
À Gauche : Marissa Berenson dans Barry Lyndon ; à droite : Romy Schneider dans Sissi
Cette fois ci, ce n’est pas le ciné-club de l’École du Louvre qui prend la parole. Je viens représenter le Défilé de l’Histoire, club de reconstitution historique. Ils aiment les beaux films, et nous aussi, mais peut-être pas toujours pour les mêmes raisons. Nous sommes là pour vous parler des costumes à l’occasion d’une collaboration avec le ciné-club. Et ils ont bien fait de faire appel à nous. Au Défilé de l’Histoire, on adore les costumes historiques. C’est un peu notre objectif aussi de reconstituer ce type de vêtements. Alors quand on tombe sur un film ou une série qui se déroule dans le passé, on attend les costumes avec impatience. Mais saviez-vous que vous en regardiez plus que ce que vous croyiez ?
Il est facile de s’émerveiller sur les robes et les perruques dans le film Barry Lyndon de Stanley Kubrick, ou sur les crinolines de la saga Sissi Impératrice. C’est si loin de notre manière de nous habiller que nous sommes forcés d’en apprécier le travail et les détails. Quand on a un peu l’œil, on salue les recherches faites pour intégrer la narration dans une période ancienne. (Ou on se plaint du cas contraire ! Marie Stuart n’avait pas les cheveux lâchés ni des bijoux de chez Forever 21 ! Retourne faire des recherches, Reign).
Mais il n’y a pas que les grands films d’époque qui ont le droit à ce souci de chronologie. Les films réalisés aujourd’hui et qui traitent des années 2000 ont déjà des costumes historiques en soit. Et pourtant, c’était il y a seulement deux décennies. Mais les choses ont beaucoup changé. Depuis le modèle de votre téléphone à votre paire de baskets dont la marque n’est pas sortie avant 2017, en passant par vos coupes de cheveux qui n’ont pas arrêté d’osciller entre la mèche et sans la mèche, il en faut peu pour repérer que quelque chose ne va pas. Le costume est donc tout aussi essentiel, que l’action ait lieu en 1900 ou en 2000. Cela se voit bien dans des films qui cherchent à couvrir la vie d’un personnage sur plusieurs décennies. Dans le Premier jour du reste de ta vie (2008) de Rémi Bezançon, on suit la vie d’une famille. Avant même qu’ils parlent, on sait que l’action avance dans le temps, ne serait-ce parce qu’ils vieillissent mais aussi parce que la mode évolue beaucoup d’une année à une autre, même si on ne s’en rend pas vraiment compte.
Cependant, ce n’est pas toujours exécuté parfaitement. Le travail des costumiers ne s’arrête pas sur la table de design, ils doivent avoir l’œil sur les plateaux de tournage. Il existe des blogs entiers de personnes qui remarquent ces petits anachronismes qui se glissent dans les décors des productions les plus prestigieuses. Par exemple, Le Parrain de Francis Ford Coppola (1972) se déroule dans les années 1940 et 1950. Pourtant, dans une scène à Las Vegas, on peut très bien distinguer en arrière-plan des jeunes hommes barbus aux vêtements violets et verts d’un style typiquement à la mode au moment du tournage du film : les années 1970.
On peut aussi noter la différence entre un film qui représente la période durant laquelle il a été réalisé et un film dont l’histoire se déroule bien avant sa réalisation. Quand on regarde un film des années 1980, les vêtements sont assez génériques. On ne trouve pas vraiment de choses particulières qui nous rappelleraient de suite : « ça c’est les 80’s ». Mais lorsqu’on cherche à faire un film qui se situe dans cette période, les costumiers cherchent à susciter une certaine nostalgie chez le spectateur, surtout si cela se réfère à sa jeunesse. Pensez à la série Stranger Things : nombreux sont ceux qui vous diront qu’elle est très fidèle à la période. Mes propres parents rient devant des fringues qu’ils ont personnellement achetées et portées dans ces mêmes années. Et en effet, il y a une grande attention portée aux détails, mais les costumiers ne se reposent que sur le souvenir. On se rappelle bien plus aisément du chouchou jaune de la queue de cheval haute de notre petite sœur que du pull tout simple que portait notre meilleur ami. Voilà pourquoi le premier se retrouve dans les cheveux d’Eleven et que le second n’est visible nulle part. Dans ce genre de production, le style des années 80 est exagéré bien que ce soit fait de manière assez subtile pour qu’on ne se pose pas trop de questions.
Alors la prochaine fois que vous regarderez un film, même sur un événement dont vous vous souvenez personnellement, n’oubliez pas tout le travail de recherche, parfois digne d’un détective, qu’il a nécessité. Ou alors faites comme nous : jouez à trouver l’erreur. Il y en aura toujours une, on vous rassure.
Raphaëlle Toullieux du Défilé de l’Histoire