Blackkklansman : Ou comment le Ku Klux Klan s’est fait berner

Blackklansman, dernière réalisation de Spike Lee (« He got game », « Malcolm X »…), s’attache à nous raconter la véritable histoire de Ron Stallworth, policier afro-américain au sein du Colorado Springs Police Department qui, dans les années 1970 se met en tête d’infiltrer le Ku Klux Klan, groupe suprémaciste blanc et de dénoncer ses exactions.

Attention spoilers en bas de l’article !Spike Lee traite donc de cette véritable histoire à la manière des comédies policières des années 1980 ce qui ne l’empêche en aucun cas d’être extrêmement engagée.

BlacKkKlansman

Un film avant tout très actuel

Par le sujet traité, Blackkklansman est un film que l’on peut considérer très actuel. En effet, bien que ce dernier évolue au début des années 1970, dans un contexte post Martin Luther King & Black Panther, ce qu’il s’y passe n’est pas sans rappeler l’Amérique d’aujourd’hui. On voit notamment dans ce film des policiers agirent de manière totalement abusive envers la communauté noire ; attouchements, violences, abus de pouvoir… et les actualités récentes prouvent malheureusement que dans notre société contemporaine ces abus sont toujours présents.

Il est aussi possible de faire des parallèles avec le leader actuel des Etats Unis : Donald Trump, en la personne de David Duke, leader non moins charismatique du Ku Klux Klan. Nombre de ces paroles peuvent être réinterprétées et amenées dans un contexte contemporain, notamment son slogan qu’il dégaine et martel : « America First » ou « God bless white America ». Nous pouvons ainsi confronter ces derniers au « Make America Great Again » de Donald J. Trump et en tirer les conclusions qu’il s’impose au vu de ses discours et idéologies très conservatrices.

BlacKkKlansman

Un personnage, trois dimensions

Tout le film s’articule autour d’un personnage précis : Ron Stallworth et de trois dimensions, trois groupes. Et il s’agit ni plus ni moins de Ron Stallworth qui les lie.

Les trois dimensions que l’on identifie, les trois groupes, sont très facilement reconnaissables :

Il y a tout d’abord la police et ses hommes. C’est l’un des groupes les plus « divisés ». En effet parmi ses hommes, on en trouve qui supportent totalement Ron et qui s’avèrent être des amis fidèles, et endossent ainsi parfaitement l’image de l’acolyte. Citons Flip Zimmerman ou encore Jerome Turner dans une moindre mesure. Par la suite on trouvera parmi la police des hommes moins attachés à Ron, qui sont à la fois prêt à l’aider mais aussi prêt à lui mettre des bâtons dans les roues ou du moins le laisser à ses interrogations, c’est le cas du chef de la police ou encore de l’agent du FBI avec qui il a rendez-vous. Enfin, on trouve les hommes qui sont exclusivement antagonistes à Ron, citons l’officier ouvertement raciste ou les policiers qui arrêtent Ron lorsqu’il essayait de coffrer Connie juste car ils voient un homme noir en pleine altercation, et ce, malgré que ce dernier leur dise que ses papiers d’officier sont dans sa poche.

Le second groupe que l’on rencontre est le groupe des militants afro-américains. Ce groupe est le plus homogène des trois et s’accorde sur le propos et sur la lutte pour les droits civiques des afro-américains. Par la présence majeure de ce groupe, Spike Lee & Jordan Peele ne font que confirmer et renforcer la dimension militante de l’œuvre et la font presque passer au premier plan même si, nous le verrons plus tard, qu’ils font passer ce message de manière bien plus directe. En effet, tous les « leaders » de ce groupe sont d’accord sur la manière de lutter : par la force et ne surtout pas oublier ce que les américains et les blancs en général ont fait au peuple noir. Entre le discours passionnant et galvanisant de Kwame Ture, les actions menées par Patrice Dumas (ndlr, la jeune femme que fréquente Ron Stallworth. On trouve ainsi en quoi ce groupe est lié à Stallworth) et l’histoire raconté par l’ancien militant de son ami encore enfant brûlé en place public les exemples sont nombreux pour montrer la cohérence des propos.

Enfin, le dernier groupe est le Ku Klux Klan, ici, deux Ron Stallworth sont présents, le vrai, et « le faux » incarné par Flip. Malgré l’objectif commun qu’ont les membres du Klan, on remarque cependant très rapidement un dissident clairement identifiable : Félix qui, non content du « manque d’actions » menées par son leader de région Walter Breachway, n’hésite pas à prendre des initiatives pour le moins radicales et qui affectent ainsi directement la section du Klan de la région.

Mis à part l’affrontement clairement identifié entre le Klan & les militants afro américains, Spike Lee use d’une manière très intéressante pour rendre cet affrontement d’autant plus impressionnant et fort de sens. En effet, lors de l’intronisation du faux Ron Stallworth en tant que membre à part entière du KKK, se déroule en même temps la rencontre avec l’ancien militant afro-américain. Et lorsque d’un côté on scande le « White Power », de l’autre on scande le « Black Power » et l’enchaînement quasi frénétique de ces séquences est particulièrement anxiogène et renforce d’autant plus cet affrontement continu. Deux groupes totalement antagonistes s’affrontent avec des images des plus violentes. Quand chez le KKK on regarde « The Birth of a Nation » de David Griffith, film notoirement raciste et encensant le Klan, on regarde et se recueille à la mémoire du petit enfant noir brûlé en place publique après un procès bien trop court.

BlacKkKlansman

Des images fortes

L’œuvre est ponctuée de nombreuses images et de nombreux visuels forts en sens qui ne manqueront pas d’heurter le spectateur. Le film débute sur « Autant en emporte le vent » une fresque des Etats Unis sur fond de guerre de sécession. Un monument du cinéma pour ainsi dire, qui est par la suite immédiatement repris par un membre du KKK nous faisant un discours vantant le Klan. Cependant, il est très vite tourné en ridicule par des oublis incessants de son texte qui décrédibilisent ainsi sa parole.

Par la suite, le film suit pour ainsi dire une trame des plus classiques. Un contexte est présenté: la police de Colorado Springs recherche de nouvelles recrues, Ron Stallworth devient le premier policier noir du commissariat. Le premier élément perturbateur arrive lorsque ce dernier appelle le KKK et demande à en faire partie. L’intrigue est lancée, s’en suit de nombreuses péripéties puis une fin que l’on pourra qualifier de troublante.  On pourra aussi repérer de nombreuses références aux films de policiers des années 1980, à la Miami Vice ou autres. Les plans finaux du film sont eux aussi extrêmement forts en sens et c’est pourquoi je dois spoiler en partie ce qu’il s’y passe. Si vous souhaitez éviter ces spoils, alors la lecture s’arrête ici. Je vous invite donc très fortement à aller voir ce film des plus passionnants et importants dans le contexte actuel !

BlacKkKlansman

—————————-SECTION SPOILS———————————-

Après que le « film principal » se termine, on est tout de suite mis en face d’images d’archives et réelles concernant les émeutes et manifestations ayant eu lieu à Charlottesville en 2017. En effet, des nationalistes blancs avaient défilé dans la rue et une voiture avait foncé sur des manifestants antifascistes. Rien ne nous est épargné puisque l’on voit cette voiture foncer sur ces derniers. Les images sont donc extrêmement choquantes. Par la suite s’enchaînent des discours de Donald Trump parlant de ces émeutes et David Duke s’exprimant par rapport à la candidature de Donald Trump, le « remerciant » disant qu’il va « apporter la solution » aux Etats Unis.

Finalement, on apprend que ce film est en  « hommage » a la femme qui a perdu la vie lors de ces émeutes à Charlottesville, écrasée par la voiture.

Enfin, l’image finale est un drapeau américain, retourné, qui lentement vire au noir et blanc ce qui accentue et montre le véritable contraste qui existe aux Etats Unis, entre population blanche et population afro-américaine.

En conclusion, un film poignant, militant et plein de sens dans un monde où les extrêmes tendent à revenir sur le devant de la scène par le climat politique qui règne. Spike Lee réalise ici un très bon travail en faisant passer son message de manière subtile tout au long de l’œuvre puis plus manifeste avec les images de Charlottesville. Engagé et bien maîtrisé, c’est très certainement le film de cette fin d’été/rentrée.

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