
Adapté de la nouvelle Les Granges brûlées de Haruki Murakami, ce film sud-coréen propose une plongée lente et puissante dans un trio de personnages présentant une vision bien sombre de la jeunesse coréenne. Spoilers assurés.
Le film est lent et prend le temps de mettre en place tous les éléments nécessaires pour que les personnages aient du sens. Ce sont ces détails qui permettent de donner une vision de cette jeunesse coréenne, d’Haemi qui a eu recours à la chirurgie esthétique à l’opposition des vies de Ben et Jongsoo. Ce film est accompagné par une bande son discrète qui invite le spectateur à entrer au sein des émotions des personnages.
Trois personnages

Jongsoo, Ben et Haemi sont les trois protagonistes de ce film. Leur âge n’est jamais dit clairement mais il est question du service militaire de Jongsoo et du fait que Ben a environ 6 ans de plus que les deux autres personnages. Ils se situent donc entre la fin de la vingtaine-début de la trentaine. Cette jeune génération présente son hétéroclisme à travers ces personnages. Jongsoo et Haemi viennent de la même ville campagnarde, à la frontière avec la Corée du Nord. Ils entendent d’ailleurs toute la journée la propagande diffusée par les hauts parleurs de la Corée du Nord.
Mais si Jongsoo retourne dans la maison de son père pendant que ce dernier a des problèmes avec la justice, Haemi n’a plus de contact avec sa famille, sa maison familiale a été détruite et elle habite un tout petit studio et vit de petits boulots.
Ben, lui, incarne les jeunes aisés, très riches sans que leur emploi ne soit jamais révélé. Jongsoo les compare à Gatsby le Magnifique, ajoutant par ailleurs : « Il y a trop de Gatsby en Corée. ». Ben est riche, le fait que ce soit le seul personnage au nom occidental marque la séparation de ce personnage des deux autres.
Une recherche du bonheur
Haemi est fascinée par les Bushmen/Bochimans d’Afrique australe et leur notion de « Great Hunger » que l’on peut traduire par « Grande faim ». L’idée associée à ce concept est celui de la faim non pas physique mais métaphysique, une faim de trouver un sens à la vie. Une faim de vie qui laisse la personne amère et vide. Cette « Greath Hunger » se retrouve dans le personnage d’Haemi qui vit au jour le jour, papillonne et passe de l’euphorie aux larmes. Jongsoo n’a pas cette recherche effrénée de vivre, il est au contraire dans la non-action.
Le film commence avec la rencontre de Jongsoo et Haemi, c’est elle qui le reconnaît comme son ancien voisin. Elle est l’actrice de toutes leurs interactions jusqu’au moment où ils couchent ensemble. Jongsoo répète qu’il veut être écrivain mais n’écrit pas une ligne, dans une vie pourtant vide d’activités et il se laisse embarquer par Haemi dans des sorties avec Ben et les amis de ce dernier. Si Jongsoo a clairement des sentiments pour Haemi il n’en dit rien. Il ne devient actif qu’après la disparition d’Haemi.
Ben est l’homme mystérieux, l’étranger, qui débarque d’Afrique avec Haemi et perturbe la relation que Jongsoo pensait avoir avec elle. Ben est riche mais s’ennuie, lors de ses soirées, il laisse ses amis se moquer d’Haemi lorsqu’elle explique et imite les danses des Bushmen. Si Jongsoo ne semble pas avoir cette faim de vivre, Ben qui a tout matériellement, ne semble ne rien ressentir émotionnellement.
Les serres brûlées

Le film vire de la contemplation sur la vie de trois personnes à un thriller lorsque Ben avoue à Jongsoo brûler des serres abandonnées tous les deux mois. Il argumente que c’est simple, « personne ne se soucie des serres en Corée. » Il annonce enfin que son prochain incendie va être dans les prochains jours et très proche de Jongsoo.
Jongsoo fait donc le tour des serres abandonnées tous les matins pour trouver celle que Ben a brûlée. Cette obsession est mise en parallèle avec la disparition d’Haemi, les deux amènent Jongsoo à retrouver Ben et l’interroger sur les deux sujets.
L’art de la métaphore.
Le film est fait d’allusions qui révèlent leur importance au fur et à mesure. C’est pour cela que lorsque Ben dit à Haemi de demander ce qu’est une métaphore à Jongsoo ce doit être un indice qui guide le spectateur.
Il n’est jamais dit clairement ce qui est arrivé à Haemi mais il est clair que Ben ne brûle pas des serres mais tue des jeunes filles sans attaches. Chose confirmée par sa nouvelle conquête et la présence du chat d’Haemi chez lui.
Haemi évoque elle, une scène de son enfance, où elle tombe dans un puits et Jongsoo l’aurait sauvée. Personne ne se souvient de la présence de ce puits. Plus qu’une métaphore, cela serait plutôt une référence à la fascination d’Haemi pour le mime qu’elle explique comme « oublier que quelque chose n’existe pas. » Son chat qu’on ne voit jamais de son vivant, ce puits imaginaire et son existence même s’efface.
Seule la mère de Jongsoo dit se souvenir du puits, alors qu’elle essaie de reprendre contact avec son fils, créant possiblement un faux souvenir pour nouer contact avec son fils.
Le meurtre parfait et le crime passionnel
Jongsoo tue Ben au milieu de serres. Dans un acte violent et passionnel, les hommes se retrouvent embrassés alors que Jongsoo poignarde Ben encore et encore. Jongsoo qui se veut auteur ne se met à écrire que peu avant son crime. Il sort de sa torpeur par cet acte violent comme le faisait Ben. Jongsoo, nu, conduit loin de la voiture de Ben en train de brûler. Comme une sorte de renaissance par cet acte meurtrier et pourtant silencieux.