
Le mahJ, est un musée parisien consacré à l’Art et à l’Histoire du Judaïsme. Ouvert en 1998 il fête ses 20 ans cette année et propose, en plus de ses collections permanentes, une exposition rétrospective sur le photographe Helmar Lerski (1871-1956) jusqu’au 26 août 2018.
Le musée est situé au cœur du Marais, le quartier juif historique de Paris, dans l’ancien hôtel particulier de Saint-Aignan. Il expose de nombreux objets et décors sur deux niveaux, possède une médiathèque et un auditorium. L’exposition se tient au premier étage, et est répartie en 7 espaces qui marquent chronologiquement l’évolution du travail d’Helmar Lerski. Il s’agit de la première rétrospective consacrée à l’artiste.

L’exposition Helmar Lerski. Pionnier de la lumière
Israel Schmuklerski, de son vrai nom, est né à Strasbourg en 1871 de parents juifs polonais. Dès ses 20 ans il choisit de partir aux Etats-Unis. Il devient acteur et adopte un nom de scène qu’il gardera toute sa vie : Helmar Lerski. Il revient ensuite en Allemagne où il intègre une troupe de théâtre avec sa sœur entre 1897 et 1909.
1. Les premiers portraits
Rapidement Helmar Lerski abandonne sa carrière d’acteur pour se concentrer sur celle de photographe. Il ouvre ainsi son premier studio, le Lerski’s Photo Studio dès 1910, avec sa première femme.
Le succès est immédiat. Helmar Lerski se spécialise dans le portrait, où il use de la lumière pour sculpter les visages et créer des expressions fortes.
Si certains de ses portraits sont encore empreints de théâtralité – certainement dû à sa première formation – Lerski évolue rapidement. Il use de la lumière pour transformer les visages, dont le sien, notamment dans un autoportrait où il se présente à la fois comme un homme et un démon.

La première salle de l’exposition se focalise donc sur cette période de formation. La scénographie se fonde pendant tout le parcours sur des cimaises noires et blanches, pour rappeler la technique de prédilection de Lerski, qui ne cédera pas à la couleur. D’entrée le visiteur tombe sur un de ses portraits, genre dont il fera sa signature.
La visite se poursuit par les expérimentations de Lerski dans le cinéma de 1915 à 1929.
2. L’expérience du cinéma muet
En 1915, Helmar Lerski débute dans le cinéma et se rapproche rapidement du mouvement expressionniste allemand. Ce nom est donné à la suite du salon annuel de 1911, à un groupe de jeunes artistes se présentant sous le nom de la Sécession berlinoise. Dans leurs œuvres, ils veulent notamment représenter la modernité dans ce qu’elle a de plus fascinant et inquiétant. Le travail sur la ville, l’usage de procédé de collage, peut se retrouver également dans les œuvres cinématographiques de Lerski.
Comme pour ses portraits, il utilise des éclairages contrastés mais avec une grande profondeur de champs et non pas des plans resserrés comme en photographie. Il participe principalement à des films de petite envergure, mais travaille malgré tout sur de plus gros projets comme Metropolis de Fritz Lang (1925). Il y utilise notamment le procédé Schufftan qu’il a créé, permettant de mettre en miroir acteurs et maquettes.
Pour se rendre compte de son travail, l’exposition propose judicieusement plusieurs extraits vidéo des films où Lerski a travaillé comme chef opérateur comme le Cabinet des figures de cire de Paul Leni (1924). Lerski ne sera pourtant pas crédité au générique alors qu’il a construit toute la scène avec Jack l’Eventreur disponible ci-dessous :
Il est par ailleurs dommage que dans cette section, le cinéma de Lerski ne soit pas mis en parallèle avec d’autres œuvres contemporaines, issues du cinéma, de la photographie ou dans la peinture. Si elle est citée, l’œuvre de Fritz Lang n’est par exemple pas comparée à celle de Lerski.
A la fin des années 20, il commence à diminuer ses engagements avec le cinéma. Il se reconcentre alors sur le seul portrait.
3. Le retour au portrait
Si dans un premier temps Helmar Lerski prend uniquement en photographie les membres de l’intelligentsia berlinoise, les artistes, les acteurs… Il délaisse rapidement le portrait de personnalités, pour celui d’anonymes.
De nouveau chez Lerski, la lumière joue un rôle primordial. Elle creuse les traits, sculpte les expressions, et transforme les femmes de chambre, les ouvriers, des hommes du peuple, en des personnages atemporels et mystérieux.
Lerski les nomme non pas par leur patronyme, mais leur corps de métier. Pour lui, il s’agit de redonner une dignité à tous ces gens du peuple, ces personnages faisant des petits métiers souvent déconsidérés et méprisés comme femme de chambre.
« Je me suis donc tourné vers les gens simples, les gens de la rue, de tous les jours. Je les plaçais dans « la juste lumière » et ces « humiliés et offensés » devenaient entre mes mains des personnes pleines de force et de dignité, de courages et d’intelligence ».
Helmar Lerski
4. Arabes et juifs
Le quatrième espace de l’exposition est également dédié à une série de portraits, mais bien différente. Les personnes ne sont pas identifiées par leur corps de métier, mais comme arabes, juifs, yéménites…
En 1931, Lerski reçoit la commande d’une série sur les « Visages juifs » par Charles Peignot qui veut ensuite la publier dans Arts et métiers graphiques, une revue en vogue à cette période. Il la commence à Berlin, et la termine en Palestine, où il s’installe en 1932 avec sa seconde femme.
A ce moment là, il décide de photographier également les Arabes et les Bédouins, en plus des populations juives. Par ces portraits, Lerski voudrait déconstruire l’argumentaire nazie qui crée, classe et hiérarchise les races. L’ouvrage ne verra jamais le jour, mais l’exposition présente un grand nombre de portraits, au plus près du visage, ou comprenant des paysages en arrière-plan.
Même si Lerski est encore très imprégné des méthodes de classification des peuples, courantes au XXe siècle, Arabes et juifs sont photographiés de manière similaire et ainsi mis sur un pied d’égalité.
5. Métamorphoses par la lumière
La cinquième salle de la retrospective s’intéresse à ce qu’Helmar Lerski considérait être son « chef d’œuvre ». Métamorphoses par la lumière, en VO Verwandlunger durch Licht, est débuté en 1935 et réunit en tout 137 photographies du même homme.
Pour la réaliser, Lerski travaille en extérieur en plein soleil, sur le toit de son atelier de Tel Aviv et use de miroirs et réflecteurs.
La juxtaposition de plusieurs des photographies, permet de rendre compte des « métamorphoses » de ce même homme, sous la lumière du soleil. C’est donc une bonne idée d’avoir séparé douze des 137 photographies dans une salle séparée du reste du parcours de l’exposition. Pour autant le choix de ces douze photographies n’est pas expliqué. Sont-elles plus révélatrices du travail de Lerski ?
6. Les Pionniers : les commandes sionistes
Il s’agit d’évocations presque hagiographiques des premières communautés juives, les kibboutz, à la fois dans des photographies que dans des films. C’est en effet des commandes d’organismes sionistes de Palestine dans les années 1940.
C’est également à cette période que Lerksi s’affranchit du portrait, pour des vues de paysage, de villes, de scènes de rue en Palestine.

7. Les dernières séries
A la fin des années 1930, et dans les années 1940, le travail de Lerski se renouvelle de plus en plus. Il insiste sur le travail manuel, en montrant la beauté des mains, en en faisant des « portraits de mains ».

En 1941, la pénurie de matériaux dû à la guerre l’amène à reprendre certains de ses anciens travaux, et de les pousser jusqu’à l’abstraction. Ainsi naissent des « paysages du visage » à partir des portraits des débuts.

Enfin vers 1945, il travaille avec le marionnettiste Paul Löwy. Il fait cette fois le portrait non pas de femme ou d’homme, mais de poupées en les traitant comme si c’était des visages à part entière. Il réalise même un film, Balaam et son ânesse, dont un extrait est proposé dans le parcours de l’exposition.
En 1948, il quitte Israël pour s’installer à Zurich, en Suisse, où il décédera en 1958. L’exposition se clôt ainsi sur cette dernière salle.

Autour de l’exposition
Helmar Lerski. Pionnier de la lumière se tient jusqu’au 26 août 2018.
Les commissaires de l’exposition sont Paul Salmona, directeur du mahJ, et Nicolas Feuillie responsable des collections photographiques du musée. L’exposition est réalisée en partenariat avec le Museum Folkwang d’Essen qui a prêté une grande partie des œuvres.
Pour le visiter
Musée d’art et d’histoire du Judaïsme
Hôtel de Saint-Aignan
71, rue du Temple
75003 Paris
Belle description de l’œuvre exposée,qui incite à aller visiter cette exposition
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