Le temple du Vat Phu au Laos

Classé en 2001 au Patrimoine mondial de l’UNESCO, le Vat Phu est un impressionnant complexe religieux constitué d’un sanctuaire, de bâtiments anciens, d’une source et d’une montagne sacrées. Aujourd’hui situé au Laos dans la province méridionale du Champassak, ce site est une construction khmère : fondé au VIIe siècle et abandonné au XIIIe siècle, le Vat Phu est un témoin privilégié de l’histoire khmère et des différents styles artistiques qui ont jalonné celle-ci. Le temple est également remarquable pour sa richesse iconographique : tour à tour d’obédience shivaïte et bouddhique, les deux religions cohabitent dans une heureuse harmonie.

Histoire du site

La fondation légendaire

D’après un mythe, le prince Kammatha aurait ordonné la construction de ce site exceptionnel. Au même moment, de l’autre côté du Mékong, les gens de That Phanom auraient été en train de réaliser eux-aussi un monument religieux : une compétition est alors lancée afin de voir quel édifice sera terminé en premier. Alors que les ouvriers du Vat Phu avancent rapidement dans leur ouvrage, ce n’est pas le cas de leur rival : entièrement constituée de femmes, l’équipe du That Phanom prend du retard. Les travailleuses ont alors recours à un stratagème : elle dénouent leur corsage et dénudent leur poitrine. Nombre d’hommes du Vat Phu, apprenant la nouvelle, quittent le chantier afin d’admirer leurs rivales – certains aidant même à la construction du That Phanom. Devant la désertion de ses ouvriers et sa défaite, le prince Kammatha se frappe alors la poitrine si fort qu’il en mourut. (1)

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Vue des baray, des Palais et de la chaussée d’accès – ©laoshotels.co

 

Histoire archéologique du site

Le Vat Phu est la plus ancienne et la plus sacrée des fondations provinciales : le site est ainsi considéré par les souverains khmers comme le berceau de leur dynastie. S’il ne reste aucun vestige archéologique pour témoigner de ces débuts, plusieurs stèles permettent d’attester de la présence d’un sanctuaire au Vat Phu au VIIe siècle.
Les édifices tels que nous pouvons les voir aujourd’hui sont datés des XIe au XIIe siècles. Les rois khmers – notamment Jayavarman VI (1080 – 1107) et Sūryavarman II (r. 1113 – 1150) – ont en effet multiplié les constructions, considérant le Vat Phu comme le berceau de leur civilisation. Ce patronage étendu sur les siècles a pour conséquence d’avoir une multitude d’influences : le temple n’a donc pas d’unité stylistique, contrairement à d’autres édifices angkoriens qui sont le fruit d’un seul souverain. Le plus ancien des vestiges conservés et certainement le premier à avoir bénéficié du mécénat impérial est le sanctuaire. L’état actuel de ce dernier est en effet daté de la première moitié du XIe siècle.
Si le site est continuellement agrandi lors de la période angkorienne, cela n’est plus le cas lors de l’abandon d’Angkor en 1431. Le majestueux Vat Phu demeure ainsi dans un état figé et aucun nouveau bâtiment ne viendra plus l’enrichir. Le site n’est cependant pas abandonné et continue d’occuper une place importante dans le cœur des locaux. C’est finalement à la fin du XXe siècle que l’activité religieuse au Vat Phu cesse lorsque les moines quittent le site en 1992.

Le Vat Phu à l’épreuve du tourisme

Le site a été inscrit en décembre 2001 sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, ce qui fait de lui le deuxième site khmer après Angkor (1992) et avant Preah Vihear (2008) à avoir été reconnu par l’Organisation. Ceci, couplé à l’ouverture du pays au tourisme depuis les années 90, a conduit à une augmentation de la fréquentation du site. Celui-ci demeure toutefois délaissé par les circuits touristiques visant à présenter les temples khmers, de par sa situation en pays lao et non cambodgien.

Description générale du site

Le Vat Phu est situé au pied d’une montagne nommée par les Lao « Phou Khao », à savoir la montagne au chignon. Ce sanctuaire est axé, c’est-à-dire qu’il se développe de part et d’autre d’un axe central et qu’il se termine avec le sanctuaire ou un mur d’enceinte postérieur. L’axe du Vat Phu mesure 1400 mètres de long et est orienté est-ouest. Ce type de disposition est rare dans l’architecture khmère qui privilégie le plan en enceinte tel que l’on peut le retrouver à Angkor Vat. Il est probable que les artisans et architectes aient opté ici pour le plan axé afin de s’adapter d’une meilleure manière à la topographie du site, de renforcer l’importance donnée à la voie de pénétration et de rythmer le progression vers l’espace le plus saint du temple.

Suivant cette voie, le visiteur est alors accueillit par deux baray, des bassins à la fonction domestique et religieuse évoquant l’Océan universel. Prennent ensuite place deux structures conventionnellement appelées « palais » mais dont la fonction demeure inconnue.

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Le sanctuaire – ©UNESCO

La longue chaussée vient se clore au pied de la terrasse supérieure dont l’accès est permise par une série d’escaliers. Au centre de celle-ci se trouve le sanctuaire principal, dédié à Shiva. La cella (aujourd’hui vide) est précédée d’un mandapa, actuellement occupé par des statues du Bouddha. Tout autour de ce sanctuaire se déploient différentes structures dont des « bibliothèques » mais dont l’élément le plus significatif est le linga naturel situé au sommet de la montagne. Ce linga, à savoir une représentation phallique du dieu Shiva, fait partie intégrante du site. Il est probable que ce soit sa présence, considérée comme signe de bon augure, qui ait influencé le choix d’implantation du temple pour les premières populations.

L’iconographie

Comme tous les temples khmers, le Vat Phu est embelli par de nombreux motifs

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Shiva, Parvati et le taureau Nandi – Image Philippe Lafond

sculptés : frontons, linteaux, revêtements de murs… Sur ces supports prennent ainsi place des représentations de dieux hindous (Vishnu, Brahma, Shiva et son épouse Parvati…) et des mythes hindous – un linteau représente par exemple le barattage de la mer de lait, histoire se déroulant dans des temps où les dieux étaient encore mortels et s’associent alors temporairement aux démons afin de baratter la mer de lait pour en fait sortir la liqueur d’immortalité.

 

L’iconographie du temple est presque exclusivement hindoue : ceci s’explique par de longs siècles d’obédience shivaïte. Le bouddhisme n’est toutefois pas totalement absent car des statues représentant le Bienheureux sont conservées dans le mandapa. Ces œuvres figurent toutes le Bouddha assis, les jambes croisées, la jambe gauche repliée sur l’aine droite tandis que la jambe droite est symétrique au-dessus.

 

Véritable ensemble comprenant des bâtiments anciens, une source et une montagne sacrées, le Vat Phu relève comme tous les temples khmers d’un riche symbolisme. De par sa construction ininterrompue et son organisation axée, le site fait preuve d’une réelle originalité dans une architecture khmère qui a privilégié presque exclusivement le plan à enceinte. Tout ceci renforce le caractère exceptionnel du site dont l’importance a été reconnue sur la scène internationale lors de son inscription au Patrimoine Mondial de l’UNESCO en 2001.


Notes complémentaires :
(1) Kammatha apparaît dans une autre légende, qui prend elle aussi pour point de départ une rivalité entre Vat Phu et That Phanom. Dans cette version de l’histoire, Kammatha ne défie pas les ouvriers du chantier mais la reine voisine qui dirige celui-ci. Après avoir accepté le défi, la reine assure à son homologue « quand vous verrez l’étoile du matin briller à l’horizon, ma construction sera achevée ». Alors que les deux souverains débutent leurs chantiers respectifs, la reine imite le signal de l’aube en élevant au sommet d’un haut échafaudage de bambou une lanterne brillante. Croyant à sa défaite , le prince suit la même fin que dans la première légende.

Le Champassak est desservi par l’aéroport international de Paksé, capitale du Champassak.
Le prix du billet pour le Vat Phu (comprenant l’accès au temple et au musée du site) est de 50 000 lak pour les étrangers (environ 5 euros).

Bibliographie succincte :
• Prince Doan na Campassak, Vat Phu, 1972, L’œil, n°212 – 213, Suisse
• Giteau Madeleine, Vat Phu, Histoire et légende du monastère de la montagne, 1995, Connaissance des arts n°519, p. 57 – 63
• Engelmann Francis, Vat Phu Champassak : le temple de la montagne, guide du visiteur / Vat Phu Campassak : the temple of the Mountain, Vistor’s guide, Département du Patrimoine mondial de Vat Phu Campassak , 2012, Vientiane
• Giteau Madeleine, Art et Archéologie du Laos, Picard, 2001, France
• Bulletin de l’Ecole française d’Extrême-Orient, tome 14, Parmentier Henri, Le Temple de Vat Phu, 1914. pp. 1 – 32 [en ligne]
http://www.persee.fr/doc/befeo_0336-1519_1914_num_14_1_2835

Image à la une : ©Wordatlas (vue du Palais nord)

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