
Le Château de Versailles nous propose du 6 octobre 2018 au 3 février 2019 de remonter le temps jusqu’en 1837 et d’entrer dans la peau du spectateur du XIXe siècle qui découvrait alors le musée « à toutes les gloires de France », voulu et pensé par Louis-Philippe. De manière assez ironique, ce souverain maudit de l’histoire française, puisque relégué au rang de dernier roi peu impressionnant, a créé un musée à la gloire de cette histoire qui lui est si peu redevable.
Le Versailles de Louis-Philippe
En 1830, Louis-Philippe est proclamé « roi des français » par la chambre des députés, comme un roi populaire, incarnant la nouveauté de la royauté partisane de la révolution, après de nombreuses années d’exil et d’écart du pouvoir. Son titre est représentatif de l’innovation de la monarchie contractuelle fondée sur un Pacte entre le roi et les représentants de la nation.

Ce nouveau statut, issu de la révolution, le conduit à repenser le château de Versailles. En effet, comprenant que le château ne pouvait rester une relique de l’Ancien Régime, avec tout ce que cela pouvait évoquer au peuple français, le souverain décide de réimaginer le palais dans sa totalité. De 1833 à 1847, il fait de l’architecte Frédéric Nepveu le maître d’œuvre des travaux. Il fera près de quatre cent séjours à Versailles pour surveiller l’avancée du chantier. Les Grands Appartements sont évidemment conservés, partiellement réaménagés, mais il fait totalement transformer les appartements des princes et courtisans, pour accueillir des salles consacrées à l’histoire de France, de la bataille de Tolbiac livrée par Clovis en 496 au règne de Napoléon Ier. Il s’agissait pour les artistes au service de Louis-Philippe, pour la plupart issus de la deuxième génération d’élèves de David, de représenter – avec plus ou moins d’exactitude à nos yeux contemporains – les grands événements de l’histoire du pays, et les conquêtes toutes récentes de l’Algérie, dans les salles d’Afrique. Le visiteur peut donc éprouver l’ancienne vie monarchique à travers les appartements royaux, tout en revivant les souvenirs glorieux de la nation. Louis-Philippe tend à proposer au public du XIXe siècle puis, à plus longue portée au public français de tout temps, une vulgarisation pédagogique de l’histoire française, puisqu’il souhaite ouvrir les porte du château à tous et ainsi réconcilier le peuple français alors profondément divisé tout en inscrivant son règne dans l’histoire nationale. A la fois résidence et musée, Versailles se dote d’une double identité que le palais conserve encore de nos jours. Et si le château de Versailles revêt à cette occasion une double identité, c’est pour accueillir l’œuvre et le projet d’un souverain ambigu.
Une exposition événement
A bien des égards, cette exposition est inédite. Elle est la première à être consacrée à Louis-Philippe au château de Versailles, mettant en lumière la personnalité de celui qui fut un acteur essentiel dans l’histoire du château de Versailles et de sa muséification, paradoxalement assez méconnue du grand public. Mais ce qui est tout à fait extraordinaire, c’est que le musée créé par Louis-Philippe rouvre ses portes, après plusieurs décennies de fermeture et de restauration. Ce sont trente-deux salles qui sont dévoilées, soit plus de 5000 m² inconnus du grand public.

Le visiteur est invité à poursuivre son immersion dans le Versailles du XIXe siècle à travers un parcours le menant aux salles des croisades, la galerie des batailles, la salle du Sacre (fraîchement restaurée), la salle 1792, ou encore les salles du Consulat et de l’Empire. En parcourant ces différentes salles, c’est non seulement une histoire de la France, mais aussi une histoire du XIXe siècle, qui se déroulent sous nos yeux.
Par ailleurs, l’Opéra Royal présente jusqu’au 4 novembre le seul grand décor de scène qui nous est parvenu du XIXe siècle, conçu pour un spectacle donné en 1837 par Louis-Philippe à Versailles. Ce décor représente un palais moderne, avec une vision idéalisée de la galerie des batailles. Ce décor a peu servi, et après la transformation de l’Opéra en Sénat après 1870, les toiles de fond et les frises ont été vendues. Les châssis ont été envoyés au théâtre impérial de Compiègne, où ils sont tombés dans l’oubli, jusqu’à leur redécouverte dans les années 1990. Ils ont été restaurés, et les parties manquantes ont été complétées par Antoine Fontaine et son équipe, à l’identique, avec les techniques de l’époque.

Par delà la scénographie assez simple en panneaux de couleurs pastels dans les premières salles, la commissaire d’exposition Valérie Bajou et le scénographe Hubert Le Gall mettent en exergue leur idée d’exposition historico-artistique en travaillant soigneusement chaque pièce en détail. Ainsi pourrait-on citer les lustres prêtés par le musée de Pau, retrouvant leur place originelle dans les salles des croisades, les bustes et luminaires d’origine présentés dans les galeries de pierre, ou encore le dispositif prévu pour montrer aux visiteurs de l’Opéra Royal la différence entre l’éclairage moderne et celui de l’époque, permettant de retrouver les effets de polychromie des décors.
A travers cette exposition événement, c’est donc un autre Versailles que le visiteur découvre, en même temps que la figure méconnue de Louis-Philippe, pourtant essentielle dans l’histoire du château et du musée.