L’exposition « Envisagées » d’Olivia Gay à Pau

Du 24 mars au 26 mai, le Parvis de Pau présente « Envisagées ». En parallèle, la même exposition a lieu à la Maison européenne de la Photographie, jusqu’au 20 mai. Ces photographies, prises par l’artiste Olivia Gay, montrent des femmes au travail ou dans la vie de tout les jours. Les modèles apparaissent belles, humaines et authentiques.

Olivia Gay vit et travaille en Normandie et à Paris. Elle a commencé la photographie très jeune, vers l’âge de 15 ans. Cette passion vient de sa mère qui a toujours été attirée par les belles femmes, les actrices et les gravures de mode, et a même fait un book. C’était son trésor, qu’elle regardait et montrait aussi souvent que possible. Marquée par cela, Olivia a donc choisi d’immortaliser les femmes à contre-courant de celles que vénérait sa mère.

Elle a commencé par suivre des cours d’histoire de l’art à l’Université de Bordeaux puis est partie aux États-Unis pour suivre des cours de photographie à la New England School of Photography de Boston, avant de revenir en France pour étudier à l’École Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles. Dès 2001, elle a commencé à exposer dans la monde entier, comme au Musée National d’Anthropologie de Madrid, à la Galerie du Château d’Eau à Toulouse, à la Pinacoteca Nazionale de Bologne ou encore à Rio de Janeiro, au Centro Cultural Correios.

Son travail a très vite été reconnu par ses pairs en recevant plusieurs prix et bourses comme le Prix Kodak avec une mention spéciale du Jury, le Prix Web ou plus récemment le Prix Henderiks. Olivia Gay est également professeure de photographie (histoire et techniques) à la Sorbonne.

Pendant une dizaine d’années, la photographe a travaillé pour des journaux français et américains, comme Libération ou le New York Times.

Au cours d’un voyage à Cuba, elle  commencé à s’intéresser aux prostituées cubaines, les Jineteras. Mais Olivia ne voulait pas les montrer dans leur activité, les dégrader ou les juger. Non, elle voulait au contraire les montrer comme des femmes qui ont une famille,  des émotions et qui sont des êtres humains dignes d’exister. Au Parvis, nous pouvons voir Yuleisy dans son fauteuil rouge qui montre une belle femme dans sa maison, assise sur un fauteuil rouge.

Yuleisy, Havana Vieja, 1998- 60x90cm
Yuleisy dans son fauteuil rouge

Le regard est directement conduit sur la femme tout en laissant l’environnement autour structurer le reste de la pièce, notamment grâce au sol à motifs géométriques. La composition de cette photographie est très picturale, mêlant le rouge du fauteuil et du pantalon ou le blanc des rayures au T-shirt de la demoiselle. Ce travail reflète parfaitement la démarche d’Olivia, un travail intuitif nourri par l’instinct et qui va impacter ou solliciter le regard de l’autre.

Au dessus de Yuleisy se trouve la photographie d’une femme plus âgéeDona Lourdes, montrée une nouvelle fois avec dignité et respect. Elle est vêtue d’habits rituels, propres à des communautés brésiliennes. A elle seule, cette photographie illustre parfaitement la série « Madone de Bahia » à laquelle elle appartient.

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Dona Lourdes est sur la gauche, en haut de l’image
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Vidéo sur Olivia Gay et son travail

Ces images ont été placées non loin d’une vidéo dans laquelle Olivia explique sa démarche de photographe et présente ses différentes séries. Elle y parle de sa mère et de l’impact que cette dernière a eu sur son travail, mais aborde aussi les longues années de travail qui ont été effectuées sur chacune des séries. 7 ans. C’est le nombre d’années nécessaires à l’artiste pour développer chacun des concepts qu’elle veut présenter. 7 ans avec les femmes prostituées (Cuba, Argentine, Brésil, France), 7 ans avec des Sœurs et bientôt 7 ans en maison d’arrêt.

Avec sa série « INMATES », Olivia a voulu montrer des femmes qui sont détenues dans les maisons d’arrêt de Caen et de Rouen. Contactée par le Centre Photographique de Rouen pour exposer quelques unes de ces photographies à l’intérieur de la maison d’arrêt, elle a alors été sollicitée pour animer un atelier de photographie. En côtoyant ces femmes détenues, elle a appris à les connaître et à leur parler. La caractéristique qui ressort des images d’Olivia, c’est le visage caché. En effet, elle n’avait pas le droit de montrer cet élément primordial d’identification. Cela respectait également ces femmes en les laissant dans l’anonymat.  Chacune des détenues se cache de manière différente, en jouant avec un foulard ou avec leurs cheveux, en utilisant des serviettes de toilettes ou bien en se costumant. C’est ainsi que ANTONIA, ZIVA et VIDA peuvent s’exprimer.

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ANTONIA est visible sur la droite

La première, vêtue d’habits aux couleurs chatoyantes, ressort sur un fond noir. D’un geste sensuel, elle fait bouger sont voile pour qu’il ne laisse entrevoir que son œil droit. La deuxième joue les top model en utilisant sa belle chevelure pour cacher son visage. Ses mouvements mettent en avant sa confiance, en opposition avec VIDA. En effet, cette dernière est photographiée en mettant en avant son bras tatoué : « Live strong ». « Vit fort ».  Ce geste traduit une certaine peur de la jeune femme qui semble plus toucher ses cheveux pour se rassurer.

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Grace, Johanna et Lili, détenues

A côté, un triptyque montre trois autres jeunes détenues qui ont décidé de se faire photographier vêtues des pyjamas que les maisons donnent à leur arrivée.

À côté de cela, Olivia, lors de ses ateliers, a amené des carnets, des magazines, des stylos, et tous ces éléments ont fait naître les Carnets des détenues qui sont également exposés à Pau.

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Carnets des détenues

Le Parvis a également la chance d’exposer quatre portraits de femmes : la détenue en costume d’opéra, une sœur priant ainsi que deux femmes qui habitent le quartier du Mirail à Toulouse.

La première, la femme en rouge, porte des habits qui peuvent rappeler les tenues bouffantes des nobles de l’ancien temps, avec de la dentelle. Malgré son air craintif, Lili en costume d’opéra nous révèle toute sa sensualité avec son épaule dénudée ainsi qu’un jeu entre l’éventail en plume de paon et l’œil de la demoiselle.

Lili en costume d'opéra, série La vie est belle, Maison d'arrêt de Caen 2016
Lili en costume d’opéra

Cet ensemble peut faire penser aux portraits du peintre Giuseppe Arcimboldo, au XVIe siècle. Puis, les femmes du Mirail. Olivia a d’abord essayé de photographier ces femmes au grand jour mais elle a eu de nombreux refus, provenant des femmes ou bien de leur famille (mères, époux). Elle a donc demandé à une association de lui mettre un mur à disposition pour créer un fond neutre, et a ensuite fait passer le mot dans la quartier. Les femmes qui ne voulaient pas se faire photographier dehors sont peu à peu venues d’elles-mêmes et c’est ainsi que la série « Mirabilia » a vu le jour.

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Karima est légèrement visible en arrière-plan, sur la droite

Nous avons par exemple Karima, prise de trois-quart, qui porte un foulard aux motifs contemporains mais aussi Hannah vêtue d’une parure à fleurs plus traditionnelle et qui fait immédiatement référence à la Jeune fille à la perle de Johannes Vermeer. Ces deux femmes se dévoilent à nous tout en montrant leur appartenance à la communauté musulmane.

Le dernier portrait, celui de la Sœur Priant tiré de la série « Ora & Labora », nous plonge dans l’une des cellules de ces femmes d’église. Cette photographie a été prise durant une méditation et nous montre une sœur au regard perçant qui ne semble pas regarder au loin mais, plutôt, au plus profond d’elle-même. La jonction des deux pouces forme un cœur renversé vers le ciel, un geste poétique qui symbolise sa foi mais aussi sa volonté de méditer en toute quiétude. Le plus remarquable, c’est peut-être le détail du téton qui pointe et qui montre que son corps réagit toujours malgré que sa pansée soit ailleurs. Cette sœur illustre parfaitement la connexion entre la religion et le sacré mais montre surtout la figure de la femme qui est ici sacralisée.

L’autre photographie de cette série exposée au Parvis est une sœur, immortalisée elle aussi en pleine prière, au centre d’une pièce sombre. Elle est uniquement éclairée par un intense rayon de soleil, qui participe à la mettre en valeur mais qui rapproche aussi cette composition d’un tableau de Delatour ou de Zurbarán. Absorbée, elle oublie entièrement le monde qui l’entoure.

Cette photographie sert d’introduction (ou de conclusion selon l’itinéraire qu’emprunte le visiteur) au mur intitulé « Absorption – Absence », mis en place par Marc Bélit, le commissaire d’exposition. En plus de la Sœur, quatre autres clichés montrent des femmes au regard vide et lointain. Certaines semblent aliénées par les tâches qu’elles sont contraintes d’effectuer comme la jeune fille de l’usine de l’Aigle. Cette dernière est absente à elle-même, et la répétition de ses gestes mécaniques lui permettant de s’évader par la pensée.

Sabrina, ouvriËre sur fond gris, 2009_80x120cm
Sabrina, ouvrière sur fond gris

Dans le même ordre d’idée, nous avons la dame cousant qui fait écho à la Raccommodeuse, l’une des rares photographies d’Olivia Gay à avoir été théâtralisée. En effet, l’artiste a demandé à l’ouvrière de sortir de sa salle de travail remplie de machines. Le fait d’installer la femme dans une zone aérée à permis à Olivia de mettre en valeur l’ouvrière et la longue traîne rouge qu’elle est en train de raccommoder.

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La Raccommodeuse est au premier plan

Pour finir sur le pan de mur intitulé « Absorption – Absence », une veille femme regarde au travers de sa fenêtre avec un air mélancolique et profond. La grand-mère Othmana évoque l’absence de soi et la remémoration des moments passés. Cette femme palestinienne a été chassée de ses terres en 1948 et est arrivée dans le camp de réfugié Quadoura, près de Ramallah, où elle vit toujours.  Elle a été blâmée par ses propres pairs, ce qui paraît incohérent et surréaliste. Elle est photographiée dans sa chambre à coucher, en dessous de l’appartement où vit sa famille. Sa petite-fille, Worood,  a été photographiée au moment où elle regardait son téléphone, à genoux sur son canapé. Cette image sert d’introduction au mur qui peut être intitulé « Film de la femme ». Rassemblées telle une bobine de film, les sept photographies présentent des femmes dans diverses activités du quotidien ou au travail. Certaines sont assises, d’autres debout, toutes racontent quelque chose d’universel. Par exemple Marie pose avec sa main sur son cœur, telle une statue antique, et son regard semble tendre vers l’avenir. Une employée en tablier rouge sur fond gris montre, elle, une certaine inquiétude qui se traduit dans son regard et dans ses gestes. Gleice montre des traces de larmes restées fixées vers l’avenir. Marina, résidente au Palais de la Femme, regarde tendrement des photos.

Le dernier pan de mur, situé à droite de l’entrée, est composée de trois photographies. Aux extrémités, deux images montrent des femmes allongées, telles des Odalisques, tandis que la photo centrale permet de simuler une perspective. DSC_0018Cette photographie montre une femme, de dos, dans une ville brésilienne encore embrumée. La figure féminine, placée au centre, permet de créer un effet de profondeur. Les motifs de vagues dessinés au sol permettent de donner du mouvement à l’image. De part et d’autre, nous trouvons les deux maliennes allongées, qui, ont été photographiées en 2008, à l’occasion d’une mission pour « Action contre la faim ». C’est lorsqu’elle a décidé d’installer le campement au sein même du village, qu’un nouveau regard lui a été porté, un regard qui dépassait la relation de « visiteuse blanche ». Elle a pu réaliser un atelier de photographie avec les habitantes tout en réalisant quelques portraits des habitantes.

En conclusion, ce travail « philo-photographique » questionne à la fois l’existence de l’homme et de la femme, tout en brisant les codes du genre pour faire réaliser au spectateur que nous sommes tous des êtres égaux, qui avons tous notre place dans ce monde.


Pour en savoir plus

Pour plus d’informations, n’hésitez pas à vous procurer le catalogue d’exposition Envisagées qui est édité par le Château d’Eau de Toulouse.

Article écrit par Andres Camps

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