L’exposition «La lutte Yanomami» de la photographe brésilienne Claudia Andujar à la Fondation Cartier

Toute sa vie, cette photographe d’origine hongroise a mis son art au service du peuple Yanomami afin de revendiquer leurs droits.

L’ensemble de son œuvre est aujourd’hui exposée au MOMA à New York.

Née en Suisse au début des années trente, elle suit une formation en sciences humaines. Son enfance est marquée par la guerre et la déportation des membres de sa famille, d’origine juive, dans des camps de concentration. Elle se tourne alors vers la peinture expressioniste et abstraite, tout en suivant en parallèle une carrière de guide au siège de l’ONU. C’est au début des années 1960 que grandit peu à peu son intérêt pour la photographie, ainsi que pour l’Amérique Latine ; elle s’installe alors à Sao Paolo. C’est le début de sa rencontre avec les Indiens Karaja, lors de son premier travail de recherche en tant qu’auteure et de son militantisme pour la cause indienne. En effet, au début des années 1970, les Indiens Yanomami sont menacés par la construction d’une autoroute en plein coeur de leur territoire, dans le but de faire du profit, ce qui cause la propagation de maladies mortelles pour eux, n’étant pas immunisés.

Cette exposition à la Fondation Cartier met en valeur les Indiens à travers des photographies sublimes ainsi que des extraits de ses carnets de voyage : autant de moments forts au coeur de la communauté Yanomami. « La lutte Yanomami » se révèle être une escapade hors du temps dans la forêt amazonienne. Entre autres, Claudia Andujar présente la cérémonie du reahu qui permet l’alliance entre les différents peuples amérindiens de la région. Le reahu se compose de rituels, de divers chants, de dialogues cérémoniels une semaine durant, et se clôture par la consommation d’une poudre hallucinogène (la yakoana) auprès des hommes des tribus. Les photographies de Claudia Andujar retranscrivent très nettement les différentes sensations éprouvées par les hommes durant ces moments.

Les portraits sont touchants, tantôt couleurs vives, tantôt en noir et blanc, nets, flous, les Yanomami regardent le spectateur dans les yeux et semblent l’interpeller. 

La photographie rend possible le militantisme ainsi que l’introspection

La trame narrative de ces années passées dans la forêt amazonienne est rendue possible grâce à la participation des Indiens, avec les nombreux dessins et gravures visibles dans la seconde partie de l’exposition : des représentations de leur propre mythologie, de multiples illustrations de leur rapport à la nature et à autrui. Le public a l’occasion de visionner de courts extraits de vidéographies, de la couverture de la cause Yanomami par les différents médias brésiliens aux témoignages des populations

Son oeuvre a permis de retranscrire et de préserver la culture Yanomami, notamment dans un livre « The House, the Forest, The Invisible » publié en 1998. 

Ils craignaient qu’elle les prenne en photo, puisqu’ils avaient peur qu’elle leur vole ainsi leur âme, et ce n’est qu’au fur et à mesure du temps qu’ils ont en quelque sorte apprivoisé ce rapport à leur image et ont su en jouer. Cet aspect n’est pas le seul obstacle auquel elle a été confrontée lors de son expérience au sein de la communauté Yanomami. En effet, Claudia Andujar a également rencontré des difficultés techniques, liées au manque de lumière et a su y remédier et improviser. C’est par exemple visible dans l’une de ses plus marquantes séries, intitulée « Marcados » (« Marqués »), un titre évocateur, en lien avec les pratiques culturelles du recours aux tatouages mais aussi avec le contexte politique. 

Elle subit en 1977 une expulsion forcée par le gouvernement brésilien. Loin de la dissuader, elle est alors contrainte de rester à Sao Paolo. Cet acte ne fait que renforcer sa volonté militante et sa détermination pour la cause Yamomami. Elle déclare à ce sujet « être liée à la terre, à la lutte première […] tout cela semble essentiel. J’ai été poussée là-bas, dans la forêt amazonienne, pour cette raison. C’était instinctif. C’est moi que je cherchais. » Elle reprend l’idée d’une quête initiatique, d’une exploration à travers l’objectif photographique, en donnant une voix aux Yanomami. Son œuvre peut être considérée comme un véritable manifeste audiovisuel d’archives, de témoignages. 

Claudia Andujar a participé à la création d’un parc national protégé, réservé aux Yanomami, sur ce territoire au Sud qui était devenu l’enjeu de nombreuses convoitises depuis que le gouvernement brésilien avait pris la décision de bâtir une route traversant la forêt amazonienne, propageant ainsi des maladies mortelles comme le paludisme dans les années 1980. Une exposition à découvrir jusqu’au 13 septembre 2020, à mettre en lien avec l’actualité et les décisions politiques radicales prises par Jair Bolsonaro. 

Sources

Fondation Cartier pour l’Art Contemporain, Claudia Andujar, La Lutte Yanomami, du 30 janvier au 13 septembre 2020.

Christine Coste, Le Journal des Arts, Chez les Yanomami avec Claudia Andujar, 24 mars 2020.

Claudia Andujar, Wikipedia.org.

5 commentaires

  1. Beau compte rendu, plein d’administration justifiée pour la photographe, et en empathie avec le peuple Yanomami. Une contribution supplémentaire nécessaire pour dénoncer l’exercice de la bêtise et la méchanceté, héritage de la colonisation, et perpétuer avec ardeur par Boltonaro.

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  2. Beau reportage, plein d’admiration justifiée pour la photographe exposante, et d’empathie nécessaire pour le peuple Yanomami. Voilà une contribution supplémentaire à la dénonciation des effets de la bêtise et de la méchanceté, héritage du colonialisme. Malheureusement Boltonaro n’arrange pas la situation…

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