
Le réalisateur franco-américain Damien Chazelle aime pousser la chansonnette et le jazz occupe une place importante dans sa filmographie. À l’inverse de sa comédie musicale La La Land (2016), son premier long-métrage Whiplash, sorti en 2014 et primé au Sundance Festival puis aux Oscars en 2015, développe une univers bien plus sombre dans lequel la musique n’adoucit pas les mœurs.

Andrew Neiman (Miles Teller) est un jeune batteur de dix-neuf ans qui n’aspire qu’à se tailler une place parmi les grands du jazz. Inscrit au prestigieux conservatoire new-yorkais Shaffer, il est rapidement repéré par le très redouté Terence Fletcher (J.K Simmons), qui dirige le meilleur orchestre de l’établissement. Pourtant, Andrew n’est pas au bout de ses peines pour être reconnu comme un élève digne de ce nom. En effet, Fletcher se révèle extrêmement exigeant et n’hésite pas à recourir à la violence verbale et physique pour pousser son disciple dans ses derniers retranchements. S’établit alors une lutte amère pour la reconnaissance, au nom de laquelle Neiman va sacrifier sa vie personnelle, et dont l’issue reste incertaine jusqu’aux dernières minutes du film.
À travers le personnage d’Andrew Neiman, Damien Chazelle dresse un portrait du jeune musicien très éloigné de celui du traditionnel petit prodige. Bien au contraire, ce qui nous frappe est avant tout l’immensité de l’effort qu’il investit dans la poursuite de son rêve. En effet, pendant les premières minutes du film, on comprend rapidement que le protagoniste s’entraîne avec sérieux. Rien de surprenant à cela – il est, après tout, élève dans un des meilleurs conservatoires du pays. Néanmoins, à mesure que le film avance et que se développe sa relation avec Fletcher, Chazelle montre très clairement l’impact physique immédiat des exigences du chef d’orchestre. En attestent les plans rapprochés sur les mains en sang du jeune homme, que les heures passé

es à la batterie couvrent de plaies. Dans Whiplash, l’art s’épanouit dans la douleur et la perfection ne s’acquiert que par la pratique obsessionnelle de sa discipline. Dans la vie de Neiman, tout s’efface devant la musique : aucune amitié, aucune romance n’a d’intérêt à ses yeux.
Cet amour inconditionnel pour la musique s’exprime à travers les sacrifices qu’Andrew réalise sur un plan personnel. On aurait en effet pu croire que sa liaison avec Nicole (Melissa Benoist), une jeune étudiante travaillant au cinéma qu’il fréquente avec son père, aurait pu l’aider à mieux supporter sa vie au conservatoire. Pourtant, il fait le choix de mettre un terme à leur relation, et à sa vie amoureuse en général, pour mieux se concentrer sur son art. Cet isolement se fait également sentir par la rareté des seconds rôles importants : Nicole, le père d’Andrew (Paul Reiser), et ,dans une moindre mesure, les batteurs “rivaux” Ryan Connolly (Austin Stowell) et Carl Tanner (Nate Lang) n’apparaissent jamais très longtemps à l’écran. Quant aux autres, ils ne se manifestent qu’en de rares occasions, et généralement à travers la musique qu’ils jouent plus que par un dialogue parlé.

Dans le petit monde d’Andrew, il n’y a finalement de place que pour la batterie… et Fletcher. Ce personnage, qui a valu à J.K Simmons un Oscar du meilleur acteur dans un second rôle, incarne probablement un des pires cauchemars de tout étudiant : celui du professeur sadique. Ce trait de caractère est d’ailleurs annoncé dans le titre du film, “Whiplash”, le coup de fouet, qui en dit long sur ses méthodes pédagogiques. Sur l’aveu du réalisateur, certains passages sont inspirés de sa propre expérience d’apprenti batteur ; mais en poussant ses propres souvenirs à l’extrême, il donne à voir des scènes de torture psychologique qui donnent au film un léger air de thriller. Dans un univers clos, et surtout très restreint, Andrew est systématiquement confronté à son enseignant, qui inspire en lui terreur et frustration à parts égales. À ces sentiments s’ajoute son désir d’être considéré comme un bon musicien par un homme qu’il admire autant qu’il craint. On l’observe ainsi osciller entre découragement et colère – et plus la tension monte, plus l’on se rend compte que le film ne s’achèvera que lorsque l’un des deux cédera face à l’autre.
Cet affrontement constant de deux volontés ne rend pas pour autant le long-métrage monotone. Whiplash est un film où le suspense se met ingénieusement en place, notamment grâce à l’excellente bande originale de Justin Hurwitz.
Curieux de (re)voir ce film ?
Il sera diffusé par le cinéclub de l’Ecole du Louvre le mardi 16 octobre à 18h en amphithéâtre Cézanne.
2€ l’entrée.
Pour celles et ceux qui seraient extérieur.e.s à l’école, il est possible d’assister à la séance en envoyant son nom et prénom à cineclubecoledulouvre@gmail.com.
Au plus tard 24h avant la séance !
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