Quand les cheveux s’exposent : « Cheveux chéris, frivolités et trophées » à l’Abbaye de Daoulas

Du 15 juin 2018 au 6 janvier 2019, l’Abbaye de Daoulas (29) propose d’explorer les usages liés à la coiffure à travers l’exposition « Cheveux chéris, frivolités et trophées », qui avait été créée en 2012 par le Musée du quai Branly-Jacques Chirac.

Dans presque toutes les époques et les cultures, le cheveu est bien souvent au centre des attentions esthétiques. Avec sa diversité de textures, de longueurs, de couleurs, la chevelure humaine permet de façonner une image, et ainsi devenir un marqueur social, un moyen d’expression et de communication. Le cheveu est un élément corporel personnel, intime, mais paradoxalement, il est bien souvent exposé à la vue de tous, et devient donc un objet social. Selon Yves Le Fur, commissaire scientifique de l’exposition, « Le sujet universel traverse les cultures européennes et non européennes. En explorer les métamorphoses révèle des aspects inattendus et complexes de la légèreté et de la gravité des hommes. »

« Cheveux Chéris » explore ainsi le vaste sujet du cheveu et de la coiffure, entre « frivolités et trophées » comme l’annonce le sous-titre de l’exposition. Ne s’arrêtant à aucune borne spatio-temporelle, l’exposition propose un dialogue entre les différents usages capillaires, et souligne ainsi les différences, mais surtout les ressemblances, entre les cultures. En se basant sur des objets variés – peintures, sculptures, photographies, objets, supports multimédias – , « Cheveux Chéris » multiplie les points de vue, évitant ainsi de tomber dans la simple curiosité ethnocentrée.

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Photographie de Maurice Teissonnière – Femme Merina en deuil, 1880-1909

La première salle propose au visiteur un aperçu des diverses pratiques capillaires autour des notions de « longs/courts/rasés ». Le cheveu est ici vu comme un matériau d’expression, permettant à un individu de définir sa place dans la société, en respectant la norme ou en la contestant. Le cheveu contribue à établir une identité visible au premier coup d’œil : par exemple chez les femmes Merina de Madagascar, lors du deuil la veuve ne peut se laver durant la première année suivant le décès de leur époux. En portant des habits déchirés, et en laissant leurs cheveux négligés, emmêlés, le statut de veuve est visible par tous. Dans cette même salle, une vidéo juxtaposant les différents « états » du cheveu, met ainsi en avant les idées de conformité ou de transgression par la coiffure, par exemple les cheveux longs des hippies, les crânes rasés des skinheads ou encore la célèbre chevelure hirsute d’Albert Einstein.

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Une histoire de la blondeur : de la sainte à la star.

La seconde salle aborde l’image de la couleur des cheveux, notamment dans les sociétés occidentales. Le blond, très présent dans les tableaux de saintes, d’anges ou de jeunes filles, semblent connoter dans un premier temps la candeur, la pureté. Mais, contrastant avec les tableaux des maîtres anciens, les photographies de stars posant fièrement avec leur blond platine montrent que cette couleur a depuis quelques décennies acquit une image de superficialité. Avec l’image de la brune, supposée pragmatique ou aventurière, celle de la rousse, présumée dramatique, voire diabolique, ou encore de la sagesse et respectabilité connotée par les cheveux blancs chez les hommes, cette partie de l’exposition explore les poncifs dont les artistes ont joué.

Comme on peut le voir à travers la troisième partie, consacrée à la séduction par les usages capillaires, le cheveu est souvent montré, sublimé, mis en valeur, à grands renforts de chignons, de tresses, de boucles ou de postiches, mais il peut aussi être caché. Une partie de la salle, consacrée à la coiffe, si chère aux traditions bretonnes rappelle en effet que, tout comme le voile, la coiffe protège des intempéries, mais surtout, elle dissimule les cheveux, vus comme dangereusement séduisants lorsqu’ils sont défaits. Mais la coiffe permet aussi de différencier les paroisses, et, tout comme ont pu le faire les fraises du XVIe siècle, de magnifier le visage féminin par leur blancheur.

Une quatrième salle propose une vision plus anthropologique du cheveu et des usages capillaires : il s’agit de montrer son importance dans la perception d’un individu dans sa société. Les photographies, objets et vidéos explorent les notions de rites de passage, de transgression du genre, et notamment la symbolique de la perte de cheveux. Cette perte peut être naturelle, causée par la vieillesse, mais elle peut aussi être voulue ou contrainte, par exemple dans l’entrée dans les ordres ou les rites d’initiation, ou encore lors des vagues de tonsures de femmes supposées ayant eu des relations avec l’ennemi, à la fin de la seconde guerre mondiale. Des photographies particulièrement poignante de Robert Capa immortalisent ces pratiques violentes et dégradantes.

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Photographie dite de « la Tondue de Chartres », Robert Capa, 18 août 1944

Enfin, la dernière grande thématique explore la notion des pouvoirs du cheveu dans les IMG_20180629_143632.jpgcultures non européennes, et notamment en tant que matériau utilisé dans la fabrication d’objets. Le cheveu est un élément intime, personnel, qui prend donc une très grande force et une symbolique importante, notamment en ce qui concerne les objets de mémoire : le cheveu permet d’évoquer le souvenir ou la puissance d’une personne. Bien souvent, ils sont considérés comme chargés des pouvoirs de leurs anciens possesseurs, et sont donc portés comme des ornements puissants, comme le prouve une tunique de chef Sioux (ci contre), ornée de mèches de cheveux arrachées au combat, puis fixées au vêtement, permettant de garder une trace des exploits guerriers et du courage de son possesseur.

La centaine d’objets présents, sélectionnés dans les collections du musée du quai Branly-Jacques Chirac, mettent en relief les notions de présence et d’absence, de disparition et de survivance, de vie et de mort.

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En parallèle de l’exposition, l’Abbaye de Daoulas propose une balade photographique dans ses jardins à la découverte des œuvres de J.D. Okhai Ojeikere, photographe nigérian mettant en avant les pratiques capillaires des femmes de son pays dans sa série « Hairstyles », composée de plus de mille clichés.

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