Anne Brontë, romancière proto-féministe ignorée ?

Anne Brontë (1820-1849) était à la fois une fille de prêtre anglican, et la moins étudiée de sa famille. Cependant, si on se penche sur son travail, il est à la fois plus frappant et acerbe, et bien plus empreint de religion que ne le sont les œuvres de Charlotte ou Emily ; ce qui est principalement dû au fait que sa tante, dévote au point de citer la Bible sur sa théière, a eu une grande influence sur Anne dans sa jeunesse.

Deux romans, deux moyens d’envisager la condition de la femme au milieu du XIXe siècle anglais

Bien qu’elle soit morte relativement jeune, à l’âge de 29 ans, Anne écrivit deux romans : Agnes Grey (1847) et The Tenant of Wildfell Hall (1848), Helen, ce dernier contant l’histoire d’une femme qui, malgré les conseils de sa tante pourtant pieuse, se marie à un homme qui se révèle être alcoolique, abusif et pêcheur. Le premier est quant à lui l’histoire d’une fille de prêtre anglican qui devient gouvernante pour des enfants de la bourgeoisie des environs. Ces deux textes, interrogeant les notions de bien et mal, sont écrits d’un point de vue interne : la forme choisie est à chaque fois celle d’un journal. Ils grouillent de sous-entendus référents à la Bible ainsi que de citations. Dans The Tenant of Wildfell Hall, la tante d’Hélène lui signifie ainsi que le vrai amour ne peut pas se trouver avec un « infidèle », soit avant que le mariage entre les deux ait lieu. Le personnage aurait d’ailleurs été inspiré par la tante d’Anne.

Anne a pour but d’être la plus réaliste possible dans ses romans, en décrivant la vie avec tous les défauts qu’elle pouvait y constater, et ne tenant pas compte du point auquel tout cela pouvait sembler choquant aux yeux du lecteur. Pour citer Mary Sinclair, « The slamming of Helen Huntingdon’s bedroomdoor against her husband reverberated throughout Victorian England »  : « le claquement de la porte de la chambre d’Hélène Huntingdon face à son mari se répercuta durant toute l’époque victorienne anglaise ». Elle utilisa ainsi sa propre expérience de vie, dont son vécu en tant que gouvernante, pour écrire ses romans. Sa grande sœur, Charlotte, refusa pour ces raisons, tenant ainsi du choc et de l’atteinte aux bonne mœurs au vu des sujets dépeints, pour refuser une réédition de The Tenant après le décès de sa sœur.

Un oubli qui commence à être réparé

Anne Brontë a été redécouverte dans les dernières décennies, plus particulièrement à partir des années 80, avec en moyenne un texte publié sur elle par an depuis. La majorité de ces textes sont cependant des articles par écrit The Brontë Society.  Après quasiment un siècle à être survolée par les critiques littéraires, dans l’ombre de ses sœurs, jugées monstres de la littérature anglaise. Comme cette redécouverte a eu lieu lors de la troisième vague du féminisme dans le monde occidental, une plus grande insistance a été placée sur l’expression de la féminité en elle-même dans ces livres, les personnages féminins ou la religion (et quelques travaux ont été réalisés sur l’éducation).

Proto-féministe?

S’il est sûr qu’on ne peut pas parler de féminisme avec Anne au sens où le mot n’avait à ce moment jamais été écrit ou prononcé (il faut pour cela attendre Alexandre Dumas fils dans les années 1870 pour proférer ce qui, à la base, était une insulte envers les hommes se féminisant) ; l’appellation de proto-féministe semble lui convenir. De fait, ses livres n’hésitent pas à dénoncer des abus de classe dirigeante envers les travailleurs, ou même le pouvoir que peuvent avoir les hommes sur les femmes à cette époque, et qu’ils n’hésitent pas à prendre. Cependant, plus qu’une volonté de dénoncer les hommes et la condition des femmes, et ce même si ses personnages féminins sont décrits comme étant plus forts que leurs homologues masculins (on pense là notamment à la mère d’Agnes Grey qui prend toutes les décisions au sein de son foyer et n’hésite pas à rejeter les aides de personnages masculins), Anne se situe, comme elle l’avoue la dans la préface de la réédition de son second roman, plus dans une démarche de véracité par rapport à ce qu’elle constatait. Pas pour dénoncer des mécanismes d’oppression systémique mais plus pour montrer ce que fait le péché sur les humains.

 

Considéré comme une des premières romancières féministes, Anne Bronte allie choc et religion pour proposer des romans sociaux, peintures de ce qu’elle considérait comme étant le réel.

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