« Déviation », quand le textile s’invite en ville

Vous connaissez les festivals de musique, les festivals de cinéma ou encore les festivals d’art, mais à quoi pensez-vous lorsque vous entendez « festival du textile » ? Comment peut-on exposer, rendre vivant et accessible un artisanat du quotidien ? C’est le défi qu’a relevé le Musée Bargoin en association avec l’agence HS_Projets et la Ville de Clermont-Ferrand en 2012.

Voyant en ce domaine un champ vierge, ils ont mis en place le Festival International du Textile Extraordinaire, abrégé FITE. En cette quatrième édition, il s’est déroulé du 18 au 23 septembre 2018.

« Déviation »

Pour chaque session de festival un mot-clé est désigné pour être la ligne directrice des expositions. Cette année, dans une continuité narrative, vient après « Métamorphoses », « Renaissance » et « Rebelles » le thème de « Déviation« . Sous cet angle d’attaque, le festival promet déjà d’être déstabilisant, non-conforme et hors-du-commun pour les visiteurs. Il est vrai que placé devant les oeuvres, les réactions se bousculent et ne se ressemblent pas : tantôt incompréhension, tantôt admiration, tantôt dégoût ; le programme ne vous laissera pas indifférent.

Comment fonctionne un festival de textile ?

Un festival, c’est d’abord un événement qui cohabite avec la ville, et qui l’anime. Et le FITE remplit ce rôle avec grand succès, offrant un voyage culturel et patrimonial à travers la ville de Clermont-Ferrand.

Le coeur du festival se situe au centre du Musée Bargoin où une exposition au nom du thème est aménagée sur une surface de 450 mètres carrés. Le visiteur est alors confronté à un chemin thématique où quatre sous-thèmes de « Déviation » – transgression, circulation, carambolage et transcendance – balisent la voie et aident le public à s’immerger et dépasser la surface esthétique des oeuvres.

La scénographie a également été soigneusement travaillée afin d’accompagner le visiteur dans sa quête : sur chaque cartel d’oeuvre sont récapitulés les mots-clés importants pour la comprendre et la restituer dans le thème. Ces courts résumés justifient la singularité et la présence de chaque oeuvre au sein de l’exposition. La présentation très libre et ouverte permet des parallèles inattendus, des rencontres amusantes entre les différentes pièces et incite ainsi à remettre encore une fois en question ce que l’on voit, appuyant le concept de « Déviation ».

Cette exposition restera ouverte au public jusqu’au 6 janvier 2019.

Quand la dentelle peut sauver une vie

La pièce maîtresse de cette édition 2018, est sans doute l’ambitieux projet Corail/Artefact né de la collaboration surprenante de l’artiste Jérémy Gobé et de la Scop Fontanille, une entreprise de dentelles mécaniques du Puy-en-Velay. Alors que l’artiste visitait la chaîne de production et découvrait les nombreux coupons de dentelles conservés soigneusement par l’usine, il reconnaît en le point classique de dentelle de Puy-en-Velay, nommé « point d’esprit« , l’exacte réplique textile d’une cellule de corail. Il en obtient la confirmation auprès d’une spécialiste, la scientifique Isabelle Domart-Coulon, quelques temps après. Une idée naît : celle de résoudre le problème de la dégradation des coraux et de leur éventuelle prochaine extinction en essayant de fabriquer du corail de dentelle en « point d’esprit », et ainsi créer une interface entre le corail et son milieu. La dentelle de Puy-en-Velay propose suffisamment d’avantages comme sa biodégrabilité, pour pouvoir être utilisée comme médium. Un projet d’une envergure incroyable se met en place, l’entreprise devant adapter un point de dentelle à une production immense.

Cette rencontre, entre un savoir-faire textile traditionnel se transmettant de génération en génération et une expérience nouvelle mêlant artisanat et science représente bien l’esprit du FITE : celui de la transmission, mais également celui du partage et de l’innovation.

Itinérance

Le festival a également investi la ville historique et contemporaine. Que ce soit au Centre Camille Claudel, à l’Hôtel de ville ou bien le long des arrêts de tram, des installations, des photos ou des évènements prennent place pour lier textile, art et modernité. Que vous souhaitiez fabriquer vos costumes de bal, apprendre la vannerie ou visionner un film, les spectateurs deviennent acteurs de cet évènement et peuvent s’investir de nombreuses manières.

Le futur du textile

Le FITE engage également des futurs créateurs puisque plusieurs installations ont été réalisées en partenariat avec des étudiants en école d’art ou de costume. En effet, le Centre Camille Claudel a accueilli le travail des élèves de l’École supérieure des arts appliqués de La Martinière Diderot à Lyon qui ont proposé les installations sous le nom de « Souplesse« , entre textile et verre, en collaboration avec l’École supérieure des métiers d’art et du design d’Yzeure.

Dans une autre ambiance, la Chapelle de l’Ancien Hôpital Général présentait une déviation plus horrifique avec des costumes et des essais des étudiants de l’École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre de Lyon. Le travail de scénographie associé a permis un jeu de son et de lumière accentuant la difformité et le caractère dérangeant des pièces exposées. Une pièce de théâtre contemporain avait également été mise en place, aussi fascinante que terrifiante.

Un festival unique et international

Si aucun festival de ce type n’existait depuis en France, il ne faut pas oublier la vocation internationale du FITE. Non seulement les artistes exposés viennent d’horizons et cultures très différents, mais l’évènement continue dans sa vocation d’itinérance. Une année sur deux, la thématique et les expositions s’exportent le temps d’un voyage dans un pays étranger. Déjà revenu du Vietnam, des Philippines et du Mexique, il repartira en 2019 en Roumanie où il s’intégrera aux collections du musée d’art de Brasov et d’autres oeuvres issues de collections de musées roumains. Des workshops seront organisés pour permettre et encourager fortement la collaboration d’artistes français et roumains ainsi que la liaison et l’échange entre écoles d’art françaises et roumaines. Par ailleurs, Clermont-Ferrand a choisi le FITE comme l’un des cinq évènements phares de la ville, pour accompagner sa candidature au titre de Capitale européenne de la culture 2028. D’ici là, le FITE aura tracé son propre chemin à travers le monde et assuré sa longévité.

Le FITE tend à éveiller la curiosité, ouvrir l’esprit et surprendre toute personne y participant. L’idée originale d’un festival du textile permet une transmission des savoirs artisanaux et un regard plus actuel sur un matériau soouvent méconnu du grand public. La ville de Clermont-Ferrand a donc réussi ce pari de proposer un évènement original, touchant un large public et lui offrant une visibilité à l’international.

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