Bojack Horseman : One Trick Pony

Well I don’t want to overuse my catch phrase here, but Tru Dat.

Bojack Horseman

  Bojack Horseman est sûrement devenu le cheval du petit écran le plus célèbre de ces dernière années. Et ce n’est pas sans fondement. Souvent comparée à Californication, la série produite par Netflix depuis 2014 a en effet déjà récolté de multiples prix dont deux WGA Awards pour Meilleure animation, un OFTA Television Award pour meilleure doublage (Will Arnett) et a été nommé dans de nombreuses autres institutions comme les Emmys. En tout, la série peut se targuer de 9 lauréats et 23 nominations. Les critiques sont unanimes :

Few shows on TV… make me laugh as hard as BoJack Horseman, few shows that take as long to watch because of the frequent need to pause and rewind to catch background jokes, and no shows that do those things and then punch me in the gut as effectively” Dan Fienberg – Hollywood Reporter.

Traduction substantielle : “Peu de séries…. m’ont fait rire comme l’a fait BoJack Horseman, peu de séries prennent autant de temps à regarder à cause du besoin fréquent de mettre en pause et revenir en arrière pour comprendre des blagues discrètes, et aucune série n’a fait ces choses pour ensuite me prendre aux tripes aussi efficacement”

  La série a su montrer une constante évolution vers la qualité au fur et à mesure que celle-ci avançait. Et, un peu à la manière d’un Harry Potter où tout semble joyeux et coloré au début, nous plongeons graduellement dans des eaux plus troubles et nuancées… Décryptage d’une série ô combien importante.

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Aspect réaliste de la série

  L’une des choses qui nous séduit d’emblée dans Bojack Horseman est sans aucun doute sa portée réelle. En effet, nombreux sont les sujets d’actualités et réels abordés dans cette série et la présence d’animaux humanoïdes permet une liberté accrue dans la manière dont ces faits sont traités.

  On peut notamment citer l’épisode sur les “Pro-guns” et les polémiques qui en découlent. Dans cet épisode, Lennie Turtletoe souhaite réaliser un film sur une femme tuant tout sur son passage dans un supermarché, cependant, de nombreuses fusillades interviennent dans le pays. Ce qui met à mal la promotion de ce film. Diane a côté milite contre l’usage des armes, mais paradoxalement prône que les femmes devraient avoir une arme sur elle pour se défendre contre les agressions qu’elles subissent au quotidien des hommes.

  En découle ensuite une scène surréaliste dans laquelle les députés viennent à dirent qu’ils se sentent en danger du fait que les femmes puissent porter des armes, leur argument étant que les armes ne sont pas faites pour ces dernières. De part leur construction, et du fait que ces dernières seraient “instables” pour posséder de tels outils.

  Bien évidemment on assiste dans cette épisode à une douce satire de la société Américaine et de l’extravagance des arguments tenus par les pro-armes.

  Nombreux autres sujets extrêmement durs sont traités, parmi ces derniers nous pouvons citer les relations abusives au sein d’une même famille (cf : la famille de Bojack) ou bien l’avortement et ses polémiques (extrêmement bien mises en avant et tournées en ridicule avec le “jury composé exclusivement d’hommes” répondant à la question de si oui ou non l’avortement est une abomination).

  Le fait que les protagonistes soient des animaux permet de mettre une distance entre nous et la dureté des propos tenus. Attention, cela ne minimise pas les messages passés, bien au contraire, cette liberté dans le traitement de ces propos sert justement la série et amplifie même la portée de ces messages.

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Todd: D’un simple ado à véritable adulte

  Le personnage de Todd est sûrement l’un des personnages ayant eu l’évolution la plus marquée et importante au cours des cinq saisons de Bojack Horseman. De plus, malgré les apparences, Todd réussi à nous faire passer de nombreux messages mais plus important encore : c’est bien l’un des seuls personnages ouvertement asexuels, qui pose ces mots et qui se définit ouvertement comme tel dans le paysage télévisuel.

  En premier lieu, pour ce qui est de son évolution, Todd apparaît dès le premier épisode de la première saison comme le “colocataire non désiré” de Bojack, étant visiblement apparu le lendemain d’une soirée trop arrosée pour Bojack, mais aucun détail supplémentaire ne nous est donné concernant ce dernier. Par la suite, il apparaît comme étant un jeune homme plein de rêves absurdes, mais déterminé à les réaliser (Space Opéra…) cependant aucun de ces derniers n’arrive au bout, et ce à cause notamment de la dépendance psychologique de Bojack.

  Néanmoins, lorsque Mr Peanutbutter arrive dans la vie de Todd, on assiste à un revirement de la personnalité de Todd, et ce dernier est dès à présent moins dépendant de Bojack, il prend finalement peu à peu son indépendance et cette indépendance ne cesse de prendre de l’ampleur au fur et à mesure des saisons.

  En Mr Peanutbutter il trouve un compagnon parfait avec qui monter ses projets tous plus absurdes les uns que les autres, citons par exemple leur idée d’une boutique d’Halloween ouverte seulement au mois de Janvier. Cependant, le fond de certaines idées restent extrêmement réfléchies et la mise en œuvre de ces dernières, du moins au début, est bien réalisée. Citons leur idée d’un “Uber” destinée exclusivement aux femmes pour que ces dernières se sentent en sécurité.

  De jeune adolescent dépendant dormant sur le canapé d’un inconnu rencontré en soirée, à Directeur des ventes d’une grande entreprise, Todd a connu l’une des évolutions les plus exceptionnelles et importante de la série.

  Et ce au détriment et au grand dam de Bojack, qui se sent laissé, et abandonné, ces émotions trahissant la grande détresse psychologique dans laquelle ce dernier est. En effet l’apport de Todd sur son canapé lui permettait de garder un équilibre psychologique, il semblait quelque peu plus stable. Mais depuis le départ de Todd, Bojack semble plonger de plus en plus profondément dans ses délires paranoïaques et sa dépendance émotionnelle.

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Santé mentale et sensibilisation

  Un des éléments les plus flagrants de cette série est sûrement le point de la santé mentale des personnages en eux-même. Pourtant, quoi de plus humain qu’un questionnement et une mise en valeur de la psychologie des personnages? Dans un monde où la dépression est devenu la première cause d’incapacité selon l’OMS (qui estime que plus de 300 millions de personnes vivent avec ce trouble) celle-ci est pour le moins une réalité. Mais à laquelle on ne pense pas toujours à se confronter.

  Les séries qui traitent concrètement de la santé mentale de façon correcte sont peu, et BoJack en fait partie. Dépendance, dépression, anxiété et traumatisme complexe sont ainsi au rendez vous, mais toujours en faisant de tout cela une partie du personnage, évident, mais ne se résumant pas à cela. Par exemple BoJack n’est pas que sa dépression, Sarah Lynn pas que ses addictions. Et pourtant ils les vivent. Et pas forcément d’une façon clichée : BoJack passe ainsi plus pour cynique dans les premières saisons. Ce n’est que par la suite que ce côté de personne malade est véritablement dit, indiqué. Vécu. Qu’on le comprend, par des crises de colère, par une grande culpabilisation, par des remarques, et malgré tout en continuant à vivre. Ainsi, même sans être malade on peut se projeter sur lui. Etant donné que la santé mentale est un sujet qui concerne de plus en plus de monde, et qui doit sortir des clichés dans lesquels il est relégué. BoJack est dépressif, la série est construite autour de lui, autour de son trauma complexe. Mais surtout BoJack n’est pas que cela, même si les allusions directes à la maladie se multiplient au fil des saisons. (cf la saison 4 grandement basée sur le décryptage du stress post-traumatique complexe et les retombées des familles abusives)

  Plus tard dans la série, on assiste également à un approfondissement des caractères des personnages, et à une sorte de volonté de réflexion sur ce qui les construit. Ainsi, on multiplie les flashbacks, et les incursions directes dans les psychés diverses. Et, la série n’a plus peur de montrer des consultations chez les psychologues. Des prises de médicaments. Des racines traumatiques, même, et l’influence qui peut être faite sur les personnes même des années après. BoJack n’enjolive pas la santé mentale, ne dit pas que c’est glamour ni rien. Ne sombre pas dans les clichés de la personne qui pleure constamment et ne sourit jamais. BoJack montre ce qui est. Même si c’est moche.

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Aller plus en profondeur

  Et, cette complexification psychologique des personnages principaux, va de pair avec une avancée scénaristique, ainsi qu’une évolution des moyens engagés dans la production de la série. On peut voir des évolutions graphiques au niveau du design des personnages (par exemple pour les Stilton), du jeu des doubleurs (avec notamment Aaron Paul derrière Todd qui a donné une sacrée évolution au jeune homme) des sujets abordés, et surtout de ce côté sombre. Ce qui se posait à la base comme une comédie, finit par renvoyer à ce qui se passait d’un épisode sur l’autre, avec les actions qui sont rappelées aux personnages, et qui influencent sur la suite de la série.

  Evidemment on a toujours cet humour, si cynique, mais qui est présent dans des moments sombres au possible. Pas forcément pour alléger ce qu’on a devant les yeux, mais pour donner une autre dimension. Plus personnelle, humaine et intime. Un tour de force, pour un dessin animé produit à la base comme une comédie dramatique, et basé sur des blagues concernant l’univers d’Hollywood et américain en général. L’identité de la série ne se perd toutefois pas au long des (pour le moment) cinq saisons, mais s’affirme et gagne en maturité, quitte à traiter des sujets de plus en plus graves, à mettre au pied du mur ses personnages, et les spectateurs avec les attitudes qu’ils peuvent avoir (cf l’attitude de Mr. Peanutbutter envers ses petites amies)

  BoJack est sûrement une des séries les plus plébiscitées de Netflix, par la presse notamment comme par le public. Forte de cinq saisons dont la dernière en date vient de sortir, elle se pose comme quelque chose à voir, par son humour, son scénario, et sa capacité à traiter des sujets de société d’une main de maître, sans jamais tomber dans le pathos.

 

Article co-écrit par Delphine Cibot Savignac et Valérian Gilbert

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