Call me by your name ou quand l’amour grandit au soleil

Il fallait bien attendre la fin de la frénésie des Oscars pour réfléchir sereinement à ce film de Luca Guadagnino, adapté du roman d’André Aciman. Comme de coutume, le monde du cinéma a cherché nouveauté et « sang neuf » comme on a parfois pu l’entendre et les acteurs ont fait le tour des plateaux de télévision. On a crié au génie, au chef-d’œuvre. Que faut-il en tirer ? Ne disons pas « en penser » car nous ne saurions trop vous conseiller de regarder ce film pour vous en faire votre propre opinion. Florilèges se permettra néanmoins d’ajouter son petit commentaire à la longue liste de critiques qui l’ont précédé.

Commençons par un résumé de l’intrigue. Nous sommes à l’été 1983. La famille Perlman composée du professeur Perlman, de son épouse, Annella et de leur fils, Elio sont en vacances dans leur vaste maison du nord de l’Italie. Chaque année, cette famille intellectuelle et polyglotte passe la saison estivale dans cette demeure où elle accueille un étudiant qui passe l’été avec eux tout en aidant le professeur Perlman dans ses recherches. Cette fameuse année 1983, la famille invite un certain Oliver, étudiant américain de vingt-quatre ans. Le jeune fils du couple, Elio, adolescent de dix-sept ans, grand lecteur, mélomane à l’image de ses parents, ne semble guère enthousiaste à l’idée d’abandonner sa chambre à ce nouvel arrivant. Mais les jours passant, l’agacement laisse la place à l’attirance, au désir et à l’amour alors que les deux jeunes hommes se rapprochent pour vivre une idylle passionnée le temps d’un été.

Le suspense est insoutenable, alors nous vous donnons tout de suite notre avis car il est tranché… Ce film est incroyable ! En sortant de la salle de cinéma, nous voyons les spectateurs pleurer, sourire, Call me by your name est un déluge d’émotions qui vous prend et ne vous lâche plus du début à la fin. Nous ne pouvons faire autrement que nous identifier à ces deux protagonistes, à leur doute, leur amour débordant mais aussi à leur peine et nous finissons par ressentir un sentiment ambigu à la fois d’étrange nostalgie et de singulière envie d’été, de soleil et d’Italie. Le personnage d’Elio est particulièrement touchant. Cet adolescent de dix-sept ans découvre l’amour, le désir mais aussi la tristesse qui accompagne l’amour et cette submersion d’émotions qui est la sienne est aussi la nôtre. Nous comprenons que ce jeune garçon est en train d’entrer dans l’âge adulte et nous ressentons aussi bien son excitation que sa peur. Le film oscille entre scènes de maturité sentimentale et n’ayons pas peur des mots, sexuelle, pour tout de suite contredire cela par une vision de tendresse parentale qui rappelle que le personnage est encore au seuil de l’enfance. C’est aussi ce qui fait la richesse de ce film : il joue avec nos nerfs et nos émotions en basculant de l’un à l’autre, de l’enfance à l’âge adulte mais aussi du sexe à l’amour. L’un et l’autre sont indissociables car ils se suivent et se confondent, chaque scène d’intimité physique trouve immédiatement son aboutissement émotionnel chez les personnages.

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Et si en cette période de fin d’hiver et de commencement du printemps, il vous fallait encore une raison de souhaiter le retour des beaux jours, alors regardez Call me by your name. Ces images d’une Italie baignée de lumière solaire, à la chaleur sensible et aux paysages luxuriants sont intrinsèquement liées à la naissance et à l’épanouissement de l’amour entre Elio et Oliver. La tranquillité des sentiments et de l’amour grandissant est celle du chant des oiseaux, du doux vent dans les feuillages et de la douce lumière d’été. A l’inverse, les pluies orageuses de la saison estivale coïncident avec le doute des personnages quant à la déclaration et la moralité de leur amour, comme l’illustre cette phrase magnifique issue de l’Heptaméron : « Vaut-il mieux parler ou mourir ? ». Quant aux chutes d’eau furieuses des cascades, elles apparaissent à l’évidence comme des métaphores de la fougue amoureuse, de l’impétuosité du désir et du bonheur de se sentir aimé. Enfin, les chutes de neige semblent faire entrer le paysage et l’amour avec lui en hibernation avant qu’un bourgeon ne se reforme, signe d’espoir et de renouveau. « Qu’est-ce que l’on fait ici l’été ? » demande Oliver. « On attend que l’été se termine » rétorque Elio et au tour d’Oliver de répondre : «  Et que fais-tu l’hiver ? Attendre que l’été vienne ? ». Cette phrase traduit l’idée cyclique du temps que nous montre le film. L’amour grandit et fleurit puis sommeille, à la manière de la terre et du monde végétal au fil des saisons. L’amour palpite, grandit et chute, c’est une histoire de la vie. Ce cycle que traversent les personnages les change, en particulier Elio qui mûrit et devient un homme grâce à l’amour.

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Ce film est aussi une histoire d’érudition. Il regorge de culture, d’art, de littérature. La musique accompagne les sentiments tantôt tourmentés ou épanouis des protagonistes. Les vestiges de sculptures de bronzes grecs hellénistiques sont des échos des corps nus des amants exaltant le désir, tandis que les fruits sont des métaphores d’une envie de l’autre irrépressible et de la tentation. Quant aux langues parlées, les personnages passent de l’anglais à l’italien et de l’italien au français, montrant que ce à quoi nous assistons est une histoire universelle, celle d’un amour sans frontière.

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Finissons par l’essentiel : ce film est un formidable encouragement à aimer. Il nous enseigne à ne pas restreindre nos sentiments car ils prouvent que nous sommes vivants, ils nous forment et constituent ce que nous sommes. L’amour nous interroge sur nous-mêmes puisqu’il est une affaire de complémentarité. Nous sommes amoureux d’un être qui nous apporte ce que nous estimons nous manquer et cette chose est justement ce que nous chérissons chez lui, tel un trésor précieux qui nous appartient. C’est une affaire de miroir dans laquelle les deux amants se fondent l’un dans l’autre et les noms n’ont alors plus d’importance. Ainsi, quel plus beau titre pour ce film que Call me by your name et quelle meilleure conclusion pour cet article que cette phrase de Montaigne : « Parce que c’était lui, parce que c’était moi ».

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