
Que vous la célébriez ou non, la Saint-Valentin est un moment idéal pour parler d’amour : qu’il soit passionnel, platonique, destructeur ou galant, l’amour n’a cessé d’inspirer les artistes, et ce, quelle que soit l’époque et l’aire culturelle. Laissez-vous guider par les rédacteurs de Florilèges, qui vous présentent ici une sélection de quelques œuvres en lien avec ce sentiment universel…
Anne-Elise : La mort d’Hyacinthe par Jean Broc, 1801, Musée Sainte-Croix de Poitiers.
Présentée au Salon de 1801, l’oeuvre reçut une bonne critique malgré certains dires qui la caractérisaient de bizarre et d’originale. En effet, c’est tout un nouveau courant artistique que l’on retrouve ici : un mélange de néo-classicisme, d’éclectisme, d’atelier de David et un goût du primitivisme par les lignes. Mais surtout, elle annonce le romantisme et le symbolisme, le sujet représenté aide alors à ce point. L’épisode est tiré des Métamorphoses d’Ovide : lors d’une partie de jeu de disque, Apollon tue accidentellement son amant Hyacinthe. L’arme du crime a été poussée par Zéphyr, le vent, qui était aussi amoureux d’Hyacinthe et très jaloux d’Apollon. On retrouve l’objet au sol, aux pieds de la victime qui ploie dans les bras de son compagnon.
Une tendresse dans les gestes, les yeux clos, la passion est palpable : l’amour est là, présent. Les couleurs plutôt pastels et les lignes délicates rendent une atmosphère onirique. La lumière prend son importance, donne une puissance aux cheveux d’or qui flottent comme le voile par le biais du vent coupable. C’est tout un monde qui englobe le spectateur par la taille de la toile (1,75m de haut pour 1,20m de large). Un rêve peint qui ne donne pas un lieu précis, un paradis qui possède des parts d’ombre. Ce sujet est très peu traité et il se peut que Jean Broc en eut l’idée en voyant l’oeuvre de Benjamin West qui porte le même nom. Un sujet beau et honorable mettant avant toute chose le pouvoir de l’amour quels que soient les moments vécus, la tendresse à son paroxysme même si la mort survient. Présenté dans de nombreuses expositions, ce tableau l’a notamment été lors d’Amour qui s’est tenu au Louvre-Lens cet automne.
Marie : Pèlerinage à l’île de Cythère, par Watteau, 1717, Louvre
Ce tableau, morceau de réception du peintre pour l’Académie royale de peinture, est l’une des premières peintures de Fête Galante, catégorie dans laquelle les sujets sont pour la plupart issues du monde littéraire et théâtral, montrant une réunion d’amoureux dans un cadre naturel.
Le Pèlerinage à l’île de Cythère représente plusieurs couples de jeunes gens, prêt à embarquer à bord d’un navire. Le sujet est quelque peu ambigu : on ne sait pas dans quel sens il faut le lire. Ces couples embarquent-ils pour l’île de Cythère, lieu de culte de la déesse de l’amour, Aphrodite, ou s’apprêtent-ils à la quitter ? Jusque dans les années 1860 on pensait qu’il s’agissait de l’embarquement. Mais, depuis, cette lecture a été remise en cause : l’hypothèse du départ est de plus en plus privilégiée, appuyée sur l’atmosphère mélancolique et nostalgique, qu’on peut constater par les postures et les expressions de plusieurs dames. La présence de la statue de la déesse à droite serait également un indice confirmant cette lecture. L’ambiguïté a sans doute été voulue par Watteau lui-même, permettant au spectateur d’imaginer sa propre interprétation de la scène. Le paysage, peint de manière assez libre, les formes évanescentes et brumeuses ainsi que le coloris suave donnent à ce tableau une atmosphère de vision entre le rêve et la réalité. Watteau fait donc de cette réunion d’amoureux une oeuvre intemporelle, qui aura beaucoup de succès dès sa réception. Watteau réalisa d’ailleurs une deuxième version pour Jean de Julienne, cédée à Frédéric II de Prusse, aujourd’hui conservée au château de Charlottenburg.
Elvire : La Cathédrale d’Auguste Rodin, 1908, pierre, 31,8 cm, Musée Rodin, Paris.
Artiste de la rencontre, dont les sculptures trahissent souvent les différents stades de sa relation avec Camille Claudel, Auguste Rodin réalise en 1908 La Cathédrale alors que la femme de sa vie et la plus adulée de ses élèves l’a quitté depuis plusieurs années, réfugiée dans l’isolement et la mélancolie. Représentation de deux mains droites entrelacées, proches de l’effleurement, l’oeuvre évoque avec ingénuité la préfiguration d’une caresse de deux êtres anonymes, vous, moi, quiconque à la rencontre de l’autre. Illustration de la fièvre confuse et retenue d’un amour naissant, la composition de cette œuvre invite à en faire un tour complet, dans un dynamisme dansant et harmonieux, repérable dans d’autres œuvres du couple de sculpteurs comme La Valse de Claudel et le célèbre Baiser de Rodin. Ces deux mains délicates et identiques semblent appartenir au même être, peut-être en référence à la communion de deux âmes-sœurs, posture parfois illusoire et toujours difficile à tenir. D’autres y verraient la rencontre vers soi, la quête d’un amour-propre, ou encore la représentation de deux êtres qui se quittent, vaine quête de l’amant-miroir.
Célia : François-André VINCENT (Paris, 1746-1816), Renaud et Armide, vers 1787, huile sur toile, musée Fabre de Montpellier.

Renaud et Armide est une huile sur toile du peintre d’Histoire François-André Vincent, aujourd’hui méconnu du grand public. Prix de Rome en 1786 et académicien dès 1777, il expose ainsi au Salon où il acquiert une certaine renommée.
En 1786 ou 1787, le comte d’Artois frère de Louis XVI et futur Charles X commande l’oeuvre auprès du peintre. Dans une lettre datée du 16 janvier 1787, François-André Vincent précise que son Renaud et Armide est terminé. Le tableau est ensuite présenté au Salon de 1787 comme peinture d’Histoire avec la mention « appartient à Monseigneur le Comte d’Artois ». Notre tableau a pourtant de petites dimensions (104 x 122 cm) qui ne correspondent pas à une peinture d’Histoire. Il s’agit en effet d’une copie destinée à des amateurs. On en trouve un exemple similaire dans la collection Horvitz à Boston. Ces copies montrent que la toile originale a eu un beau succès et sont d’autant plus importantes que l’œuvre d’origine a disparu. Quand le Comte d’Artois passe commande auprès de François-André Vincent, il ne semble avoir qu’une seule demande : la représentation du triomphe de l’amour sur les armes. En effet, avec un Mars et Vénus de Ménageot et le Pâris et Hélène de David, il veut former un triptyque sur le thème des amours célèbres. A sa mort en 1794, les trois tableaux sont ainsi retrouvés ensemble dans sa demeure parisienne du Temple.
Les amours de Renaud et Armide sont issus d’un poème épique du Tasse, La Jérusalem délivrée, publiée la première fois en 1581. L’histoire se déroule au temps de la première croisade où se rencontrent et s’aiment le croisé Renaud et la magicienne musulmane Armide. Cette dernière ensorcelle le chevalier pour gagner la guerre sainte, mais en tombe fatalement amoureuse. Lors de sa présentation au Salon, le tableau était ainsi accompagné d’un extrait du Tasse. Or, contrairement à la majorité des peintures montrant Armide s’enfuyant dans son char doré, ou Renaud endormi par les sortilèges de la magicienne, François-André Vincent choisit de représenter un autre passage de la Jérusalem délivrée : celui où la magicienne Armide désespérée après avoir perdue la guerre sainte et l’amour de Renaud libéré de ses sortilèges, décide de se suicider avec une de ses flèches. Elle se retire dans un vallon abandonné pour se donner la mort. Pourtant désensorcelé, Renaud la suit et se précipite pour l’en empêcher. François-André Vincent représente exactement ce moment, en y mettant force détails comme on peut le voir en comparant avec le passage tiré du Tasse :
« […] Armide se retourne et le découvre soudain, car elle ne l’avait pas d’abord entendu venir : elle pousse un cri, et du visage aimé détournant le regard avec dédain, elle s’évanouit. Elle tombe, comme une fleur à demi coupée, ployant son cou flexible ; il la soutient, prêtant à son beau flanc la colonne de ses bras, tandis qu’il desserre sa robe sur son sein »
Traduction de la Jérusalem délivrée par la Librairie générale française, 1996
Une fin heureuse en somme, que Le Tasse supprimera dans son second ouvrage La Jérusalem conquise en 1593 mais qui correspond à l’esthétique de la fin du XVIIIe siècle où les amants sont noyés dans un cadre de verdure à la manière d’un Fragonard.
Pour voir l’oeuvre : Rendez-vous au musée Fabre (Montpellier) salle David
Andres : Flore et Zéphyr de Jan Brueghel l’Ancien, 1617, huile sur toile, Schloss Mosigkau, Dessau, Allemagne
L’artiste Jan Brueghel l’Ancien a ici coopéré avec le peintre Peter Paul Rubens pour évoquer un mythe empli d’amour. Durant les temps divins, une très belle nymphe se promenait dans les parterres fleuris d’une clairière. Sa beauté et sa pureté ont très vite attiré Zéphyr, l’incarnation du vent d’ouest et fils d’Éole. Sa passion brûlante amena la divinité à se métamorphoser en une rafale qui fit s’envoler la nymphe Chloris. Cette dernière fut conduite par les vents jusqu’à un jardin clos qui deviendra le légendaire Jardin de Flore. Arrivée dans ce lieu sacré, la jeune femme put enfin voir le vrai visage de son ravisseur dont elle tomba profondément amoureuse, Zéphyr. Vivant ensemble dans ce jardin, ils finissent par se marier. En guise de cadeau, la nymphe devient la déesse de la floraison et des fleurs et se métamorphose alors en Flore. Elle devient également l’une des maîtresses des saisons, incarnation du printemps ainsi que de la fertilité.
Jan Brueghel l’Ancien et Rubens ont ici représenté la déesse entourée de champs floraux, une couronne de fleurs dans ses cheveux et adossée à un immense bouquet. Elle récupère dans un linge les fleurs que lui ramène son amoureux ailé. Le jeu de regard des deux reflète leurs sentiments qui sont également personnifiés par deux Amours. Les multiples couleurs des plantes rouges, dorées et blanches viennent se marier dans un paysage luxuriant sur un fond de ciel bleu zébré de jaune.
Cette toile a très certainement été une commande de Frederick Hendrik et de sa femme Amalia van Solms. Il est fort possible que les deux divinités incarnent les commanditaires tandis que les Amours peuvent représenter les enfants du couple.
J’aime beaucoup la Cathedrale de Rodin . Ce sont deux mains qui represente une architecture comme l’architecture d’un corps . Il y a deux cotés . C’est complementaire . Ceci n’est qu’un point de vue , Bien sur .
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