
C’est un nouvel espace d’exposition qui a été inauguré au musée de l’Hermitage de Saint-Pétersbourg. Comme l’a rappelé son directeur Mikhail Piotrovsky le musée veut toujours présenter le plus de choses possible et être dans l’air du temps. Cet ancien espace de stockage a donc été entièrement remodelé pour accueillir le public et présente aujourd’hui une exposition consacrée à l’historicisme dans le mobilier du XIXe siècle et ce, jusqu’au 11 novembre 2018.
Un bel espace vouté qui sent le neuf avec de multiples îlots déployés en son sein, on divague, on se sent libre. Ce sont les premières impressions qui viennent lorsque l’on pénètre dans cette exposition. Le mobilier exposé provient des collections de ce musée, une manière de continuer la visite de manière plus thématique. En effet, le Palais d’Hiver est connu pour ses pièces réaménagées au XIXe siècle après le grand incendie de 1837 et qui présentent ce beau mobilier. Les touristes s’y enchainent dans une odeur de transpiration et il est difficile de comprendre quelque chose au sens historique du lieu. Par cette exposition, il est alors possible d’appréhender un peu mieux l’évolution du style russe sous cet angle. De nombreux dispositifs de médiation sont présents comme des vidéos mais aussi un catalogue en libre accès. D’ailleurs, pour mieux placer l’œil dans le contexte d’une pièce, des agrandissements d’aquarelles du XIXe siècle tapissent les murs qui encadrent l’espace d’exposition.
« Our museum, which was reborn out of the ashes of the 1837 fire, is the most sublime monument from the age of Historicism. » Mikhail Piotrovsky

Le Larousse définit l’historicisme comme le « Ressourcement de la pratique architecturale dans un ou plusieurs styles du passé. » et l’Hermitage nous donne une belle description. L’exposition débute avec la réinterprétation de l’Antiquité et notamment le style néo-pompéien. Puis on se dirige vers le style néo-gothique, néo-Renaissance ou encore « Louis ». Sont aussi découvertes les notions d’éclectisme avant de terminer le parcours avec l’Art Nouveau. C’est donc un programme chargé mais léger dans sa disposition qui est proposé. Il y a cependant quelques petits soucis dans leur disposition, plus précisément au niveau des cartels : tout est en russe sauf quelques titres qui sont traduits en anglais. Si vous avez la chance de parler cette langue vous n’aurez aucun soucis, sinon il vous faudra utiliser votre camarade russe qui vous accompagne comme traducteur… Si vous souhaitez vous procurer le catalogue d’exposition afin d’avoir plus d’informations, il n’est aussi disponible qu’uniquement en russe. Ce qui est peut-être le plus gros reproche qui puisse être fait à ce musée de manière générale est donc encore visible dans cette dernière exposition… L’ouverture à un plus large public autre que celui local est donc encore à espérer.
Cependant, l’exposition vaut le détour pour les magnifiques pièces présentées. Elles sont à quelques exceptions près dans un état de conservation-restauration éblouissant.
Voir ces quelques meubles provenant de la bibliothèque du musée est exceptionnel. En effet, l’accès à ce lieu est très réglementé et ouvert aux extérieurs que pour les recherches universitaires ou scientifiques précises et certifiées.
Mais c’est aussi l’endroit idéal pour découvrir des ateliers et maisons d’artisans russes comme par exemple celui des Gambs. Heinrich Gambs (1765-1833), élève de l’allemand David Roentgen, arrive à Saint-Pétersbourg dans les années 1790 et décide de s’y installer, ouvrant alors son propre atelier. Il y perpétue la tradition de son maitre et ne tarde pas à avoir une clientèle prestigieuse, notamment l’impératrice Maria Feodorovna. On doit à cet artisan la création en 1811 des vitrines en forme de pyramide qui ont été copiées à de nombreuses reprises, tout au long des décennies, dans le musée. Mais sa clientèle est si large qu’on peut trouver aujourd’hui ses oeuvres un peu partout notamment au palais de Pavlovsk (Saint-Pétersbourg). Son atelier continua à être florissant même après sa mort et ce, jusque dans les années 1870.
Cette exposition met aussi en évidence les collaborations d’artistes avec les artisans. Tel est le cas d’Alexander Brullov (1798-1877) avec l’atelier précédemment cité. Né à Saint-Pétersbourg dans une famille d’artistes (son frère Karl a peint Le dernier jour de Pompéi, un des chefs-d’oeuvre du Musée Russe), il se forme naturellement à l’Ecole des Beaux-Arts de cette même ville avant d’y devenir professeur quelques années après. On le connait pour ses talents d’aquarelliste et portraitiste mais aussi pour ceux d’architectes puisqu’il participa à la reconstruction du Palais d’Hiver après l’incendie de 1837. Mais ici, il signe des meubles néo-pompéiens à la russe. En effet, ce style est souvent associé en France au Premier Empire (1804-1815) mais ses créations datent de 1836-1839 et ont dans leur facture un petit quelque chose qui rappelle les arts dits traditionnels russes.
Les arts français ont toujours inspiré ceux russes et de nombreuses références sont visibles dans l’architecture (par exemple le domaine de Peterhof) et dans les arts. L’exposition consacre alors une partie au style « Louis », c’est-à-dire ici Louis XV et Louis XVI. De la documentation, sortant aussi des collections du musée, est exposée et permet de comprendre un peu plus cette influence. Ces catalogues et gravures provenant de France et écrits en français sont des supports visuels qui influencèrent les nombreux artisans locaux. On retrouve donc ces courbes caractéristiques du style rococo qui est emblématique du XVIIIe siècle.
Mais, le mobilier russe est aussi très indépendant dans ce domaine et a ses propres créations. Cette table dite « centipede », par exemple, est le premier modèle conçu en 1825. Ses multiples pieds à roulettes permettent de l’agrandir facilement et créer une table gigantesque, ne restant plus que les parties du plateau à ajouter. Le mécanisme savamment inventé est présenté à nu, permettant de mieux comprendre ces petites inventions qui, peut-être n’ont pas eu de suite glorieuse, mais ont voulu améliorer le quotidien des humains.
La dernière partie de l’exposition se consacre à l’Art Nouveau puisque les styles sont orchestrés de manière chronologique. Mais est aussi présentée une vague « néo-russe » où l’inspiration pour ces meubles éclectiques vient des arts traditionnels. Les meubles présentés ont alors un côté rustique avec du bois sombre et des métaux. Les décors reprennent ceux végétaux que l’on retrouve sur de nombreux objets décoratifs et vêtements traditionnels pour mettre en avant un style aux allures nationales.
Par cette exposition, le spectateur découvre un peu plus en profondeur ce mobilier du XIXe siècle qu’il peut croiser dans les nombreux palais de la ville et de ses environs. C’est un siècle complexe aux multiples inspirations et, ici, ce n’est qu’une mise en bouche qui est proposée pour mieux l’appréhender. En effet, il y a quelques cartels détaillés mais pas si en profondeur que cela. L’exposition se veut donc accessible à un large public, de plus, son entrée est facilitée car elle se fait au sein des salles d’archéologie romaine et près de la sortie du musée. Un lieu de passage utilisé par quasiment tous les touristes mais seuls les russophones pourront complètement comprendre ce qu’il se passe. C’est donc un pas en avant pour ce musée en terme d’exposition temporaire au sein du Palais d’Hiver mais qui aurait pu être encore mieux réussi si elle avait été plus accessible aux touristes étrangers qui sont une grande partie du public de ce lieu.
Quelle chance d’avoir pu assister au vernissage de ce nouvel espace !! Espérons que la documentation en anglais ne tarde pas trop à suivre (cela dit ils ne parlent même pas anglais à la caisse de l’Ermitage donc bon…). Petite remarque tout de même : il n’y a rien d’étonnant à trouver du Heinrich Gambs à Pavlovsk puisque la déco intérieure y est justement conçue par Maria Feodorovna 😉
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Oui, c’est grâce au statut de stagiaire que j’ai pu saisir cette occasion ! Hélas oui, les langues sont un gros problème… Les jours de forte affluence on devait aider à l’accueil des groupes étrangers et les guides étaient heureux de voir des personnes maitrisant au moins l’anglais ainsi qu’une seconde langue… J’espère que cela changera avec le temps car c’est un très gros frein…
Merci pour l’information ! Je ne suis pas spécialiste du domaine et n’ayant pas pu visiter ce lieu mes recherches ont du être lacunaires… Merci beaucoup! 😀
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