
Pour la troisième année consécutive, le Centre Culturel Coréen a fait découvrir au public français une ville de Corée lors du festival Taste Korea qui s’est tenu du 5 mai au 21 juin 2018. Cette année, c’est Jeonju, haut-lieu de la région de Jeolla qui a été mis à l’honneur.
« Jeonju est une parenthèse provinciale où le temps s’arrête ». Ainsi débuta la conférence de présentation de le ville, description courte tentant de rendre honneur à l’élégante, la vieille, l’indescriptible Jeonju. Bien que située à 250km de la capitale, Jeonju a su charmer de nombreux visiteurs et fait partie des villes les plus touristiques de la Corée du Sud.
Tout d’abord, une forte aura historique entoure la ville. Ce serait le lieu de naissance de Yi Seonggye, fondateur de la dynastie Joseon qui régna depuis 1392 pendant environ cinq siècles. Le premier roi, rendant honneur à ses origines, l’aurait considéré, ainsi que ses successeurs, comme leur capitale spirituelle.
Malgré la marque du temps et des aléas de l’histoire de la Corée, Jeonju a gardé une tradition et une originalité lui attirant les regards. En témoigne la principale attraction de la ville : le village de Hanok, maisons traditionnelles, situé en centre. Le hanok meul (meul signifiant village) regroupe près de 800 hanok et maisons de thé traditionnelles datant de la fin de la période Joseon. Beaucoup des bâtiments ont été rénovés grâce à une campagne de conservation du patrimoine architectural coréen. Certains de ces bâtiments ont été transformé en guesthouse (« maisons d’hôtes ») et il est possible d’y passer la nuit. Ne vous attendez pas cependant à un confort de cinq étoiles ! Dans ces habitations, on dort par terre, simplement sur un fin matelas, pour pouvoir profiter du chauffage au sol. C’est l’occasion d’expérimenter un mode de vie plus rudimentaire et d’être transporté par delà les siècles.
Que faire d’autre à Jeonju ? Arpenter la ville, partir sur les traces de la dynastie néo-confucéenne, explorer les différents musées comme le Musée National ou le Musée de la Calligraphie ; les possibilités sont multiples.
Vous pouvez également décider de vous éloigner vers les montagnes, et d’échapper ainsi à la densité citadine. Si leur taille n’est pas des plus impressionnantes, vous pourriez vous trouver charmé par le petit temple bouddhique d’Eunsusa, petit havre spirituel perdu dans la nature paisible.
Le Centre du Patrimoine intangible de Corée du Sud prend également place à Jeonju. Sa mission est de sensibiliser la population, de recenser les patrimoines, de les transmettre et même d’aider à la recherche. Pourquoi le centre a t-il été fondé sur ce lieu parmi tant d’autres ? Peut-être parce que si la plupart des villes de Corée ont à leur actif un ou deux trésors culturels classés dans le patrimoine immatériel, la ville de Jeonju, elle, en dénombre quarante-cinq.
Classé également au patrimoine mondial immatériel de l’humanité de l’UNESCO dans la catégorie mouvement musical, la pratique du pansori en est un exemple.
Né vers la fin du XVIIème siècle, le pansori est un art vocal scénique consistant à déclamer un récit à travers la parole, le chant ou la musique alternativement. Le narrateur-artiste, seul à raconter est cependant accompagné d’un joueur de tambour qui marque les cadences et rythme l’histoire. Les récits ont été transmis oralement, puis écrits et réécrits suivant le gain de popularité et la demande croissante d’un public de plus en plus noble. Cependant, le pansori est resté un art populaire dans la forme des récits, souvent agrémentés de détails pittoresques et cocasses. S’étant répandu ensuite à travers tout le pays, cet art est désormais devenu un modèle culturel de musique traditionnelle en Corée du Sud.
Qui dit transmission écrite des récits implique un support. Le premier Musée du papier Hanji et de son histoire à Jeonju est fort d’une collection de plus de 3000 pièces. Il rend honneur à ce papier traditionnel coréen à base de fibres d’écorce de mûrier et présente entre autre sa fabrication et les différents usages qu’on lui a trouvé. Une grande résistance s’alliant à une grande finesse, ce papier est devenu le privilégié des artistes graphiques mais sert également à la fabrication de divers objets très fins, tels des éventails ou encore des petits meubles. Utilisé dès l’époque de Goryeo pour les correspondances diplomatiques et l’administration royale, le papier n’est pas nécessairement originaire de la ville, mais plutôt de la région, où les mûriers s’épanouissent en masse. Aujourd’hui, le papier est fabriqué selon les mêmes procédés qu’antan. Les artistes contemporains coréens se sont désormais appropriés ce matériau et rivalisent de créativité pour l’adapter et le modeler selon leurs envies.
Bibimbap. Ce mot sonne familier à la plupart des amateurs de cuisine et aux clients assidus des restaurants coréens de la rue Saint-Anne à Paris. Plat emblématique de la gastronomie coréenne, tant apprécié par les étrangers que les locaux, le bibimbap a permis à la ville de Jeonju, son géniteur, d’acquérir une réputation culinaire nationale et internationale. Depuis 2012, l’UNESCO l’a accueilli au sein de son réseau de Cités Créatives de la Gastronomie. Pour les néophytes, le bibimbap est un plat à base de riz et de nombreux ingrédients soigneusement choisis pour s’harmoniser parfaitement, comprenant souvent de la viande de boeuf et divers légumes pré-sautés, ainsi que de la pâte de piment fermenté et de l’huile de sésame. L’ensemble va être mélangé afin d’obtenir un repas complet et goûteux. La popularité de ce plat a fait naître de nombreuses variantes régionales mais Jeonju garde sa place de maître dans l’art de sa préparation, notamment grâce à l’utilisation de tartare de boeuf. Le nombre d’ingrédients, pour un excellent bibimbap, peut s’élever au delà de trente ! Il en va de la virtuosité du chef pour que la magie opère et que la symbiose soit parfaite.