
Vous manquez d’idées lectures en ce moment ? Envie de faire des découvertes, de vous essayer à de nouveaux genres littéraires ? Cinq rédacteurs de Florilèges vous proposent leurs coups de cœur livres ! Romans historique, jeunesse, biographique, contemporain ou polar, à vous de choisir !
Célia vous recommande : HHhH de Laurent Binet
Prix Goncourt du premier roman, HHhH est un roman historique de Laurent Binet qui entend reconstituer la tentative d’assassinat d’un haut dignitaire nazi par des résistants tchèques en 1942.
HHhH c’est d’abord un surnom. Celui donné par les SS à Reinhard Heydrich, le bras-droit d’Heinrich Himmler, l’instigateur de la Solution finale et un proche d’Hitler. Car HHhH c’est Himmlers Hirn heißt Heydrich soit “le cerveau d’Himmler s’appelle Heydrich”.
HHhH c’est le « Boucher de Prague », qui reçoit le protectorat de Bohême-Moravie des mains d’Hitler en 1941.
HHhH c’est enfin la cible de l’opération Anthropoid menée par la résistance tchèque soutenue par les Anglais, et qui vise à le tuer.
A la fois récit de la montée du nazisme et de l’occupation de la République Tchèque (notamment de sa capitale, Prague), HHhH se révèle également être une réflexion sur les difficultés d’un auteur à écrire sur des Hommes qu’il n’a pas connus, à partir de témoignages qui peuvent se contredire.
Quand s’arrête l’Histoire et débute la fiction ?
A partir de quel moment trahit-on l’Histoire ? Dès lors qu’il faille choisir entre deux témoignages discordants pour faire avancer le récit ? En décidant de créer des dialogues qui n’ont peut-être jamais existé pour mettre en lumière la pensée des personnages ?
Faut-il inventer l’Histoire lorsque l’on n’a aucune source ?
Organisé en deux parties, l’une sur la tentative d’assassinat, l’autre sur ses répercussions, mêlant documents d’archives, discours, réflexions personnelles, notes historiques, HHhH nous emmène à Berlin, à Londres et même à Paris chez le narrateur et fait revivre Prague sous l’occupation allemande.
Un livre haletant, très rapide à lire, que vous ne lâcherez pas même si vous connaissez l’issue de l’opération menée pour assassiner celui que l’on surnommait “la Bête Blonde”.
Marie vous recommande : Brexit Romance, de Clémentine Beauvais
Un véritable coup de cœur pour cet OVNI de la « littérature jeunesse ». En quatre actes, le récit suit différents personnages qui se retrouvent liés les uns aux autres par le destin, enfin, plutôt par la jeune start-up « Brexit Romance », qui permet d’organiser des mariages blancs entre Français et Anglais.
Brexit Romance, c’est l’histoire de Marguerite, Pierre, Justine, Cosmo et bien d’autres personnages, mais c’est surtout un panorama très observateur de la génération des « millenials » dans un contexte de crise post-Brexit. On retrouve donc un noyau de jeunes urbains progressistes, un peu « bobos », très branchés sur le « Politiquement Correct », mais aussi des questions sur la montée de l’extrême droite, l’immigration, l’homosexualité, le chômage, l’avènement des réseaux sociaux et bien d’autres thématiques assez inhabituelles dans un roman « jeunesse ». L’auteure a réussi à traiter l’événement du Brexit, pourtant très récent, avec beaucoup de recul et de discernement quant aux différents enjeux. Mais l’aspect politique n’est pas non plus indigeste, car l’auteure aborde les événements non pas de manière frontale, mais plutôt comme un arrière-plan, un décor de théâtre, servant de trame à des histoires plus personnelles et individuelles.
Le récit très enlevé, riche en rebondissements et en quiproquos, a un côté très théâtral, très « marivaudesque ». Il faut particulièrement souligner le style de Clémentine Beauvais, très riche et intelligent. L’auteure joue avec brio sur la langue anglaise et notamment l’humour britannique, si particulier, qu’elle maîtrise à merveille.
Valérian vous recommande : Jimi Hendrix, l’expérience des limites, de Charles R. Cross
On connaît tous Jimi Hendrix d’une manière ou d’une autre. Que ce soit pour son apparition au légendaire festival de Woodstock en 1969 avec son incroyable interprétation de Star Spangled Banner, pour des titres devenus des hymnes comme Purple Haze ou encore sa reprise de Hey Joe. Ou pour sa présence dans le tristement célèbre “Club des 27”. Tout le monde s’accorde pour dire que Jimi Hendrix fait partie des meilleurs guitaristes du monde moderne. Considéré par ses pairs comme un révolutionnaire, il repoussa les limites de l’imaginable et fit tonitruer sa guitare sur les plus grandes scènes du monde.
Cette biographie rédigée par Charles R. Cross, connu pour avoir écrite celle de Kurt Cobain, nous embarque dans un voyage introspectif sur qui était véritablement le prodige du “manche à balais” (car c’est en jouant sur un manche à balais que le petit Jimi a fait ses débuts). Des quartiers pauvres de Seattle à la reconnaissance mondiale, d’abord rejeté par ses pairs puis reconnu comme un génie, ce livre bouleversant et plein de détails vous permettra de tisser une relation presque intime avec l’un des plus grands guitaristes de tous les temps.
Un livre qui se lit avec une facilité hors norme. Musicien ou curieux, je ne peux que vous recommander la lecture de cet ouvrage des plus prenants !

Anne-Elise vous recommande : Une vie sans fin de Frédéric Beigbeder
En 2018, Frédéric Beigbeder faisait son retour avec un nouveau roman, une petite merveille pour ceux aimant son style particulier et cru. Le début ne se compose que de « punchlines », chaque phrase pourrait être une légende de photo Instagram. Mais, il y a derrière une réelle description et interprétation de notre monde contemporain. En effet, notre société est encore une fois passée au crible, mise à nue et à mal. Une entrée chic et choc pour poser les bases de cette histoire entre un père et une fille, ce premier lui promettant de trouver un remède pour que plus personne, et surtout leur famille, ne puisse plus jamais mourir.
Sur cette trame, se greffent plusieurs réflexions qui traitent autant de la religion que du monde des médias. Une sorte d’état des lieux sur ce que pouvait être le monde en 2016 et comment son personnage singulier le vivait. Beaucoup de parties semblent scientifiques, des propos parfois tordus mais, au fur et à mesure que les chapitres passent, le ton devient plus romancier qu’essayiste. On se laisse bercer par cette aventure familiale mettant en avant l’amour que peut porter un père à ses enfants. Les phrases chocs diminuent pour quelque chose de plus poétique même si la volonté de réflexion reste identique.
On ne parlera donc ici pas trop de l’histoire en elle-même pour vous éviter tout « spoil » mais plutôt des réflexions qu’entrainent la lecture. Il se peut que vous mettiez plusieurs minutes à lire deux phrases car il est possible que vous partiez dans vos pensées et vos propres interrogations. C’est là un des enjeux principaux de ce livre et une de ses caractéristiques : faire réfléchir le lecteur sur ce monde décrit plutôt que sur l’histoire en elle-même, qui n’est alors ressentie que comme un propos secondaire permettant de lier les différents éléments évoqués. Ce livre vous est alors conseillé si vous aimez vous triturer les méninges sans cesse et si vous aimez l’écriture contemporaine car oui, ne vous attendez pas à du Flaubert.
Camille vous recommande : Irezumi d’Akimitsu Takagi
Soulagés, reprenant leurs esprits dans un silence analgésique, les deux hommes restaient interdits, brusquement surpris par le son imperceptible et régulier d’un bruit d’eau qui coule. Sortis de leur torpeur de l’instant, ils reprirent leur investigation. Fermée de l’intérieur, la porte de la salle de bain où se faisait entendre le bruit incessant laissait poindre une petite fente. Devant les yeux de nos deux protagonistes se découvrait dans la pièce hermétiquement fermée de l’intérieur l’horreur absolue, un sordide carnage aux effluves pernicieuses. Démembrée, il ne restait de la belle et sulfureuse Kinue Nomura que les membres et la tête ; le tronc était manquant… Porteuse d’un magnifique irezumi, le tatouage traditionnel japonais qui faisait de la jeune femme une œuvre d’art vivante avait pour ainsi dire disparu…
Paru en 1948 et vendu à près de dix millions d’exemplaires, Akimitsu Takagi signe un classique du polar nippon, Irezumi, paru en France seulement en 2016 aux éditions Denoël. Situé dans le Tokyo d’après-guerre, en 1947, l’auteur évoque dans son roman les tabous et les mœurs de la société japonaise et revient sur les perceptions du tatouage dont les porteurs et porteuses attirent indubitablement convoitises, fantasmes et fétichismes au même titre que notre Kinue aux nombreux admirateurs. La violence du crime, le suspense haletant, projettent le lecteur dans un univers épatant. Suivant le déroulement de l’enquête au gré de notre trio policier, le lecteur se perd entre les énigmes impossibles et les mobiles multiples… un puzzle savamment résolu avec l’aide du prodigieux mathématicien et docteur Kyôsuke Kamizu.
Infos pratiques :
- HHhH de Laurent Binet, éditions Grasset, 2010, 448 p., 21€25
- Brexit Romance de Clémentine Beauvais, éditions Sarbacane, 2018, 456 p., 17€
- Jimi Hendrix, l’expérience des limites,de Charles R. Cross, éditions Camion blanc, 2006, 512 p., 34€
- Une vie sans fin de Frédéric Beigbeder, éditions Grasset, 2018, 360 p., 22€
- Irezumi d’Akimitsu Takagi, éditions Gallimard, 2018, 336 p., 7,90 €