
Grand chef d’oeuvre d’Agnès Varda, Cléo de 5 à 7 est souvent dans les classements des meilleurs films français. Restauré en 2012, il est repassé au festival de Cannes à cette occasion et est depuis souvent projeté dans des salles de cinéma notamment à la Cinémathèque française, marque de sa valeur dans l’histoire du cinéma.
Photographe avant d’être cinéaste, Agnès Varda a réalisé son premier film en 1955 avec un tout petit budget : La Pointe courte. Dans ses films, son regard de photographe apparaît, mais aussi son regard de femme. En effet, en tant que réalisatrice elle se retrouve dans le mouvement de la Nouvelle Vague et elle en est la seule grande représentante féminine, le reste du milieu étant très masculin.

Cléo de 5 à 7 est son second long-métrage de fiction, il est réalisé en 1961 et sorti en 1962. Il raconte, en temps réel, les 2h que passent Cléo, une jeune chanteuse plutôt frivole, alors qu’elle attend des résultats médicaux pour savoir si elle a un cancer. Elle ère dans Paris à la recherche de soutien pour lutter contre sa peur de la mort. Au fur et à mesure que le film avance, Cléo perd en frivolité et gagne en profondeur.
Le film permet ainsi de faire un tour dans le Paris qu’aime Agnès Varda, de la rue de Rivoli à la Pitié Salpêtrière, en passant par le parc Montsouris et par le quartier de Montparnasse.
On retrouve, comme dans les films de son mari Jacques Demy, la musique de Michel Legrand. De la même manière, Corinne Marchand, l’actrice de Cléo, a été découverte par Agnès Varda dans Lola de Demy où elle joue l’une des danseuses. Vous pourrez vous laisser bouleverser par la scène où elle interprète Sans toi, Michel Legrand au piano, avec un magnifique regard-caméra.

Ce film est plein de contraintes : il est tourné en temps réel, dans un espace géographique défini et pas en studio. Pourtant, il est d’une grande liberté. A ce propos, Roger Tailler, critique chez Positif dira « Cléo est donc en même temps le plus libre des films et le plus prisonnier de contraintes, le plus naturel et le plus formel, le plus réaliste et le plus précieux, le plus émouvant à voir et le plus beau à regarder. »

Au cours du film est projeté un petit court-métrage muet burlesque : Les fiancés du pont Macdonald. Il rend hommage à la Nouvelle Vague et ses grands représentants. On y retrouve des figures comme Jean-Luc Godard ou Anna Karina. L’intrusion de ce film dans Cléo de 5 à 7 met en avant la position d’Agnès Varda au sein de ce groupe : elle en fait parti et pose un regard attendri sur eux. Elle est en même temps légèrement en retrait ce qui lui permet aussi de porter un regard plus moqueur.
Les fiancés du pont Macdonald, bien qu’il soit court et en dehors de l’histoire elle-même, est un passage très important qui permet vraiment de montrer l’esprit Nouvelle Vague : la cinéphilie et le goût pour l’histoire du cinéma, mais aussi tout simplement un groupe d’amis qui participent plus ou moins directement aux films des uns et des autres. « La lumière de ce jour-là et la bonne humeur générale reste pour moi un souvenir qui symbolise la Nouvelle Vague telle que nous l’avons vécue, l’imagination au pouvoir et l’amitié en action. » déclarera Agnès Varda à propos du tournage de ce court-métrage.

Par ailleurs, l’engagement de l’artiste transparaît de manière très ponctuelle, mais suffisante pour censurer le film jusqu’à 1962. En effet, alors que Cléo rencontre Antoine, un soldat qui part pour la guerre d’Algérie, celui-ci dit avoir peur de mourir pour rien, il aurait préféré mourir pour l’amour plutôt que pour la guerre. Pour cette simple affirmation pacifiste, le film ne pourra pas sortir avant la fin de la guerre d’Algérie. La suite de la carrière d’Agnès Varda montre bien cet engagement : elle participe en 1967 au documentaire collectif Loin du Vietnam pour ne donner qu’un exemple.
Le film a été présenté à Cannes, puis à Venise, et a reçu de très belles critiques. Aujourd’hui considéré comme l’un des films les plus importants de la Nouvelle Vague et de l’histoire du cinéma français, il continue à plaire et à séduire. A tel point que dans les années 80, Madonna voulu en faire un remake…
Sirine Pons

On vous a donné envie de voir le film ? Ça tombe bien le ciné club de l’école du Louvre propose une projection de Cléo de 5 à 7 d’Agnès Varda le mardi 22 janvier à 18h pour 2 euros seulement. Séance à l’école du Louvre en amphithéâtre Dürer. Plus d’infos ici. Réservation obligatoire pour les extérieurs, minimum 24h à l’avance à l’adresse mail cineclubecoledulouvre@gmail.com.
On vous conseille aussi les Quinze jours avec Agnès Varda à la Cinémathèque Française du 16 au 28 janvier 2019. Plus d’infos ici.
Image à la une : Crédit : Cléo de 5 à 7, Agnès Varda (source : labibleurbaine.com)