Le site archéologique d’Hazor

Hazor est un site archéologique antique situé au nord de l’Israël, en Haute-Galilée, à proximité du lac de Tibériade et des frontières libanaise et syrienne actuelles. Grâce aux sources textuelles du second millénaire avant notre ère et par les recherches archéologiques, on sait qu’il s’agit du site royal le plus important du Levant Sud, dont l’influence est comparable à celle des sites de Massada et de Jérusalem. Il s’agit aussi de l’un des sites les plus assidument fouillés du Proche-Orient.


Description générale

Le site est composé d’une haute-ville et d’une basse-ville de cinquante hectares qui est encore quasiment inexplorée. La haute-ville, bien plus petite, concentre la très grande majorité des recherches archéologiques puisque c’est là que se situent les ruines les plus importantes, c’est-à-dire les lieux de décision politique et de pratique religieuse : palais, murs de casemate, tour de guet, structures cultuelles, etc. La ville cananéenne abrite probablement deux salles d’archives non encore découvertes qui sont l’une des trouvailles les plus attendues du chantier.

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Le site est occupé dès le Néolithique et le Chalcolithique entre les 8e et 5e millénaires, jusqu’aux occupations mamelouke et ottomane au Moyen Age. En tout, 22 villes différentes se sont superposées avec le temps sur le site d’Hazor. Le site de l’âge du Bronze correspond culturellement à la zone sud Cananéenne.

Histoire des fouilles

Les premières fouilles de Hazor ont eu lieu à partir de 1955 sous la direction de Yigael Yadin avec d’autres pionniers de l’archéologie israélienne. Le but de ce dernier était d’en faire un chantier-école, une ambition toujours poursuivie et chérie avec succès de nos jours. Aujourd’hui, un peu moins de 3% de la surface estimée du site a été étudiée, mais celle qui en a fait l’objet a permis d’en déduire les informations les plus cruciales. Le chantier a repris à la fin des années 1980 jusqu’à nos jours sous la direction du Pr Amnon Ben-Tor, du Dr Sharon Zuckerman et du Dr Shlomit Bechar depuis 2015.

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Shlomit Bechar et Amnon Ben-Tor durant la session de 2019.

Un lieu stratégique

Du haut du tell, on peut observer les plaines de la Bekaa (la vallée du Liban) ; il s’agit ainsi d’un lieu propice à la stratégie militaire et à la surveillance des invasions du Nord. Géographiquement, la ville se rend inévitable lors d’un passage dans le Levant, elle est stratégiquement positionnée pour surveiller les attaques, recueillir les taxes et accueillir tous les voyageurs et émissaires. Selon un récit babylonien nommé « le livre du Rêve », un personnage fait le rêve de monter dans une caravane en partant de Babylone. À la fin de la route, il prend conscience qu’il est arrivé à Hazor : la preuve que cette ville était au carrefour des routes et des civilisations puisqu’elle était directement reliée à Babylone.

La métropole cananéenne de l’âge du Bronze

Les Cananéens sont un peuple du IIIe millénaire avant notre ère qui peuplait la Palestine, le Liban et le territoire actuel d’Israël. Ils étaient originaires plus précisément des sites palestiniens d’Ashdod, Gaza et Ashkelon. Les Cananéens ont peuplé Hazor jusqu’à l’arrivée des Israélites. Ces derniers, aussi appelés les Hébreux ou les Apirou dans les sources anciennes, sont un groupe socio-économique multi-ethnique divisés en tribus.

Durant l’âge du Bronze, la ville s’étend à la fois dans la basse et la haute-ville : c’est ce qu’on appelle le Greater Hazor. Les recherches des sites archéologiques cananéens ont déterminé que la plus grande période de prospérité de la région eut lieu entre 1500 et 1200 av. J.-C. sous la gouverne d’Hazor. Les excavations et les découvertes ont très bien mis en exergue la puissance incontestable de cette métropole antique :

Le palais cananéen, dans la zone A. Ce large bâtiment très bien restauré est tantôt interprété comme un palais ou comme un temple.

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Les tablettes cunéiformes de l’âge du Bronze. Plusieurs tablettes cunéiformes ont été découvertes sur le site. Celle-ci représente un foie animal en pierre recouvert de textes divinatoires (une pratique répandue dans le Proche-Orient ancien). Elle pourrait appartenir à un corpus d’archives très large, qui reste encore à découvrir.liver

Statuettes de bronze de la Hazor cananéenne, Israel museum, Jérusalem.

DEUX STATUES

La ville israélite de l’âge du Fer

Selon les études archéologiques de la fin du 20e siècle, et notamment celles d’Amnon Ben-Tor qui dirigeait les fouilles d’Hazor, on a pu conclure que durant le premier âge du Fer (1200-1000), les Cananéens se sont effacés au profit des Israélites, qui se sont assimilés à la culture de leurs prédécesseurs. En effet, des orthostates verticaux incarnant la divinité suprême cananéenne ont été retrouvés dans des lieux cultuels d’Hazor, datant de l’époque israélite. Or, on sait que les Cananéens adoraient les figures de leur dieu : cette pratique, bien que condamnée dans les textes hébreux, fut donc reprise dans le culte israélite. Ce phénomène d’acculturation cananéenne des Israélites était encore inconcevable chez la communauté de chercheurs dans les années 1950-1960. Par ailleurs, des traces d’un incendie extrêmement chaud, évalué à 1200°C, sont retrouvées dans de nombreuses ruines de la haute-ville du 12e siècle. Durant cette dernière période, Hazor voit sa population décroître à environ 1200-1500 personnes : par sa décroissance démographique, la ville perd son importance politique mais constitue alors un lieu déterminant dans l’étude historiographique des sources bibliques.

Néanmoins, la Bible donne l’indication dans le Livre de Josué et le Livre des Juges que la ville aurait été conquise donc détruite par les Israélites à la suite de batailles (selon le premier) ou en conséquence d’une infiltration progressive (selon le second).

Livre de Josué, ch. 11  :

v.10 : À son retour, et dans le même temps, Josué prit Hatsor, et frappa son roi avec l’épée : Hatsor était autrefois la principale ville de tous ces royaumes.

v.11 : On frappa du tranchant de l’épée et l’on dévoua par interdit tous ceux qui s’y trouvaient, il ne resta rien de ce qui respirait, et l’on mit le feu à Hatsor.

Les nuances d’interprétation sur la conquête israélite du royaume de Canaan, issues des deux livres bibliques, donnèrent lieu à deux écoles de pensée différentes chez les chercheurs. Les fouilles menées dans plusieurs sites de la région, comme Jéricho ou Lachish, permettent de récolter davantage de données, de les comparer avec les sources anciennes et notamment bibliques afin de dissocier le vrai du faux, l’historique du légendaire : c’est l’essence même de l’archéologie biblique.

Actuellement, les directeurs de fouilles d’Hazor favorisent une théorie entre-deux, et privilégient l’idée que les Israélites auraient progressivement intégré et conquis Hazor sur une période d’environ deux-cents ans entre la fin de l’âge de Bronze ( dans la métropole cananéenne encore intacte, où ils semblent déjà présents) et jusqu’au 10e siècle (durant l’âge de Fer).

Si les Israélites ont conquis un site qu’ils fréquentaient depuis plusieurs générations, rien ne permet cependant de certifier que ce sont eux qui ont détruit la métropole au 12e siècle av. J.-C. Sharon Zuckerman, qui fut la co-directrice des fouilles d’Hazor de 2005 à 2014, a étudié la chute d’autres villes majeures comme Teotihuacan. Elle en a conclu que la métropole cananéenne d’Hazor a peut-être été détruite par la rébellion populaire contre les élites de la haute-ville. Néanmoins, rien ne permet d’en être absolument certain. S’il ne s’agit probablement pas des Égyptiens ni des Peuples de la mer, rien ne dit que les destructeurs d’Hazor ne sont pas d’autres populations étrangères à la ville.

En 732 av. J.-C., le royaume israélite, gouverné par Menahem, est conquis par l’assyrien Tiglath Pilasar III, responsable de la destruction définitive d’Hazor.

Les lieux-clés de l’âge du Fer

La forteresse, le point le plus haut de l’acropole sur le point nord-ouest du site, datant du 8e siècle. Au fond à droite, on peut voir les restes de la tour de guet, le point culminant du site. Au premier plan, au milieu, on voit les restes d’un lieu de culte du 11e siècle dans lequel se dressait une grande pierre allongée, aujourd’hui posée à l’horizontal au sol. Il s’agit de l’incarnation de la divinité cananéenne qui a été adoptée par les Israélites.

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dav

Le portail du 10e siècle, qui correspond à la même typologie des portails de Meggido et Gezer à la période du roi Salomon.

solomonic gate

Le système de récupération d’eau de l’âge du Fer est une preuve du haut niveau d’ingénierie antique puisque le diamètre du trou a été calculé parfaitement selon la grande profondeur de la structure afin que les parois ne s’effondrent pas sur elles-mêmes et qu’on puisse aller suffisamment profond. Les ingénieurs de l’époque savaient que si le diamètre du système était trop étroit, on ne pourrait pas aller aussi loin qu’on le souhaitait. Cette infrastructure représente la grandeur et l’ambition du roi Ahab, ayant regné au 9e siècle av. J.-C., probablement le monarque le plus important de l’histoire d’Hazor.

système de récup eau

L’aire M fait l’objet des excavations principales à Hazor chaque année depuis les années 1990. On y a déblayé une grande partie des strates proches de la basse-ville, qui correspondent donc à l’âge du bronze. En revanche la partie haute de l’aire M n’a pas encore été fouillée aussi profondément, ainsi elle correspond actuellement à plusieurs périodes différentes. L’un des intérêts de cette zone est la jonction entre la haute et la basse-ville. Durant la session de fouilles de 2018, on a découvert un magnifique escalier d’entrée dans la haute-ville. Dans les années à venir, on espère poursuivre les fouilles derrière celui-ci pour continuer à excaver l’aire M de l’âge du Bronze. En attendant les autorisations du parc, qui sont difficiles à obtenir, la saison 2019 s’est orientée sur l’excavation des aires M4 et M68 datant de l’âge du Fer, principalement des phases de post-destruction (7e siècle) et de destruction d’Hazor par les Assyriens (8e siècle).

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STAIRCASE

Une forte présence égyptienne

Sous le Nouvel Empire égyptien (1550-1086 av. J.-C.), Hazor était régulièrement dans le giron diplomatique et militaire de l’un des plus grands royaumes de cette période. On retrouve de nombreuses traces de leur influence à Hazor, à la fois dans les strates de l’âge du Bronze et dans les niveaux plus récents. La plupart des statues égyptiennes d’Hazor datent du Moyen Empire (2033-1786 av. J.-C.), à l’époque où la métropole cananéenne n’existait pas. Elles ont probablement été données en cadeau au roi d’Hazor ou en dotation cultuelle par le roi égyptien, bien après leur élaboration, durant le Nouvel Empire, lorsque le site était devenu le lieu le plus important du Sud-Canaan.

Statue de Ptahhotep, un haut officiel de Ramsès II qui a visité le Hatti (l’empire hittite) et qui aurait offert une table d’offrande à la zone cultuelle hazorite.

PTAHHOTEP

On a découvert en 2013 à Hazor le seul sphinx de Mykérinos jamais retrouvé (4e dynastie, Ancien Empire, c. 2500-2400 av. J.-C.). Il s’agit vraisemblablement d’un cadeau d’un émissaire égyptien pour les Hazorites, au Nouvel Empire, lorsque l’influence de l’Égypte s’étendait jusqu’aux portes du Liban.

SPHINX

Tête de roi de l’Ancien Empire en grauwacke, mutilée volontairement, retrouvée dans la strate du 13e siècle av. J.-C. Aucun autre morceau de cette statue n’a été retrouvé sur le site, ce qui amène à penser qu’on a peut-être dispersé volontairement les fragments pour annihiler totalement son pouvoir symbolique.

HEAD

Fragment de statue de Nebtipu, grand officiel égyptien du règne de Sésostris Ier (Moyen Empire).

FOOT


Hazor, « à la tête de tous les royaumes », comme le dit la Bible, est l’un des lieux les plus déterminants dans l’étude et la compréhension des phénomènes civilisationnels du Proche-Orient ancien. Par la mise en relation des textes bibliques, des sources anciennes et des trouvailles archéologiques, ce site constitue un lieu à l’histoire passionnante et dont l’étendue nécessite encore des décennies de recherches.

Bibliographie :

A. Ben-Tor, Hazor – Canaanite Metropolis, Israelite City, 2016.

A. Ben-Tor, S. Bechar, S. Zuckerman, D. Sandhaus, Hazor VII, The 1990-2012 Excavations – The Bronze Age, 2017.

S. Bechar, How to find the Hazor archives (I think), The Biblical Archaeology Review, 43.2, mars/avril 2017.

D. Farout, Chronologie des rois de l’Egypte Ancienne, 2018.

Statue Fragment of Ancient Egyptian Official Found in Israel, sci-news.com, 26 juillet 2016.

Les Cananéens – de vers 2400 à 1200, antikforever.com

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