Un Rêve d’Italie, La collection du marquis de Campana

Depuis le 7 Novembre dernier et jusqu’au 18 Février, se tient au musée du Louvre une exposition plaçant au cœur de son déroulé un homme peu connu du grand public : Giempetro Campana, marquis et collectionneur du XIXème siècle, directeur du Mont-de-Piété (organisme de prêt sur gage) de Rome et grand collectionneur de son temps.

Giempetro Campana

À la fois directeur du Mont-de-Piété, établissement pontifical, le marquis ne limite pas ses activités à cela, puisqu’il était aussi entrepreneur, philanthrope, mécène pour ne citer que ça. Né en 1809, c’est à la fin des années 1830 que Campana commence véritablement à se faire connaître dans la société romaine de son époque, ainsi que parmi les grandes élites européennes. Cela lui est facilité par sa direction novatrice du Mont-de-Piété (qui lui a permis d’effacer toutes les dettes de ce dernier), mais encore et dans un autre domaine, par ses recherches archéologiques et sa réputation de grand collectionneur.

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Photographie de Giempetro Campana

Pendant ses trente ans de carrière, Campana essaye de donner une représentation de « l’Italie » par le biais de sa collection. Il tente d’en offrir un portrait allant de l’époque antique à l’époque moderne, avec toutes les innovations artistiques que les artistes italiens ont pu offrir au cours des siècles. Cela prend place dans une époque où cette « Italie » n’est pas encore née, puisqu’elle est alors divisée entre de multiples états. Au cours des années 1860 et après de plusieurs années de maturation, l’Italie que l’on connaît aujourd’hui est en train de se former, c’est le Risorgimento, la renaissance ou la naissance d’un état italien. Campana aurait ainsi participé, à sa manière, à cette unification. Cela est d’autant plus intéressant que le collectionneur travaillait pour le pape qui s’opposait à cette idée du Risorgimento.

En novembre 1857, Campana est arrêté et emmené à la prison de San Michele. Pour former sa collection, celui-ci a détourné l’argent du Mont-de-Piété. En 1858, le marquis Campana est condamné à vingt ans de réclusion. En 1859, le pape Pie IX a accepté de modifier la peine de prison à un exil perpétuel de l’État de l’Église, contre la cession de tout le patrimoine du marquis au bénéfice du gouvernement pontifical. En 1861, une grande partie de la collection fut vendue à la Russie et à la France.

L’exposition

Dans sa partie introductive, l’exposition présente le marquis de Campana, son histoire familiale, sa carrière et des ouvrages d’archive montrant les mises en scène de ses villas, où prenaient place ses collections.

L’exposition se divise ensuite, en plusieurs parties permettant de comprendre plus aisément l’ampleur de ce que la collection devait être. Cette division suit celle donnée dans les Cataloghi del Museo Campana, catalogues des œuvres écrits par les collaborateurs du collectionneur au moment de ses ennuis judiciaires. Douze classes se détachent donc dans ces écrits et sont reprises ici.

Huit de ces classes regroupent des œuvres d’art antique et quatre donnent une vision plus moderne du patrimoine italien.

  • La première concerne les vases peints et italo-grecs ;
  • La seconde, les bronzes étrusques et romains. L’armement y est mis en valeur par le biais de casques antiques du IVème siècle av. J.-C. prêtés par le musée de l’Ermitage ;
  • La troisième met en valeur les ors, l’argent, et la glyptique étrusque et romaine. Des bijoux antiques présentent ainsi la richesse technique de l’orfèvrerie étrusque et italique ;
  • La quatrième illustre les œuvres plastiques ou les terres cuites étrusques et gréco-romaines, les sculptures étrusques en albâtre et pierre indigènes, cela permettait par exemple de mettre en valeur le Sarcophage des Époux, œuvre phare du Département des antiquités étrusques du musée du Louvre ;
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Sarcophage des Époux, terre cuite, 520-510 av. J.-C., Caere, production étrusque, musée du Louvre
  • La cinquième s’intéresse aux verres étrusques, romains et phéniciens ;
  • La sixième, aux peintures étrusques très anciennes de Caere et fresques grecques et romaines ;
  • La septième, à la sculpture gréco-romaine ;
  • La huitième classe rassemble des œuvres de la renaissance de la peinture en Italie, de l’époque des écoles byzantines jusqu’à la peinture de Raphaël. C’est dans celle-ci que se plaçait le tableau de la Bataille de San Romano de Paolo Uccello, aujourd’hui conservé au musée du Louvre ;
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Bataille de San Romano, Paolo Uccello, 1456, musée du Louvre
  • La neuvième montre des œuvres des principaux représentants et maitres de la peinture italienne des débuts des années 1500 jusqu’à 1650 ;
  • La dixième présente le cabinet de peintures en majolique d’artisans italiens du XVème et XVIème siècles ;
  • La onzième offre un panorama des sculptures en majolique de Luca Della Robbia et de ses contemporains, et des bas-relief en marbre de Donatello et Michel-Ange ;
  • La douzième est considérée comme la dernière classe antique et concerne les objets divers de curiosité et d’érudition, étrusques et romains.

Pour clore l’exposition, une dernière salle est consacrée au procès du marquis, ainsi qu’à des objets à l’histoire étonnante. Certains de ces objets, des antiques par exemples, ayant été modifiés ou reconstitués ou encore copiés après leur découverte au XIXème siècle, pour satisfaire les goûts de la mode archéologique qui baignait les cours européennes. Le collier étrusque d’Acheloos en témoigne à merveille.

Conclusion

Cet événement visait surtout à rassembler des œuvres majeures de la collection en un même lieu, pour donner l’idée au spectateur de l’ampleur de l’intérêt artistique qu’elle pouvait avoir au XIXème siècle. Cette exposition permet finalement de découvrir un personnage étonnant, dont les collections ont offert de nombreux chefs-d’œuvre de toutes époques que beaucoup d’entre nous observons sans nous douter qu’un lien les unit. Abordable pour un public ne connaissant pas le marquis de Campana, cet événement présente plus de cinq cent œuvres. Fait en coopération avec le musée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg, il sera visible au cours de l’année 2019, aux musées du Capitole à Rome, avant de finir son expédition au musée de l’Ermitage.

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