêtres et les prêtresses, nommées Miko. Elles pourraient être comparées à des Vierges ou à des Saintes ayant la capacité d’apporter la lumière. Ce sont elles les principales personnes qui apparaissent dans les divers écrits, manga et animés lorsqu’il y a l’intervention de yokai. En effet, que ce soit Kagome dans Inuyasha, la princesse Tamayori dans l’œuvre originale ou dans ces versions remaniées comme Hiiro no Kakera, ces jeunes femmes apportent protection pour les hommes qui sont avec elles et conjuration des esprits. Il en existe bien d’autres qui les rattachent aux divinités locales.

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Ran, Akane et Akram de Harukanaru toki no naka de

Un parfait exemple reste Akane, la protagoniste de Harukanaru toki no naka de qui est le vecteur du Dieu Dragon ou Dragon Blanc, l’incarnation du Yin. Le shintoïsme est très proche des différents éléments naturels ainsi que des valeurs de la complémentarité entre idéal et réalisme, symbolisée par le Yin et le Yang. Il existe même des médias qui allient les religions occidentales aux shinto pour combattre ces entités alors assimilées aux démons bibliques et coraniques. Les derniers êtres qui s’adonnent à purifier les yokai sont les kami eux-même comme peut le montre Yatogami, le dieu Yato, et Bashomon dans Noragami.

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Yato

Pour se défendre contre les esprits ainsi que pour les vénérer s’il s’agit de yokai bénéfiques comme les kitsune qui servent parfois la divinité Inari, desrituels et des festivals se répartissent dans les différentes régions du Japon à des moments différents de l’année. Ces derniers peuvent être fictifs comme ceux montrer dans Higurashi no kaku koro ni et son « festival des démons » mais bien d’autres sont réels comme peuvent le montrer l’O-bon, la fête des morts japonaise se déroulant en août.

Conclusion

Les yokai restent encore de nos jours des créatures qui nourrissent les média littéraires et audiovisuels du Japon. Ils ont durant longtemps alimenté les légendes et les contes japonais, certains étant la création ou la réinterprétation de productions préexistantes nourrissant de plus en plus le folklore du pays. La vision que l’homme se fait de telles créatures varie selon l’auteur, les rendant tantôt bons tantôt maléfiques, mais ils restent en lien avec les religions populaires japonaises ainsi qu’aux divinités s’y rapportant. Les festivals les honorant ne sont pas rares, permettant de perpétuer un folklore populaire qui pourrait se perdre sans les médias actuels.

Article écrit par Andres Camps

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