L’appartement musée Kirov, un lieu hors du temps

Parfois il faut s’aventurer en dehors des sentiers battus pour touristes. Parfois, enfin, tout le temps plutôt. C’est ainsi que l’on rencontre le vrai cœur de la ville, celui qui la fait vivre. Muséalement parlant, on peut dire que ce sont les appartement-musées qui créent cet effet dans la ville russe de Saint-Pétersbourg. Allons donc à la découverte de l’un d’entre eux et qui a, de plus, un attrait politique : le musée-appartement de Sergueï Kirov, premier secrétaire du parti communiste de Leningrad.

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Rendez-vous au cœur de l’île de Petrogradsky, plus précisément aux 26-28 de la perspective Kammennoostrovsky. Des feuilles colorées collées avec du scotch sur les vitres d’une entrée d’immeuble indiquent qu’un musée s’y cache. On entre alors, tout semble vieux et décrépi. On continue quand même, s’avançant vers l’escalier principal. Les plus paresseux prendront l’ascenseur mais le bonheur de découvrir l’architecture et ses perspectives gagne et, après quatre étages, un petit portique de fer indique l’entrée. Des plantes à foison, un mini dirigeable… C’est un lieu qui se veut joyeux et accueillant. Un dernier étage encore et l’entrée officielle apparaît. L’accueil est chaleureux, convivial et surtout certaines gardiennes parlent anglais (chose assez rare pour être notifiée).  Après un ticket peu cher (100 roubles pour les étudiants, soit 1 euro 50), le manteau déposé sur des porte-manteaux communs, on se fait guider un étage plus bas pour le fameux appartement… C’est presque se sentir comme chez soit.

Tout est en russe, ce qui est normal, mais des petits lutins de visite très complets sont disponibles en anglais. Ainsi, on suit le cheminement des salles et le bond en arrière est impressionnant. Retour dans les années 1930, plus précisément en 1934 qui est l’année de l’assassinat de Sergueï Kirov. Mais au fait, qui était-ce ?

Sergey_Kirov_at_the_10th_Party_Congress.jpgSergueï Mironovitch Kostrikov dit habituellement Kirov, est né le 15 mars 1886 à Ourjoum. Orphelin dès l’enfance, il est confié avec ses sœurs aux soins de sa grand-mère… Enfin, pas vraiment « soins » puisqu’elle l’envoie dans un orphelinat. Des mécènes d’Ourjoum lui permettent d’entrer au lycée à Kazan, ville où il côtoiera des sociétés secrètes d’étudiants et de travailleurs. En 1904, il commence ses études à l’Institut technique de Tomsk et, surtout, adhère au Parti ouvrier social-démocratique de Russie (RSDRP), il a alors des idées à rapprocher des bolcheviques et de Lénine. Il devient ensuite journaliste chez Terek ; c’est d’ailleurs par ce biais qu’il rencontre Mariya Markus, sa future épouse. Il fut très engagé lors de la guerre civile et après sa fin, il prit part à la fondation de la République socialiste fédérative soviétique de Transcaucasie. Il continua à monter en grade jusqu’à être élu en février 1926 premier secrétaire du Comité de Parti de la région de Leningrad et il reçut de nombreuses récompenses comme l’Ordre du Drapeau Rouge en 1932. Mais, le 1er décembre 1934, il est assassiné par L. Nikolaïev à Smolny. Acte terroriste ? Peut-être, certains disent que cet homme était contre l’URSS, d’autres diront qu’il avait juste des problèmes personnels envers Kirov. Il reste dans les mémoires et fut érigé comme martyr de la patrie. Aujourd’hui ses cendres reposent sur la Plage Rouge de Moscou, dans la nécropole du Mur du Kremlin.

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Kirov et Staline en 1934
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La bibliothèque

Revenons à cet appartement. On pourrait penser à un luxe démesuré comme les différents palais de la ville nous ont habitué mais que nenni. Sergei Kirov l’occupe à partir du printemps 1926 avec sa femme Mariya Markus. Il comporte le strict minimum : un bureau, une salle à manger, une bibliothèque, une chambre, une chambre d’ami, une chambre pour l’employée de maison ainsi qu’une salle de bain et une cuisine. Ces pièces sont relativement petites face à la grandeur des fonctions de celui qui les habitait et des visiteurs variés. Ces derniers pouvant aussi bien être Staline que Bukharin. La présence de Staline est très présente dans le bureau par de nombreuses photos et des téléphones ayant une ligne directe vers ces grandes autorités moscovites.

On rentre aussi dans une intimité plus profonde avec les différents effets personnels de Kirov. La table de la salle à manger où sont posés différents livres et documents a gardé la même disposition que lorsqu’il l’a quitté le jour fatidique de son assassinat. Mais, il y a aussi, présentés tout au long des salles, ses trophées de chasse. De nombreux oiseaux taxidermisés vous observent attentivement et dans un des petits couloirs, une vitrine avec ses armes et autres effets utilisés dans ce domaine sont présentés.

On ressent une sorte de nostalgie en voyant les aquariums vides, la paire de ski déposée dans un recoin… On se rend compte aussi de la modernité du personnage avec un des premiers frigidaires électriques.

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Paire de ski des années 1920-1930

L’appartement est resté dans son jus mais n’est qu’une partie du musée. En effet, aujourd’hui le complexe s’expose sur deux étages et est neuf dans l’idée par des expositions semi-temporaires. Cependant, elles ne sont qu’en russe. Le musée accueille beaucoup d’enfants et scolaires car il souhaite être une plateforme de découverte des années 1920 et 1930. Y sont expliqués la manière de vivre, les contextes politique et culturel… C’est un lieu d’histoire qui souhaite être le témoin de cette époque en comportant notamment l’appartement qui est exceptionnellement conservé. Un autre espace présente une seconde exposition, qui est cette fois-ci compréhensible aux non-russophone grâce à un livret en anglais. Dédiée à l’enfance, elle permet de comprendre l’enjeu d’un scoutisme laïc pour la patrie, les jeux et autres bonbons de la vie courante. On voit aussi les parcours qui peuvent être différents selon la richesse des parents.

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Produits de la vie courante

L’éducation est une part importante de la vie de l’enfant et est politisée sous le régime soviétique. Ils lisent des livres anti-religion, font une sorte de scoutisme encadré qui leur apprend la vie en société communiste, célèbrent les jours spéciaux du « calendrier rouge »… Tout est orchestré pour que ces « pionniers » deviennent des membres utiles de la société communiste. Une attention particulière est donnée à la nature, il faut savoir cultiver son jardin et faire attention à la faune. Une autre est plus centrée sur l’aide aux plus démunis comme les sans-abris.

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Costumes des « pionniers »

Visiter cet appartement-musée est donc un retour dans une époque passée, un bond dans le temps qui permet de connaitre un Saint-Pétersbourg ancien. L’appartement même est la perle du lieu, c’est le centre de toute l’attention. Mais, le parcours dédié à l’enfance permet de mieux comprendre comment étaient éduqués les soviets, ouvrant alors sur l’histoire politique, sociale et économique de l’URSS. C’est donc certes un très petit musée mais un lieu complet où il est possible de découvrir en profondeur un aspect de cet État désormais disparu. 

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