
Le sexe, l’un des plus vieux sujets du monde : tout le monde en parle, tout le monde y pense, tout le monde pratique plus ou moins la chose. Est-ce que la manière dont nous concevons la sexualité au 21ème siècle est proche ou très différente de celle de nos ancêtres romains, grecs, égyptiens ou encore babyloniens ?
Honnêtement, tant que l’on n’a pas réveillé une momie comme Adèle Blanc-Sec afin qu’elle nous explique les règles de l’accouplement humain au 15ème siècle avant J.-C. et accessoirement le secret de la fusion nucléaire, il nous est difficile de répondre. Cependant, de nombreuses sources existent et nous permettent d’entrevoir un début de réponse. Une des premières à le mentionner, commune à la plupart des cultures antiques, ce sont les récits mythologiques. Ils fourmillent de détails quand aux amours des différents dieux et déesses. Il y a les adultères répétitifs de Zeus racontés par Ovide dans ses Métamorphoses, les amours de Danaé ou bien encore ceux de la nymphe Callisto.
Pour la mythologie égyptienne, il y a l’histoire du pauvre Osiris n’arrivant pas à reconnaître sa femme de celle de son frère car il s’agit de jumelles. Enfin, au Proche-Orient, il y a la mention par le héros Gilgamesh dans l’épopée du même nom, de nombreux amants malchanceux de la déesse Inanna.
Ces sources nous apportent un début de réponse, mais elles évoquent les amours des dieux. Elles ne touchent pas au monde des mortels ; ce sont avant tout des récits, se voulant porteurs d’une explication ou d’une morale. A titre d’exemple, si l’on prend ces récits comme le témoignage véridique de ce que pouvait être la vie sexuelle durant l’antiquité, cela reviendrait à faire de 50 Shades of Grey (E.L James) un résumé de la vie sexuelle des hommes et femmes du 21ème siècle.
Les textes de loi, constituent certes des sources moins amusantes que les récits mythologiques, mais n’en sont pas moins importants. En effet, le fait de vouloir régir la vie privée n’est pas qu’un concept moderne. Ces textes de lois, comme le Code d’Hammurabi par exemple, énoncent les pratiques qui étaient autorisées ou non, ainsi que les pénalités et les risques que l’on encourrait si l’on choisissait de transgresser les règles fixées. Nous recueillons ainsi énormément d’informations. Cela nous permet d’avoir une idée plus concrète de la manière dont les Anciens considéraient la sexualité.
Enfin les différentes représentations de la sexualité, dans les l’art de ces civilisations, comportent quelques objets pour le moins intéressants comme les fameuses amulettes phalliques romaines.
Après avoir évoqué les différentes sources que nous avons en notre possession, intéressons-nous aux questions d’ordre plus pratiques. Qu’est que faisaient les Anciens dans la chambre à coucher ? Une question pouvant prêter à sourire, mais les réponses apportent une clef de compréhension importante de ces sociétés antiques. Cela nous permet de mesurer le poids de la morale de l’époque, de ce qu’elle autorisait ou non.
Dans l’Antiquité, il est admis par la plupart des spécialistes de la période, que l’homosexualité est un concept qui n’existe pas, tout comme celui de l’hétérosexualité. En effet ces termes s’appliquent à des sociétés dans lesquelles le genre des partenaires est considéré comme le point important de la relation. Les Anciens attachaient beaucoup plus d’importance au rang social dans la définition de leur rapport.
Platon lorsqu’il décrit le mythe de l’Androgyne, dans le Banquet, nous donne un exemple du fonctionnement de ces relations. Il évoque le besoin de chaque moitiés séparées par les dieux de se rassembler à nouveau. Une distinction émerge du texte du philosophe : il explique que les relations hétérosexuelles et homosexuelles n’ont pas la même finalité. Les premières servent à engendrer la prochaine génération et la seconde à assouvir un désir temporaire. Dans la mentalité antique, tout individu est bisexuel, et va aller vers l’un ou l’autre des sexes à la recherche du plaisir de l’acte. Il y a donc une différence entre les rapports purement pour le plaisir et ceux qui ont un but reproducteur.
Apparait néanmoins la nécessité d’assurer la descendance de la lignée familiale. Le mariage et les relations sexuelles qui sont mentionnées et représentées réunissent souvent deux personnes de sexe opposé dont le but est de procréer.
La question qui revient le plus dans les textes régissant les ébats concernent la place de l’homme dans ceux-ci. Si vous êtes le maître et que l’autre est votre esclave, vous devez être « l’actif » et lui le « passif ». Les relations sexuelles dans l’antiquité évoquent beaucoup la question de la figure « dominante ». Un exemple pour illustrer ce constat est un épisode tiré de la cosmogonie héliopolitaine dans lequel le dieu Seth, essaye de séduire son neveu Horus et d’avoir des relations où il serait « l’actif » et lui le « passif », afin de le discréditer devant le tribunal des dieux. Ceci témoigne de l’importance accordée à ces rôles « d’actif » ou de « passif ».
Les enfants, avec un statut égal aux femmes et aux esclaves, ont aussi une place au sein de certains systèmes de relations. La pédérastie (à ne pas confondre avec la pédophilie) serait, pour en donner une définition simple, le fait d’éduquer sexuellement les enfants par un système de transmission de la connaissance pouvant passer par des relations sexuelles. Elles étaient perçues comme une sorte de passation de savoir du maître à élève, et dans certains cas, plus admise que l’homosexualité à proprement dite. Un exemple célèbre avec le jeune esclave Antinoüs, dont Marguerite Yourcenar parle dans les Mémoires d’Hadrien, et dont il était l’amant de l’empereur. Cette relation est pensée à tord comme scandaleuse de part sa nature homosexuelle et le jeune âge de l’esclave ; or, ce qui pose problème c’est le fait que leur relation dépasse le cadre purement sexuel : les sentiments s’en mêlent. En homme libre et tout empereur qu’il soit, Hadrien ne pouvait pas entretenir ce type de relation avec un esclave.
Pour ce qui est des relations entre femmes, bien que peu d’informations nous soient parvenues, elles sont attestées. Les femmes étant peu considérées dans ces sociétés, l’absence de source s’explique par un probable désintérêt des auteurs de l’époque pour ces dernières. Elles sont donc rarement représentées mais nous en avons quelques mentions notamment dans certains poèmes de l’auteure grecque Sappho qui parle de son amour pour les jeunes filles (Ôde à l’aimée). Il y a également la statue égyptienne présentant un couple de femmes : Idet et Ruiu, probablement issues, pour au moins pour l’une d’elles, de la noblesse égyptienne, et présentées de la même manière qu’un couple homme et femme. L’homosexualité féminine est également présente dans le mythe des Amazones et de leurs îles, où la présence masculine était formellement interdite. Les pratiques entre femmes étaient peu relatées, nous n’avons donc pas énormément de détails.
En résumé pour les Anciens, ce qui compte c’est d’être « au dessus ». Encore une fois cela peut faire sourire, mais la bisexualité semble être de mise dans la plupart de ces civilisations, et la liberté sexuelle, peut donner cours à des orgies mises en scènes par le cinéma hollywoodien. Ces orgies et leur représentation disproportionnée sont en fait la représentation moderne de ce qui nous apparaît aujourd’hui comme « une liberté sexuelle démesurée ». Il faut également garder à l’esprit que la plupart des exemples qui nous sont rapportés, ne touchent qu’une part très privilégiée de la population. Il y a ainsi un manque énorme d’informations concernant la population lambda sur laquelle on ne peut que faire des suppositions au regard des à lois de l’époque.
Hadrien de l’Archéoclub de l’école du Louvre
Bonjour, j’ai lu l’article et bien que le sujet soit passionnant, il me semble que l’article passe un peu vite sur certain sujets et notamment la question de la pédérastie. L’article déclare que la pédérastie n’est pas à confondre avec la pédophilie mais la définit comme le fait d’éduquer sexuellement les enfants par un système de transmission de la connaissance pouvant passer par des relations sexuelles. » Je trouve qu’une telle articulation des idées prête à confusion et semble contredire ce qui a été dit juste avant.
D’autre part, la pédérastie est à l’origine une forme d’institution dans la société grecque à l’ère classique, et prendre pour exemple la relation entre l’empereur Hadrien et Antinoüs presque six siècles après ne parait pas très adéquate.
De plus, prendre cet exemple me semble nier une dimension essentielle de la pédérastie évoquée par la définition : il s’agit d’une forme de transmission de savoir, certes, mais surtout d’une forme d’éducation à la citoyenneté dans l’Athènes classique. De plus, la pédérastie du moins dans la Grèce antique ne concerne pas les enfants, mais bien les adolescents masculins, lâge minimum de l’eromène, le garçon qui est aimé, étant de 12 ans. Comme dit plus haut, commencer par dire que la pédérastie n’est pas la pédophilie, mais la définir comme l’éducation sexuelle d’enfants revient de fait à confondre les deux mots et les deux réalités.
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